About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Sommet beethovénien, vallon straussien

Paris
Salle Pleyel
01/18/2012 -  et 19* janvier 2012
Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, opus 61
Richard Strauss : Eine Alpensinfonie, opus 64

Sergey Khachatryan (violon)
Orchestre de Paris, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Bis repetita non placent: c’est un le bilan que l’on pourrait tirer de cette soirée qui, une semaine après un fantastique concert dirigé par Herbert Blomstedt, permettait d’entendre de nouveau l’Orchestre de Paris dans un programme associant Ludwig van Beethoven (1770-1827) et Richard Strauss (1864-1949). Même configuration (un concerto et une grande page orchestrale), même compositeurs donc, mais génération de chefs différente – Nelsons est de plus de cinquante ans le cadet de Blomstedt – et approche musicale également très éloignée l’une de l’autre, la fougue succédant à la sagesse, encore que les deux ne soient pas antinomiques...


A 27 ans, le violoniste Sergey Khachatryan peut d’ores et déjà se targuer d’une vie musicale bien remplie. Lauréat des concours Sibelius en 2000 et Reine Elizabeth en 2005, il est désormais un soliste recherché par les plus grands chefs et orchestres du monde, ayant d’ailleurs joué le concerto de Tchaïkovski avec l’Orchestre de Paris au début de l’année 2010 avant d’interpréter le Second de Prokofiev avec l’Orchestre national de France en décembre de la même année. Le Concerto de Beethoven (1806) est devenu depuis longtemps un des fleurons du répertoire et Sergey Khachatryan nous en aura ce soir livré une version absolument époustouflante. Bénéficiant d’une technique infaillible (en dépit de quelques traits presque trop vite réalisés dans le Rondo) et d’une approche très intimiste, retenue, presque introspective, le jeune soliste impressionne par la délicatesse de son archet (quels aigus) et par le climat aérien qu’il donne à l’œuvre. Andris Nelsons préfère, de son côté, adopter une approche beaucoup plus puissante voire grandiose, utilisant au maximum le volume des basses de l’orchestre. Adoptant une direction que l’on pourrait comparer à celle de son aîné Mariss Jansons (une baguette qui passe souvent à la main gauche afin de laisser la droite plus libre de ses mouvements, un visage souvent éclairé par un vaste sourire, une gestique assez idiomatique), Nelsons n’en demeure pas moins un excellent partenaire pour le soliste, leurs visions étant finalement plus complémentaires que contradictoires comme on aurait pu le craindre. Même si le dernier mouvement souffre parfois d’un brin d’affectation de la part de Sergey Khachatryan (quelques légers ralentis inutiles), le jeune prodige n’en reçoit pas moins une extraordinaire ovation de la part du public, du chef et de l’orchestre, tous conscients d’avoir vécu un très grand moment. Comme lors du concert de la veille, Khachatryan interprète en bis la Sarabande de la Deuxième Partita de Johann Sebastian Bach, écoutée elle aussi dans un silence religieux.


Après l’entracte qui concluait ce beau moment d’intimité musicale, place au superlatif orchestral avec ce monument qu’est la Symphonie alpestre de Richard Strauss et que peu de chefs osent gravir tant la partition est foisonnante. Après quelques glorieux aînés au disque (Karajan, Böhm, Thielemann ou, récemment, Jordan, Masur et Haitink) et en concert comme ce fut le cas en septembre 2010 avec l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par Eliahu Inbal, Andris Nelsons s’attaque donc à ce chef-d’œuvre postromantique achevé en 1915. Est-ce le fait, comme nous l’apprend le programme, que cette page n’ait été à ce jour donnée que deux fois par l’orchestre (respectivement en 1989 sous la baguette de Neeme Järvi et en 1993 sous celle de Günther Herbig) ou que la direction de Nelsons ne soit pas forcément très aisée à suivre? Toujours est-il que le résultat fut bon sans être extraordinaire.


Le seul fait de parvenir à jouer une telle symphonie constitue certes déjà un exploit en soi mais on regrette un manque global de cohérence. Les forces instrumentales conséquentes (neuf cors sans compter ceux intervenant en coulisses dans «La Montée», neuf contrebasses, quatre clarinettes, quatre trombones, cinq percussionnistes...) ont plutôt rendu justice à la partition même si elles n’ont pas été exemptes de quelques décalages (dans le périlleux épisode «Orage, tempête et descente»), de quelques problèmes de justesse, d’un certain manque d’unité et de puissance chez les cordes ou de quelques ratés (notamment chez les trompettes, il est vrai mises à rude épreuve du début à la fin). Parmi les réussites incontestables, car il y en eut évidemment, on insistera sur le pupitre de cors emmenés avec fougue par l’impérial André Cazalet, sur le cor anglais enjôleur de Gildas Prado, sur les percussions inventives (l’œuvre nous donne ainsi notamment à entendre la machine à vent et les cloches propres à évoquer l’atmosphère des alpages) et sur les flûtes, elles aussi superbes de bout en bout sous la houlette de Vicens Prats.


La vision d’Andris Nelsons, qui a pourtant réalisé récemment avec son Orchestre de Birmingham un disque de la Symphonie alpestre salué par la critique (Orfeo), n’en demeure pas moins quelque peu inaboutie, appréhendant trop la symphonie comme une succession d’épisodes isolés les uns des autres, les lignes de force et les transitions manquant souvent de clarté. En outre, débordant d’énergie, il ne laisse pas toujours l’orchestre respirer suffisamment comme dans le fabuleux passage de l’«Epilogue» où les quatre flûtes, à l’unisson du cor anglais notamment, délivrent un message de plénitude et de sérénité tout à fait bouleversant. Les débuts de la carrière d’Andris Nelsons ont été tels que certains parlent de lui comme du nouveau Karajan et il est vrai que le parallèle peut être fait au regard de son répertoire de prédilection: Strauss – comme il l’a montré lors de ses concerts parisiens au Théâtre du Châtelet, au Théâtre des Champs-Elysées ou dès ses débuts à l’Orchestre de Paris en octobre 2010 – et Wagner – Nelsons étant désormais un des piliers de Festival de Bayreuth. Reste donc pour lui à acquérir sagesse et encore davantage de maîtrise pour que la comparaison soit pleinement à l’ordre du jour, ce qui ne saurait tarder.


Le site d’Andris Nelsons
Le site de Sergey Khachatryan



Le concert du 18 janvier en intégralité:






Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com