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A grandes foulées

Paris
Athénée – Théâtre Louis-Jouvet
04/16/2012 -  
Sergueï Taneïev : Prélude et Fugue, opus 29
Nikolaï Medtner : Sonate n° 10 «Reminiscenza», opus 38 n° 1
Claude Debussy : Préludes (Second Livre): «Les fées sont d’exquises danseuses» – Préludes (Premier Livre): «Ce qu’a vu le vent d’Ouest»
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition

David Kadouch (piano)


D. Kadouch (© F. Burger)


Pour sa traditionnelle «vitrine» parisienne de printemps, «Piano aux Jacobins» renonce aux fastes du Théâtre des Champs-Elysées au profit du cadre plus intime de l’Athénée, mais l’essentiel demeure: le plus beau programme de salle de la saison, illustré cette année de onze «visions nocturnes» du photographe Axel Arno, et, surtout, une programmation toujours aussi remarquable pour cette trente-troisième édition qui s’annonce. Du 4 au 28 septembre, le festival toulousain, qui continue par ailleurs à s’exporter en Chine (douze concerts dans quatre villes différentes du 25 mai au 3 juin), invite en effet les plus grands pianistes, indépendamment de leur notoriété – de Krystian Zimerman aux trop méconnus Henri Barda et Anne-Marie McDermott –, de leur répertoire – avec les jazzmen Thomas Ehnco, Grégory Privat et Baptiste Trotignon – et de leur âge – de Menahem Pressler (88 ans) à Guillaume Vincent (20 ans). Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan, cofondateurs de cette manifestation, restent en outre fidèles à leur souci d’établir des correspondances avec la peinture au travers de la présence d’un artiste associé, le Chinois Xiao Fan (né en 1954), et de quatre «tableaux concerts» se tenant au musée Les Abattoirs.


Sous les yeux de bon nombre de (jeunes) consœurs et confrères (Delphine Bardin, David Bismuth, Dana Ciocarlie, Romain Hervé, ...), le récital de David Kadouch (né en 1985), troisième prix au concours Beethoven de Bonn (2005) et quatrième prix au concours de Leeds (2009), identique à celui qu’il avait proposé en septembre dernier au cloître des Jacobins, reprend également l’intégralité du programme de son disque russe récemment paru chez Mirare. Dans la rare tonalité de sol dièse mineur, le non moins rare Prélude et Fugue (1910) de Taneïev constitue une heureuse trouvaille, car s’il adopte une forme académique, il évoque aussi bien les enchaînements harmoniques d’un Scriabine que l’appétit digital d’un Prokofiev et le climat fiévreux d’un Rachmaninov, la Fugue se plaçant également sous le patronage méphistophélique de Liszt. Parmi les quatorze Sonates de Medtner, la Dixième «Reminiscenza» (1918) est la seule à s’être maintenue un tant soit peu au répertoire: de cette courte page d’un seul tenant, Kadouch fait ressortir le caractère narratif et rhapsodique que suggère le sous-titre, tirant de son Yamaha une large palette de nuances et de sonorités. Ne figurant pas sur son disque, les deux Préludes de Debussy, extraits respectivement du Second Livre (1912) et du Premier (1910), s’inscrivent dans la même période sinon dans le même style: de «réminiscence», il est d’ailleurs aussi question dans «Les fées sont d’exquises danseuses», avec une citation furtive, in fine, de l’Ouverture d’Obéron de Weber, avant «Ce qu’a vu le vent d’Ouest», haut en couleur, dramatique et virtuose.


Après l’entracte, le pianiste français trouve encore davantage à illustrer des images, car il a choisi les Tableaux d’une exposition (1874) de Moussorgski, une œuvre qu’il a souvent donnée ces dernières années (voir par exemple ici) et qui vient aussi en écho à la dominante picturale du festival. Dès la première «Promenade», il s’engage dans ce musée imaginaire de manière décidée et abrupte, et la visite se poursuivra le plus souvent au pas de course, trahissant une préférence pour la vélocité davantage que pour la précision: le troubadour ne s’attarde pas pour chanter sa sérénade («Il vecchio castello»), les enfants virevoltent («Tuileries»), le char traverse à vive allure le paysage polonais («Bydlo»), les volatiles piaillent et s’agitent en tout sens («Ballet des poussins dans leurs coques»), les deux Juifs s’opposent avec véhémence («Samuel Goldenberg et Schmuyle») et la sorcière Baba Yaga se montre effrayante et spectaculaire à souhait («La Cabane sur des pattes de poule»). Détaillée et articulée avec soin, «Limoges, le marché» échappe en revanche à cette précipitation tandis que les «Catacombes» restent assez distantes, mais toutes les «Promenades», même «Cum mortuis in lingua mortua», se font à grandes foulées. L’ensemble ne manque donc pas de cohérence et bénéficie d’une réalisation toujours très soignée, parfois presque maniériste, sans pour autant verser dans le monumentalisme pour «La Grande Porte de Kiev». Avant de prendre congé, Kadouch offre le même bis qu’à l’Orchestre Colonne trois semaines plus tôt, la Deuxième des six Romances sans paroles du Sixième Cahier (1845) de Mendelssohn.


Le site de «Piano aux Jacobins»



Simon Corley

 

 

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