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Alanguissements hispaniques

Paris
Salle Pleyel
02/01/2012 -  et 2* février 2012
Maurice Ravel : Ma Mère l’Oye – Tzigane – Rapsodie espagnole – La Valse
Paul Dukas : L’Apprenti sorcier

Philippe Aïche (violon)
Orchestre de Paris, Lorin Maazel (direction)


L. Maazel (© Chris Lee)


Après plus de dix ans d’absence, si l’on excepte une tournée en début de saison 2010-2011, ces deux concerts de l’Orchestre de Paris marquaient le grand retour de Lorin Maazel à sa tête salle Pleyel pour un programme dédié à la musique française et, plus spécifiquement, à Maurice Ravel (1875-1937). «Little Lorin» demeure, à bientôt quatre-vingt deux ans, une des baguettes les plus recherchées, fort d’un passé prestigieux à la tête des meilleurs orchestres et maisons d’opéra du monde. Alors qu’il s’apprête à prendre les rênes de l’Orchestre philharmonique de Munich en septembre prochain (succédant ainsi à Christian Thielemann qui devient dans le même temps chef titulaire de la Staatskapelle de Dresde), Maazel court toujours le monde pour répondre, avec plus ou moins de réussite, aux diverses invitations qui lui sont lancées.


En effet, on ne peut, une nouvelle fois, qu’éprouver une certaine appréhension à l’idée de ce que l’on va entendre tant les dernières prestations parisiennes du chef américain se sont avérées globalement médiocres. Même si, comme on va le voir, Lorin Maazel n’a pas été exempt de certains de ses habituels travers – on ne se refait pas – force est de constater que la tonalité générale aura été plutôt bonne. Il est vrai que ce répertoire, par le passé, lui a particulièrement bien réussi, lui qui, aujourd’hui encore, a signé au disque les versions de référence de L’Heure espagnole et de L’Enfant et les sortilèges (toutes deux chez Deutsche Grammophon).


Ce voyage ravélien commençait par la célèbre suite orchestrale de Ma Mère l’Oye (1911), œuvre en cinq mouvements que Lorin Maazel a notamment dirigée à la tête de l’Orchestre philharmonique de New York en septembre 2008. Même si l’on aurait aimé davantage de dynamisme dans l’interprétation, celle-ci aura été d’une grande finesse grâce à un excellent Orchestre de Paris: la clarinette de Pascal Moraguès est d’une douceur incontestable dans «Les Entretiens de la Belle et de la Bête», le piccolo (et ses comparses que sont le xylophone, le cor anglais, la flûte traversière) nous transportent dans un Extrême-Orient d’Epinal avec cette superbe «Laideronnette, Impératrice des Pagodes». On admire encore une fois la gestique de Maazel, certainement une des plus belles qui soient à l’heure actuelle, qui, par sa précision et sa souplesse, suscite immédiatement la réponse idoine de l’orchestre comme dans le crescendo final du «Jardin féerique».


Après la dentelle, voici venir la technique! Car c’est bien de cela dont il s’agit avec Tzigane (1924), morceau de bravoure pour violon solo et orchestre où toutes les embûches possibles sont conviées en une dizaine de minutes: trilles, pizzicati, jeu sur deux cordes à la fois, grand écart tant dans les atmosphères que dans les registres... Rien, absolument rien, n’est épargné au soliste. Philippe Aïche, premier violon solo de l’Orchestre de Paris, fait preuve d’une maîtrise très sûre mais on regrettera, au-delà de quelques problèmes de justesse dans les attaques (notamment au début de l’œuvre), un manque de dynamisme et d’humour dans les traits. Certes, ce morceau est loin d’être une partie de plaisir mais, pour autant, davantage de décontraction aurait peut-être été souhaitable.


La seconde partie du concert s’ouvre par un autre sommet ravélien, la Rapsodie espagnole (1908). Quelques jours après l’Orchestre de la Scala de Milan sous la direction de Daniel Barenboim, le contraste est saisissant. Face à un Lorin Maazel qui veille à l’ensemble avec une attention de chaque instant, n’oubliant jamais de donner le moindre départ, l’Orchestre de Paris impressionne de nouveau par la clarté de ses pupitres, le public entendant très distinctement chaque partie sans que le trait ne soit grossi outrageusement. La volupté du «Prélude à la nuit» est parfaitement rendue grâce à des cordes et une petite harmonie d’une grande justesse de ton; il est dommage que Maazel manque ensuite d’enthousiasme dans la première partie de la «Malaguena», pourtant marquée «Assez vif», les attaques des trompettes perdant ainsi toute fierté et l’orchestre son emportement, avant que le cor anglais superlatif de Gildas Prado n’intervienne. Même reproche à la «Feria» où le caractère «Animé» fera constamment défaut.


Pourquoi avoir ensuite choisi de donner L’Apprenti sorcier (1897) de Paul Dukas (1865-1935) alors que, dans l’optique d’un programme exclusivement ravélien, on aurait pu avoir droit au Tombeau de Couperin ou aux Valses nobles et sentimentales? Toujours est-il que c’est avec plaisir (sic) que le public a pu chantonner avec l’orchestre cette pièce célébrissime depuis qu’elle a été associée à la figure de Mickey, dompteur maladroit du balai maléfique dans Fantasia (1940) de Walt Disney. A l’image de l’interprétation qu’en avait donnée l’Orchestre de Paris lors d’un concert dirigé par son actuel directeur musical, Paavo Järvi, la vision de Maazel est décevante. Alors que la première partie est pourtant bien faite, avec des cordes encore une fois tout en finesse et en mystère, la seconde partie (à partir de la reprise du thème par les bassons) se caractérise par un Maazel gagné par ses vieux démons: lourdeur pachydermique, mauvais goût assumé, fin plus hollywoodienne que musicale... Le public applaudit pourtant de bon cœur à ce ratage musical évident.


Retour à Ravel, pour conclure, avec La Valse (1920). Déjà fort sollicités depuis le début du concert, les bassons de l’orchestre font de nouveau merveille dans une entrée diaphane et languissante, les clarinettes prenant le relais et ouvrant la voie aux volutes de la flûte que viennent conclure les emportements des cordes. De nouveau, Lorin Maazel adopte un tempo très mesuré où la valse ne virevolte que trop peu, l’auditeur ayant même parfois du mal à distinguer le fameux mouvement à trois temps. En dépit d’un orchestre toujours très bon, la vision du chef ne convainc guère et, en dépit d’applaudissements fort nourris, on reste quelque peu circonspect. Le chef américain n’est pas toujours très bon mais, avouons-le, c’est surtout lors des bis que la catastrophe peut prendre toute sa dimension. Au lieu des sempiternelles Première ou Cinquième Danses hongroises de Brahms, ce fut la «Farandole» de la Seconde Suite de L’Arlésienne de Georges Bizet (1838-1875): sans que cela soit très séduisant, on évite en tout cas tout caractère sirupeux. Ce n’est déjà pas si mal.


L’Orchestre de Paris semble avoir mis Ravel au goût du jour. Après un programme qui, il y a un an, avait été intégralement consacré à ce compositeur sous la direction de Josep Pons, signalons une des prochaines prestations de l’orchestre qui, les 22 et 23 février, comprendra notamment le Concerto en sol et l’intégrale de Daphnis et Chloé sous la direction de Riccardo Chailly; sans nul doute, un concert à ne pas manquer.


Le site de Lorin Maazel



Sébastien Gauthier

 

 

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