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Beauté du désespoir

Lyon
Auditorium Maurice Ravel
03/29/2012 -  et 31* mars 2012
Richard Wagner : Tristan und Isolde: Prélude et Mort d’Isolde
Franz Schreker : Cinq Chants pour voix grave
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 8 en ut mineur, opus 65

Jane Irwin (mezzo-soprano)
Orchestre national de Lyon, Josep Pons (direction)


J. Pons


C’est un véritable festival Chostakovitch que l’auditorium Maurice Ravel propose de mars à juin, avec pas moins de dix-sept concerts consacrés au compositeur russe. Trois semaines après la venue de Valery Gergiev et de son Orchestre du Mariinsky pour interpréter la Douzième Symphonie, c’est cette fois l’Orchestre national de Lyon, dirigé par le chef catalan Josep Pons, qui est dans la fosse de la magnifique salle lyonnaise. Le choix s’est porté sur l’une des «symphonies de guerre», la monumentale Huitième, parfois dite aussi «Stalingrad» (à l’image de la Septième, sous-titrée «Leningrad»). Cette œuvre sombre et tragique, composée en l’honneur de la ville martyre, était une des œuvres préférées de Chostakovitch lui-même, qui disait y avoir mis «tout son cœur et sa raison».


Ce chef-d’œuvre, malheureusement assez négligé par les grandes salles hexagonales, soulève l’enthousiasme sous la battue, précise et concentrée, du directeur musical de l’Orchestre national d’Espagne. Le Moderato initial, de près d’une demi-heure, gronde de menaces, soutenues avec vigueur par la formation lyonnaise. La tension s’accroît encore dans l’Allegretto et frôle le délire dans l’Allegro ma non troppo, époustouflant ostinato de cordes d’une véhémence incroyable. Le Largo ne laisse pas davantage de répit, passacaille toute en verticalité. Les conflits semblent se résoudre dans le finale, mais les espérances se révèlent, en fin de compte, bien incertaines. Ce final, tout en apesanteur et exécuté pianississimo pendant les dernières mesures, laisse d’abord coi un public sous le choc avant que de frénétiques applaudissements viennent rompre le long silence qui suit – et saluer cette magistrale exécution.


En première partie, nous avions pu entendre le «Prélude et Mort d’Isolde», extraits de Tristan. Dans le Prélude, les bois sonnent avec une couleur parfaitement française, tout comme les cordes, d’une transparence irrésistible. On fond tout autant de bonheur dans cette version orchestrale de la «Mort d’Isolde», pétrie de sensualité, et qui provoque chez l’auditeur une si poignante émotion que l’on imagine sans peine les paroles. Le programme était décidément bien morbide ce soir, puisque les Cinq Chants pour voix grave (1922) de Franz Schreker qui suivaient, sont littéralement plombés, tant par le texte que par la musique. Si le premier s’inspire d’un chant tiré des Mille et une nuits, les quatre autres sont dus à la poétesse Edith Ronsperger et sont marqués du sceau du désespoir. Atteinte d’une malformation physique, elle finira par se suicider – thème d’ailleurs abordé dans le dernier chant. La musique évoque celle d’un Zemlinsky et l’orchestration de Schreker s’avère raffinée et opulente à la fois.


Sur un accompagnement d’une belle subtilité, Jane Irwin nous gratifie de sa grande sensibilité et d’une humanité à fleur de peau. La mezzo anglaise, au timbre clair et rond, à l’aigu insolemment projeté, ravit par son engagement vocal – mais aussi scénique – tout au cours de cette lecture de poèmes aussi désespérés les uns que les autres. Il faut relever que son format vocal – wagnérien – lui permet de faire fi des éclats orchestraux qui émaillent certains chants. Parmi eux, nous retiendrons particulièrement le troisième, «L’obscurité tombe lourdement comme du plomb», qui nous a arraché des larmes, et le dernier, «Ils sont si beaux, les jours tendres, rêvés», véritable apothéose dans l’anéantissement.


En conclusion, une excellente soirée, avec un programme d’une belle cohérence thématique, et un Orchestre national de Lyon au meilleur de sa forme – phalange que nous plaçons parmi les toutes meilleures en France.



Emmanuel Andrieu

 

 

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