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Ménage à trois ?

Strasbourg
Opéra national du Rhin
02/21/2012 -  
Hugo Wolf : Italienisches Liederbuch
Anke Vondung (mezzo-soprano), Werner Güra (ténor), Christoph Berner (piano)


A. Vondung


Anke Vondung : mezzo-soprano allemande qui mène une carrière régulière mais pas étincelante. Avant le concert, a priori, son nom nous évoquait quelque chose. Comme une impression tenace de déjà vu ou entendu... Mais où donc ? Sur scène on découvre une artiste attrayante, stature élégante, mimique constamment expressive, voix fermement projetée mais jamais appuyée. Un tempérament très naturel, qui détaille les textes en semblant les vivre dans l’instant, presque en les improvisant comme une commedia dell’arte de haut vol. Et enfin, le déclic : il s’agit aussi d'une truculente Dorabella, immortalisée en 2006 au Festival de Glyndebourne. Un excellent DVD du Così fan tutte de Mozart où l’on peut se régaler à loisir des mimiques de cette ravageuse écervelée, en compagnie de la non moins explosive Fiordiligi de Miah Persson. Or cinq ans plus tard cette bête de scène ne semble toujours pas faire la carrière qu’elle mérite. A moins tout simplement qu’elle n’en ait pas envie : rester sagement en troupe d’opéra à Dresde, chanter Bach ou Wolf en concert, ce sont là des accomplissements qui peuvent suffire. Car maîtriser d’emblée toute la palette expressive de l'Italienisches Liederbuch, de l’invective ombrageuse jusqu’à l’émotion véritable, celle qui se livre sur presque rien, un soupir infime parfois, n’est donné à ce degré qu’aux très grandes. Et d’ailleurs beaucoup plus souvent à de vrais sopranos qu’à des mezzos.



W. Güra (© Monika Rittershaus)


Werner Güra : a priori c’était plutôt pour lui que l’on venait. Des chanteurs de cette stature, le Lied allemand n’en comptabilise pas tant que cela par décennie. Et en ce moment Güra nous construit au disque ce qu’il faut bien appeler un parcours de référence, avec de récents Schubert difficilement contournables. Pourtant, ce soir là, au delà d’un professionnalisme évident, les premier Lieder du parcours ne sont pas irradiants. Petite méforme saisonnière ou un rien de trac peut-être : le timbre paraît manquer de richesse et l’articulation du texte, parfois, s’émousse en route. Mais à mesure que la voix s’échauffe, et surtout après l’entracte, on retrouve un chanteur en pleine possession de ses moyens. Cela dit, et en dépit d’un rapport de tessiture favorable (ténor/mezzo, c’est somme toute le négatif parfait du tandem baryton/soprano beaucoup plus habituel dans ce recueil) on a l’impression que Werner Güra se fait un peu voler le rôle de la vedette. Mais il est vrai que dans cet affrontement permanent des deux sexes qu’est l’Italienisches Liederbuch c’est le plus souvent l’homme qui doit se blinder voire faire le gros dos. Et le soupçon de mise en scène que ces deux là y mettent, avec délicatesse, sans avoir l’air d’y toucher, donne à la soirée des allures d’opéra miniature particulièrement réjouissantes.


Hugo Wolf : compositeur de Lieder essentiel et qui pourtant conserve la réputation tenace de vider les salles plutôt que de les remplir. Même si l’affluence paraît relativement réduite à l’Opéra du Rhin ce soir là (mais ni plus ni moins que pour tout récital vocal) il faudrait que l’on ait le courage de tordre le cou aujourd’hui à ce genre d’idées reçues. Pourquoi continuer encore et toujours à nous présenter Hugo Wolf comme un visionnaire ô combien original mais dont les créations ne seraient supportables que par des happy fews dûment éduqués. Un tel concert nous fait percevoir à tout instant le contraire, consacré certes au tardif Italienisches Liederbuch, kaléidoscope de pièces brèves où à chaque fois ne paraît s’exprimer qu’un sentiment, une parodie, une critique acerbe, mais avec une prodigieuse acuité. Bref deux vies réduites aux seuls points culminants d’une relation piquante voire orageuse… Qu’y a-t-il ici de confidentiel ou simplement d’intellectuel ? La miniaturisation de l’ensemble, peut-être, mais avec quel relief ! Une vitalité à laquelle le public de la soirée ne reste pas insensible, réservant à tous les protagonistes un accueil chaleureux remercié d’un bis, reprise évidemment double : Ihr seid die Allerschönste pour Werner Güra et Wer rief dich denn pour Anke Vondung.



C. Berner (© Harenberg)


Christoph Berner : pianiste autrichien qui mène une double carrière de soliste et d’accompagnateur. Là aussi un artiste qui ne bénéficie pas encore de la notoriété qu’il mérite. Pourtant, au disque, on commence à mieux le connaître, surtout en tant qu’accompagnateur régulier des récitals de Werner Güra chez Harmonia Mundi. Malheureusement, en studio il lui faut s’accommoder d’instruments bizarres, ni neufs ni vieux, que l’on s’obstine à lui mettre sous les mains, peut-être dans l’intention de rendre la schubertiade plus pittoresque. Ces pianos du milieu du siècle dernier sont absurdement qualifiés de pianoforte sur les pochettes, ce qu’ils ne sont assurément pas (au mieux des antiquités bien restaurées). Or, quand comme ici, à l’Opéra du Rhin, on met à la disposition de Christoph Berner un véritable instrument moderne, doté d’une vraie gamme de couleurs et d’une mécanique digne de ce nom, la révélation devient fulgurante. Et ce dès la première mesure de la soirée, récital qu’un tel accompagnement ne peut que rendre magique, de bout en bout. Et si la vraie vedette de ce concert, c’était lui ?



Laurent Barthel

 

 

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