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L’art bohème et l’artifice : Puccini au cinéma

Tours
Opéra-Théâtre
04/13/2012 -  et 15, 17* avril 2012
Giacomo Puccini : La bohème
Lianna Haroutounian (Mimi), Caroline Bleau (Musetta), Leonardo Caimi (Rodolfo), Jean-Sébastien Bou (Marcello), Ronan Nédélec (Schaunard), Christian Helmer (Colline), Antoine Normand (Benoît, Alcindoro)
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef des chœurs), Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce (direction musicale)
Gilles Bouillon (mise en scène et chorégraphie), Nathalie Holt (décors), Marc Anselmi (costumes), Michel Theuil (lumières)


(© François Berthon)



La Bohème constitue peut-être le premier avatar, au sens chronologique autant qu’axiologique, du réalisme, si ce n’est du naturalisme à l’opéra, même s’il ne saurait s’y réduire. Pourtant, il semble rapidement évident, pour qui examine la chose d’un peu plus près, que cette chronique de la vie précaire des gens de bohème est recouverte d’un bon vernis de sentimentalisme – sans pour autant que la description des conditions d’existence des jeunes protagonistes n’en perde en pertinente vraisemblance. L’usage est cependant de s’y tenir, soit en accentuant le côté livre d’images, soit en accusant les détails presque scabreux.


Le travail de Gilles Bouillon présente le mérite de soulever le tulle d’artifice qui recouvre le tout. En fond de décor s’étale au travers d’une baie vitrée une vue de Paris en noir et blanc telle qu’on la découvre en atterrissant à Orly – patinée pour le coup d’une légère mélancolie des années septante, date probable du cliché qui a servi de matériau. La mansarde des jeunes gens se tient au milieu de toits, et un projecteur éclaire le foyer où se découvrent Mimi et Rodolfo. C’est en effet au lexique cinématographique que la mise en scène emprunte ses effets, dans une sorte de dévoilement de la machine représentationnelle avant chaque tableau, où la manutention des éléments de décors se révèle en ombre derrière un écran blanc. C’est d’ailleurs l’abaissement de ce dernier sur l’horizon qui referme l’espace au dernier acte sur l’ultime chambre de Mimi, qui s’épanouit sur l’ensemble du plateau – élargissement d’une intimité désormais partagée par tous les personnages. La réalisation ne fait pas toujours l’économie de quelques maladresses, avec des intentions de distanciation parfois plus claires que la sémiologie scénographique. Mais une telle proposition a le mérite de renouveler notre compréhension de l’opéra de Puccini, et redistribue avec d’intérêt les éclairages dramaturgiques. Ainsi, la présence de Colline et Schaunard apparaît bien anecdotique au premier acte, et ne prend un relief particulier – surtout la mélopée de Colline – qu’au dernier. A l’inverse, la focalisation sur les deux couples (Mimi et Rodolfo, Musetta et Marcello), et leur parallélisme, gagne en évidence et en impact. Il n’est cependant pas certain que le procédé d’élaboration continue du spectacle favorise la lisibilité de cette perspicace mise en place.


De la distribution réunie par l’Opéra de Tours, c’est la Mimi de Liana Haroutounian qui remporte la palme à l’applaudimètre – à juste titre. D’emblée son timbre corsé et rond confère à sa composition une sentimentalité à la fois sapide et équilibrée, retenue et émouvante dans son trépas, gauche à l’occasion, mais sans jamais obérer l’élégance de la ligne. Son Rodolfo, Leonardo Caimi, lui donne la réplique dans le même esprit. Si les aigus n’éclatent pas de vaillance, en particulier au début de la soirée, le moelleux de sa voix comme de sa musicalité parviennent sans peine à conquérir l’auditoire. Le second duo se distingue davantage par se théâtralité : Caroline Bleau exagère un peu l’acidité de son colibri néanmoins parfaitement percutant, à défaut d’une homogénéité indiscutable, tandis que Jean-Sébastien Bou, qui a ses admirateurs, revêt Marcello d’une présence et d’une intégrité vocale bien terrienne. Ronan Nédélec incarne un Schaunard crédible et Christian Helmer soutient Colline avec le legato de la sagesse du philosophe. Antoine Normand fait preuve d’une efficacité zygomatique appropriée en Benoît autant qu’en Alcidoro – les deux cocufiés de l’histoire, rôles de caractère.


A la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce se montre attentif aux couleurs de la partition – pensons aux pupitres de bois – même s’il ne peut éviter une relative baisse de tension et de qualité sonore à la reprise après l’entracte. Les chœurs et la maîtrise de la maison tourangelle accomplissent leur office avec enthousiasme, sous la houlette d’Emmanuel Trenque. Flattant autant les artistes que le public, cette soirée confirme la légitime faveur de La Bohème auprès des institutions lyriques, les internationales comme les plus «régionales».



Gilles Charlassier

 

 

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