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Divine Eva-Maria Westbroek

Monaco
Salle Garnier
03/15/2012 -  et 18, 20, 23* mars 2012
Riccardo Zandonai : Francesca da Rimini

Eva-Maria Westbroek (Francesca), Alberto Gazale (Giovanni Lo Sciancato), Zoran Todorovitch (Paolo Il Bello), William Joyner (Malatestino), Laura Brioli (Samaritana), Roberto Accurso (Ostasio), Svetlana Lifar (Smaragdi), Karah Son (Biancofiore), Michelle Canniccioni (Garsenda), Annunziata Vestri (Altichiara), Karine Ohanyan (Adonella), Enrico Facini (Ser Toldo Berardengo), Guy Bonfiglioli (Un bouffon), Vincenzo Di Nocera (Un archer), Roger Joakim (Un garde de tour), Walter Barbaria (La voix du prisonnier)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Stefano Visconti (direction des chœurs), Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Gianluigi Gelmetti (direction musicale)
Louis Désiré (mise en scène, décors et costumes), Patrick Méeüs (lumières)


Z. Todorovitch, E.-M. Westbroek (© Opéra de Monte-Carlo)


Riccardo Zandonai, né dans le nord de l’Italie, fut l’élève de Pietro Mascagni au conservatoire de Pesaro. Son goût pour la littérature classique et pour le décadentisme, dont Gabriele d’Annunzio allait devenir l’apôtre, s’exprime déjà dans son opéra Melinis (1913), qui propose une intrigue située dans la Rome antique. Mais il s’épanouit véritablement avec Francesca da Rimini, créé un an plus tard, et tiré du célèbre drame éponyme de d’Annunzio (sublimé à l’époque par Eleonora Duse dans le rôle-titre).


Aujourd’hui tombé en désuétude – malgré une récente production à Bastille –, cet opéra flamboyant n’en a pas moins tenu le haut de l’affiche au début du XXe siècle. Il a fasciné les plus grandes prime donne de l’époque, incapables de résister au personnage de Francesca qui revit les amours de Tristan et Yseult, immortalisées par Dante dans l’Enfer de sa Divine comédie. La banalité de la situation dramatique – l’éternel triangle amoureux – est sublimée par la partition de Zandonai qui sait décrire, avec un raffinement et une palette de coloris inouïs, l’ambiance du château des Malatesta, où même les dames de compagnie acquièrent une véritable épaisseur dramatique. Maîtrisant à la perfection une très riche orchestration, il décrit la bataille du deuxième acte avec un art consommé, pour s’abandonner ensuite, dans les scènes d’amour, à une sensualité et à une langueur rarement atteintes dans l’histoire lyrique.


Ce répertoire exige ainsi des voix d’une qualité suprême, capables de conjuguer une technique hors pair et des moyens importants. C’est une gageure que Jean-Louis Grinda a su parfaitement relever en réunissant à Monte-Carlo un plateau vocal digne de cette grande scène internationale. A commencer par la sublime Eva-Maria Westbroek qui, dans le rôle de Francesca, enivre et électrise de bout en bout. Car la soprano hollandaise a tout: la luminosité et la sensualité dans le timbre, la clarté dans la diction et la capacité à projeter le son pour franchir la barrière de l’orchestre (d’autant que le chef n’y va pas de main morte, mais nous y reviendrons). Sa voix généreuse s’élève toujours dans l’aigu avec une insolence rare, tandis que dans le medium semblent passer toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. L’actrice n’est pas en reste qui, par un seul geste de la main, une simple attitude, capte l’attention et fait passer le frisson. Bref, le bonheur total.


Sa Francesca aurait mérité un meilleur Paolo que le ténor serbe Zoran Todorovitch, totalement dépourvu de charme et d’émotion, seulement capable de pousser quelques notes forte, à quelques (trop) rares moments près, où il prend enfin soin d’alléger son émission et mettre un peu de raffinement dans son chant. Il est par ailleurs toujours aussi fâché avec la justesse, mais il se montre bien moins catastrophique sur ce point que lors de son Andrea Chénier genevois en début de saison. Alberto Gazale, en revanche, possède toute la noirceur du timbre de Giovanni, le vilain frère de Paolo qui découvre la liaison de son épouse avec son beau-frère, et se venge en les tuant. A leurs côtés, une équipe d’interprètes soudée, du Malatestino superbement chantant et timbré de William Joyner (déjà présent à Paris) à l’ensemble des dames de compagnie, toutes parfaitement crédibles, avec une mention pour la Biancofiore de Karah Son, qui apporte la plus belle réplique imaginable à Mme Westbroek. Excellents comme à l’accoutumée, les chœurs maison contribuent à la réussite d’une soirée musicale exceptionnelle sur tous les plans.


A la tête d’un orchestre bien contrôlé et somptueux, le chef italien Gianluigi Gelmetti nous semble cependant avoir un peu trop souligné les quelques influences wagnériennes et chargé de couleurs pucciniennes une partition qui ne les appelle pas. Si la scène de bataille retrouve toute sa violence, la chatoyance de Biancofiore et de ses compagnes, l’émouvant abandon de Francesca et la troublante sensualité de Paolo, passent à l’arrière-plan.


Louis Désiré a su conférer à ce drame d’amour et de mort toute sa tension dramatique en respectant la veine mélancolique et la subtile volupté du dialogue amoureux. Le metteur en scène français, qui signe également la scénographie et les costumes, a imaginé un dispositif scénique à la fois simple et imposant, celui d’une immense paume de main, d’abord tournée vers le bas (protégeant ainsi les amants) puis vers le haut (les exposant, au contraire, à la folie meurtrière de Giovanni). Grand habitué des lieux et partenaire privilégié du scénographe, Patrick Méeüs signe des lumières toujours aussi contrastées, qui magnifient les décors et imprègnent l’ensemble d’une atmosphère lourde et étouffante.



Emmanuel Andrieu

 

 

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