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L’œil du cyclone

Normandie
Caen (Théâtre)
03/01/2012 -  et 3 mars 2012
Wolfgang Amadeus Mozart : Idomeneo, Rè di Creta, K. 366

Chad Shelton (Idoménée), Terry Wey (Idamante), Judith van Wanroij (Ilia), Cécile Perrin (Electre), Jesus Garcia (Arbace), Alexandre Swan (Le Grand Prêtre), Bertrand Bontoux (La Voix)
Orchestre et Chœurs Les Siècles, François-Xavier Roth (direction musicale)
Yannis Kokkos (mise en scène, décors, costumes), Anne Blancard (dramaturgie), Patrice Trottier (lumières)


J. van Wanroij, C. Shelton(© Opéra national de Lorraine)


Le Théâtre de Caen referme sa saison lyrique sur un Idoménée coproduit avec les opéras de Bordeaux et de Nancy, partenaires réguliers de la maison normande. Pour cet opera seria où l’élément marin tient une place privilégiée, Yannis Kokkos a imaginé une scénographie contenue dans un œil aux dimensions de la cage de scène – l’œil de Neptune, divinité qui préside aux destinées des personnages. Tout de noire habillée, elle limite les mobilités du décor à des translations de colonnes, et favorise avec beaucoup d’à-propos un rapprochement des protagonistes à l’avant du plateau. Elle fonctionne ainsi comme un écrin pour leur évolution psychologique, à la façon d’une basse continue sur laquelle s’élabore la progression mélodique. Nonobstant quelques réserves sur les toiles qui jalonnent les anfractuosités des panneaux où l’on hésite à reconnaître une vague ou une épave, et des éclairages à la limite de la discrétion, c’est bien la musicalité de l’imagination de l’équipe emmenée par le metteur en scène franco-grec qu’il convient de saluer, d’autant que la réalisation musicale de ce soir réserve de beaux moments.


A commencer par le rôle-titre tenu par Chad Shelton. A rebours des habitudes qui font chanter le roi de Crète par des mozartiens plutôt clairs, le ténor américain fait montre d’une consistance et d’un héroïsme appréciables. Les redoutables vocalises du «Fuor del mar» – passage obligé du corpus du compositeur salzbourgeois que l’on retrouvera jusque dans La Clémence de Titus – sont rendues avec une justice vigoureuse. Cette richesse dans les harmoniques contraste ainsi heureusement avec la pâleur d’Idamante, confié à un ténor plutôt qu’à un mezzo. Outre le gain de vraisemblance dramaturgique, l’option permet surtout de faire sentir l’effet de miroir entre le fils et le père – ce dernier n’en parle-t-il pas au troisième acte comme d’un «autre [moi]-même»? Terry Wey compose ainsi l’idéal second élément du binôme. Avec une savoureuse légèreté, Judith van Wanroij prête son babillage à la fragilité d’Ilia. Ecartelé entre trois pôles contradictoires de la tessiture de soprano, le rôle d’Electre exige de redoutables choix quant à l’interprète. Cécile Perrin, visiblement chez elle dans le dernier air, «D’Oreste, d’Aiace», retient l’expressivité dans le premier, gardant ainsi des réserves pour le dévoilement ultérieur du personnage. Quant à Arbace, plutôt que de conserver le long air, un peu bavard, du dernier acte, on a préféré celui du deuxième, plus dans la continuité dramatique de ce qui le précède, et d’un éclat qui n’impressionne nullement Jesus Garcia. Alexandre Swan compose un Grand-Prêtre parfois perfectible, et Bertrand Bontoux apporte des coulisses son concours à cette Voix par qui les fils de l’intrigue se dénouent.


A la tête de son orchestre et du chœur Les Siècles, François-Xavier Roth révèle les couleurs franches, presque vertes de la partition, en consonance avec l’esthétique Sturm und Drang qui l’innerve. Cela s’avère particulièrement pertinent dans les pages chorales, détaillées avec un soin et un impact inhabituels. C’est là que l’âpreté des cuivres donne le meilleur d’elle-même, tandis que les moments plus élégiaques pourraient gagner à davantage de tendresse.



Gilles Charlassier

 

 

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