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Résurrection phocéenne

Marseille
Opéra municipal
02/08/2012 -  et 10, 12, 14* février 2012
Henri Sauguet : La Chartreuse de Parme

Sébastien Guèze (Fabrice del Dongo), Nathalie Manfrino (Clélia Conti), Marie-Ange Todorovitch (Gina, Duchesse de Sanseverina), Nicolas Cavallier (Comte Mosca della Rovere), Jean-Philippe Lafont (Général Fabio Conti), Sophie Pondjiclis (Théodolinde), Eric Huchet (Ludovic), Jacques Calatayud (Barbone), Antoine Garcin (Le Maréchal des logis/Un gendarme), Bruno Comparetti (Un gendarme), Frédéric Leroy (Un geôlier), Anaïs Constant (Une voix)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef du chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Lawrence Foster (direction)
Renée Auphan (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Katia Duflot (costumes), Laurent Castaingt (lumières)


S. Guèze, N. Manfrino (© Christian Dresse)


A l’instar de l’Opéra de Toulon – dont nous louions il y a peu certaines audaces de programmation – l’Opéra de Marseille peut s’enorgueillir, avec ce titre rare qu’est La Chartreuse de Parme d’Henri Sauguet, de remplir sa mission (qui devrait être celle de toutes les grandes maisons de l’Hexagone) de réhabilitation d’œuvres méconnues du patrimoine musical français. Certes, la musique et le traitement des voix dans la partition de Sauguet ne sont pas toujours hautement inspirés (avec quelques longueurs aussi...), mais enfin quel plaisir de découvrir un nouvel ouvrage lyrique, fût-il imparfait, plutôt qu’une énième Tosca ou Traviata!


Créée au Palais Garnier en 1939, soit cent ans exactement après la parution du fameux roman éponyme de Stendhal, La Chartreuse de Parme n’avait pas connu depuis les honneurs de la scène – si ce n’est dans une version tronquée lors des jeux Olympiques de 1968 à Grenoble (rappelons que Stendhal était un enfant du pays). Confié à Armand Lunel, le livret édulcore amplement le texte original, ne conservant que l’intrigue sentimentale, au détriment de tout l’arrière-plan politico-historique: «J’ai fait sauter les ronces et les épines de la politique et je n’ai gardé que le sentiment, la romance et la poésie» confiera le compositeur. Ainsi se concentre t-il sur les amours sans cesse contrariées – pour ne pas dire impossibles – du quatuor Fabrice/Clélia/Gina/Mosca. Commencée dans l’insouciance, l’intrigue se termine par la retraite du héros dans la fameuse Chartreuse, après le non moins fameux (et magnifique) «Sermon aux lumières». La musique évoque certains traits propres aux œuvres de Berlioz, de Bizet ou encore de Debussy. Les interludes, qui s’intercalent entre chacun des dix tableaux de l’ouvrage, sont plaisants. Mettant surtout à contribution les bois et les vents au début, la partition impose ensuite les cuivres, au fur et à mesure que grandit l’exaltation du héros. L’écriture vocale ne ménage aucun des chanteurs, c’est le moins que l’on puisse dire, surtout les rôles de Fabrice et Clélia, dont les parties respectives sont hérissées d’aigus redoutables.


Il faut donc saluer la performance des deux protagonistes principaux, Sébastien Guèze (Fabrice) et Nathalie Manfrino (Clélia), que nous retrouvions avec grand plaisir après leur électrisant duo dans le Faust toulonnais d’octobre dernier. Le premier a le physique idéal pour incarner le fougueux jeune homme du roman, à défaut d’un timbre séduisant (comme nous l’avions déjà souligné à Toulon). Mais l’engagement scénique du comédien (il se montre aussi convaincant en amoureux transi qu’en fou de Dieu fervent), l’éclat et la vaillance des aigus du chanteur, le soin permanent apporté à la prosodie et à la diction propres à notre langue, compensent largement ce bémol. Dans le rôle de Clélia, Nathalie Manfrino parvient à contrôler un vibrato qui se fait parfois envahissant chez cette artiste, dont l’éclat et la couleur de timbre cependant nous saisissent à chacune de ses apparitions. A son habitude, elle gratifie l’audience d’exquis pianissimi et le ravit par un jeu scénique d’une sincérité et d’une sensualité confondantes.


Sur ce point, Marie-Ange Todorovitch ne lui cède en rien dans le rôle de Sanseverina. Ce personnage aux désirs incestueux sied à merveille aux talents de la chanteuse montpelliéraine, qui enchante également par son mezzo chaud et cuivré. Nicolas Cavallier, amoureux éconduit de cette dernière, fait preuve de son habituel prestance scénique et délivre un chant constamment noble et racé. Grand habitué de la scène phocéenne, Jean-Philippe Lafont domine de manière satisfaisante un instrument désormais souvent rebelle, l’acteur étant lui toujours aussi épatant. Les comprimari sont tous excellents: Sophie Pondjiclis (Théodolinde) offre une bien séduisante berceuse tandis qu’Eric Huchet, Antoine Garcin, Jacques Catalayud, Frédéric Leroy et Bruno Comparetti convainquent dans leurs épisodiques interventions.


Confiée à l’ancienne directrice des lieux, Renée Auphan, la mise en scène se caractérise par une sobriété, une élégance et une lisibilité de bon aloi. L’ingénieux dispositif scénique imaginé par Bruno de Lavenère (avec ses variations de hauteur et d’angles de vue), les poétiques lumières de Laurent Castaingt, les superbes costumes de Katia Duflot, participent pleinement au succès visuel du spectacle.


Dernier artisan de cette réussite, l’excellent Lawrence Foster – on se rappelle une mémorable Salammbô de Reyer dirigée par lui in loco! Tout dernièrement nommé directeur musical de la phalange maison – suite au «raccourcissement» de son contrat avec l’Orchestre national de Montpellier (dont il assure néanmoins la direction musicale jusqu’en juin) – le chef américain témoigne d’une évidente tendresse pour cette partition, qu’il défend avec autant de fougue que de délicatesse. Voilà donc un concert qui laisse augurer d’une fructueuse collaboration!



Emmanuel Andrieu

 

 

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