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Une heureuse reprise

Paris
Opéra Bastille
02/28/2012 -  et 2*, 5, 8, 11, 14, 16 mars 2012
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Stéphane Degout (Pelléas), Vincent Le Texier (Golaud), Franz Josef Selig (Arkel), Julie Mathevet (Le petit Yniold), Elena Tsallagova (Mélisande), Anne Sofie von Otter (Geneviève), Jérôme Varnier (Un berger, Le médecin)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
Robert Wilson (mise en scène et décors)


S. Degout, E. Tsallagova (© Opéra national de Paris/Charles Duprat)


Du pur Bob Wilson que cette production inaugurée en 1997. L’éloquence dans le minimalisme, l’épure abstraite, le hiératisme des gestes comme dans le théâtre oriental. La beauté magique des lumières qui, à elle seule, pourrait tenir lieu de mise en scène et de décor, éclairant une scène vide, semble ouvrir sur l’infini du ciel et de la mer. Tout cela au service d’une vision assez désespérée de Pelléas, où les personnages errent à la recherche les uns des autres, se croisent sans se rencontrer, enfermés en eux-mêmes : c’est l’impossibilité à communiquer que nous dit le metteur en scène américain. A peine les mains des amants se touchent-elle dans la scène d’amour du quatrième acte. On aime ou on déteste, c’est bien connu. Avouons néanmoins que si l’on a souvent ailleurs senti la redite et l’esprit de système, comme si Wilson faisait du Wilson, nous tenons là une de ses meilleures réussites. Sans doute parce qu’il recrée à sa façon l’univers symboliste de Maeterlinck et de Debussy, avec ses pénombres et ses clairs-obscurs de la nature et de l’âme. Cela peut évidemment paraître froid, mais jusqu’au troisième acte seulement. A partir du quatrième, l’émotion émerge peu à peu, laissant percevoir toute la force d’une direction d’acteurs qui finit par s’assouplir. Et la mort de Mélisande, presque celle d'une sainte, lumière au milieu des ténèbres, reste dans la mémoire.


C’est aussi à partir du quatrième acte que les chanteurs donnent leur mesure, caractérisent vraiment leur personnage. Ils semblaient jusque là comme absorbés, voire inhibés par la mise en scène, alors que, vocalement, ils s’imposaient d’emblée, tous respectueux de la déclamation debussyste. A commencer par Ellena Tsagallova, avec sa chevelure à la Jeanne d’Arc : si cette ancienne de l’Atelier lyrique, naguère délicieuse Renarde rusée (voir ici), peut paraître un peu légère, pas assez centrale de tessiture, elle se projette bien, et la liquidité du timbre sied bien à cette Mélisande mystérieuse, fragile, perdue dans un monde qui n’est pas le sien. Ne reprochons pas non plus à Stéphane Degout une voix aujourd’hui un rien trop charnue, pas assez lumineuse, pas assez baryton Martin pour ce Pelléas aux allures de Pierrot : on a rarement entendu une telle homogénéité dans la tessiture, une telle aisance dans l’aigu, un phrasé aussi royal. Vincent Le Texier, que nous avons entendu trop souvent engorgé, domine ici parfaitement son émission, imposant jusqu’au bout un Golaud violent et inquiétant, tenant bon sa ligne dans la scène de folie furieuse du quatrième acte. Il faut attendre, en revanche, pour que Franz Josef Selig se stabilise et devienne un Arkel émouvant venu du fond des âges. Cela dit, n’y avait-il personne en France pour le roi d’Allemonde ? Et quel besoin d’inviter Anne Sofie von Otter à endosser les habits de Geneviève, même si elle a encore ici assez de voix ? On ne parle pourtant que du renouveau du chant français... Jérôme Varnier et Julie Mathevet, justement, sont parfaits en Médecin et en Yniold.


Parfait également l’Orchestre de l’Opéra sous la direction d’un Philippe Jordan heureusement inattendu. On l’a parfois trouvé froid et peu théâtral, plus exact qu’inspiré. Certes la forêt, au début, manque de mystère. Mais, très vite, la poésie se dégage, la tension gagne cette direction si précise, si claire, si libérée d’une certaine tradition impressionniste – serait-ce, comme on le disait à propos d’Ernest Ansermet, grand debussyste devant l’Eternel, la « poésie de l’exactitude » ? On se surprend, plus d’une fois, à écouter d’abord l’orchestre –ici ou là un peu trop puissant pour les chanteurs. Rarement le chef s’est ainsi abandonné à la musique, sans pour autant lâcher la bride à des musiciens qui, du coup, se laissent porter.


Cela faisait longtemps que l’on n’était pas sorti de l’Opéra aussi touché et satisfait.



Didier van Moere

 

 

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