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La page est tournée

Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
03/12/2012 -  
Serge Prokofiev : Quatuor n° 2, opus 92
Gilbert Amy : Quatuor n° 2 «Brèves»
Franz Schubert : Quatuor n° 14 «Der Tod und das Mädchen», D. 810

Quatuor Prazák: Pavel Hůla, Vlastimil Holek (violon), Josef Kluson (alto), Michal Kanka (violoncelle)


M. Kanka, V. Holek, J. Kluson, P. Hůla (© Guy Vivien)


Le public des Bouffes du Nord conserve sa fidélité aux Prazák: rarement le théâtre aura été aussi rempli pour leur traditionnelle venue boulevard de la Chapelle, alors même que le quatuor tchèque a subi une profonde transformation en 2010, avec le remplacement de son premier violon, Vaclav Remes, qui a dû mettre fin à sa carrière en raison d’une dystonie. En avril dernier, c’est déjà dans leur nouvelle formation que les musiciens s’étaient présentés, avec Pavel Hůla, qui fut lui-même premier violon du Quatuor Kocian durant plus de trois décennies. L’ensemble, dont la composition était restée intacte depuis un quart de siècle, lorsque le violoncelliste Michal Kanka avait succédé à Josef Prazák, avait évidemment paru changé et, compte tenu de ce que son évolution était alors encore toute récente, sa prestation n’avait pas semblé aussi aboutie qu’à l’accoutumée.


Onze mois plus tard, en revanche, il ne fait pas de doute que la page a été tournée: l’identité, les équilibres, la sonorité sont différents, bien sûr, Hůla ne pouvant prétendre au charisme et à la personnalité de son prédécesseur, mais les Prazak «troisième manière», parmi lesquels demeurent encore deux des fondateurs aux pupitres «centraux» (le second violon Vlastimil Holek et l’altiste Josef Kluson), ont désormais trouvé leurs marques. Ce n’est toutefois pas nécessairement le Second Quatuor (1941) de Prokofiev qui permet le mieux d’en prendre conscience. En effet, comme la Seconde Sonate pour violon et piano au regard de la Première, l’œuvre, d’un abord plus facile que le Premier Quatuor, est en retrait quant à l’inspiration, lestée par la contrainte d’utiliser des thèmes originaires d’une petite république autonome du Caucase, la Kabardino-Balkarie. Indéniablement plaisante, la manière de traiter ces mélodies simples et robustes évoque parfois le style d’un Hindemith ou d’un Schulhoff dans l’entre-deux-guerres, mais aussi, sous les archets précis et affûtés des Prazák, Janácek.


L’an dernier, ils avaient déprogrammé le Deuxième Quatuor «Brèves» (1995) de Gilbert Amy initialement annoncé, décision aisée à comprendre au vu des difficultés qu’ils venaient de traverser. Mais ce n’était que partie remise, car ils avaient certainement à cœur de mettre à exécution un projet né de leur rencontre avec le compositeur français au sein du jury du concours de quatuor de Bordeaux en 2010, où c’est la création de son Troisième Quatuor qui tenait lieu d’œuvre imposée en demi-finale. Comme son sous-titre peut le laisser deviner sans peine, les six pièces constituant le Deuxième Quatuor sont aphoristiques, d’une durée de deux minutes en moyenne. La quatrième porte une indication en allemand («Mit zartestem Ausdruck», c’est-à-dire «Avec l’expression la plus douce possible»), la forme évoque extérieurement Webern et le langage s’inscrit dans la continuité de la Seconde Ecole de Vienne, mais ces pages ont moins l’ambition webernienne de condenser un maximum d’émotions dans un minimum de temps que le caractère d’études, autour d’un climat ou d’une technique d’écriture. Amy peut chaleureusement remercier ses interprètes, mis à forte contribution, notamment dans les deux derniers mouvements, conjuguant virtuosité et difficulté de mise en place.


Après l’entracte, le Quatuor Prazák confirme dans le Quatorzième Quatuor «La Jeune Fille et la Mort» (1824) de Schubert qu’il a recouvré la plénitude de ses moyens. Plus intense que vigoureux, l’Allegro initial (sans sa reprise) va néanmoins sans cesse de l’avant; de même, l’Andante con moto à variations, servi par d’excellents soli (violon, violoncelle), ne vers jamais dans l’exagération, faisant ressortir l’allure populaire du thème tout en portant une charge dramatique bien réelle. La vivacité du Scherzo et du Finale témoigne d’une cohésion et d’une qualité d’exécution quasi irréprochables, ne seraient-ce quelques attaques du premier violon.


Les bis révèlent un changement notable dans la répartition des tâches: ce n’est plus à Kluson, le «manager» du groupe, qu’il revient de les présenter aux spectateurs, mais à Hůla, au demeurant dans un excellent français. Après la rare Serenata alla spagnola (1886), contribution de Borodine au Quatuor «B-La-F» (partition collective écrite avec Glazounov, Liadov et Rimski-Korsakov en l’honneur de l’éditeur Belaïev), à laquelle ne manque aucune guitare ni aucune castagnette, c’est un étincelant Scherzo du Premier Quatuor (1800) de Beethoven, où la verve rythmique ne devient jamais précipitation.


Le site du Quatuor Prazák
Le site de Gilbert Amy



Simon Corley

 

 

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