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It is a Curious Story Lille
Opéra
12/12/2011 - et 13, 15* décembre 2011 (Lille), 8, 9 juin 2012 (Condette)
Benjamin Britten : The Turn of the Screw, opus 54
David Curry (Le narrateur/Peter Quint), Chantal Santon Jeffery (La gouvernante), Rachel Calloway (Mrs Grose), Liisa Viinanen (Miss Jessel), Matthieu Haering/Clément Bayet* (Miles), Agathe Becquart/Julie Dexter* (Flora)
L’Orchestre-Atelier OstinatO, Jean-Luc Tingaud (direction)
Olivier Bénézech (mise en scène), Frédéric Olivier (costumes), Alain Lagarde (scénographie), Xavier Lauwers (lumières), Elisabeth Delesalle (maquillages)
(© Frédéric Iovino)
L’Opéra de Lille héberge pour trois représentations, dont une réservée aux établissements scolaires, une production du Tour d’écrou (1954) de Britten conçue par La Clef des Chants et qu’Arras, Reims, Paris et Valenciennes ont déjà pu voir cette saison. Cet ouvrage ne mobilise pas de lourds moyens (six chanteurs, un orchestre de chambre), ce qui facilite les tournées, mais ce spectacle ne repose pas pour autant sur un décor maigrelet et constitué de bric et de broc. Sa puissance d’évocation repose sur les lumières inventives et supérieurement maîtrisées de Xavier Lauwers, qui confronte le noir et le gris avec diverses nuances de bleu, les couleurs dominantes de la scénographie, ni abstraite ni concrète, d’Alain Lagarde. Trois fois rien suffit à créer une atmosphère, suggérer un lieu, évoquer une époque, susciter l’innocence – deux lits, deux bancs d’école, un piano droit, un cheval à bascule – avec, en toile de fond, l’ombre d’une forêt qui symbolise à elle seule la menace.
Olivier Bénézech livre une interprétation limpide et juste de ce drame poignant dont il exprime l’insidieuse cruauté avec lyrisme, presque en douceur. Le metteur en scène, pour qui la perte de l’innocence de Miles et Flora trouve sa source «bien avant le lever de rideau», traduit en toute intelligence les relations retenues et ambiguës entre les enfants et leurs anciens précepteurs et démontre avec finesse l’impuissance de la nouvelle gouvernante ainsi que la distance de Mrs Grose. Talentueux et concernés, les chanteurs contribuent également à la qualité de ce spectacle. Avec dix représentations à leur actif, ils possèdent leur rôle jusqu’au bout des doigts, y compris la fille et le garçon qui incarnent en alternance Miles et Flora – en l’occurrence, ce soir, Clément Bayet et Julie Dexter, solistes du Chœur maîtrisien du Conservatoire de Wasquehal, dont l’aisance et le soin avec lesquels ils assument leur partie méritent d’autant plus de considération que Britten leur demande beaucoup et que l’anglais n’est pas leur langue maternelle. Bien sûr, ce sont eux qui récoltent le plus d’applaudissements lors des saluts.
David Curry s’identifie étroitement à Peter Quint, dont il ne souligne pas le côté diabolique plus que de raison et pour lequel il met à profit sa diction claire et mordante. Convaincante Miss Jessel, qui, grâce aux maquillages d’Elisabeth Delesalle, semble véritablement provenir de l’au-delà, Liisa Viinanen possède une voix d’amples dimensions tout à fait adéquate et qu’elle a d’ailleurs déjà éprouvée dans les rôles de Sieglinde et Gutrune. Effectuant à cette occasions ses débuts en Europe, Rachel Calloway, originaire des Etats-Unis, interprète Mrs Grose avec droiture tandis que Chantal Santon Jeffery signe une prestation convaincante et touchante dans le rôle de la gouvernante. Mené par Jean-Luc Tingaud, qui en assume la direction musicale depuis qu’il l’a créé, voici près de quinze ans, L’Orchestre-Atelier OstinatO – ainsi orthographié – évolue avec naturel dans cette partition ciselée et dans laquelle aucune note ne paraît de trop. Malgré des interventions par moments quelconques, ces instrumentistes diplômés, qui apprennent le métier de musicien d’orchestre au sein de cette formation, témoignent de suffisamment de séduction, de rigueur et de cohésion pour restituer l’impact de cette musique.
Bref, une belle carte de visite pour cette association régionale de décentralisation lyrique de la région Nord-Pas de Calais dont le projet artistique, qu’elle qualifie d’«atypique» et «inédit», s’oriente vers le public éloigné des grandes villes et par conséquent des institutions musicales, comme les habitants de Condette et des environs qui ne doivent pas manquer la reprise de ce Tour d’écrou les 8 et 9 juin au Château d’Hardelot.
Le site de La Clef des Chants
Le site de David Curry
Le site de Rachel CallowayLe site de L’Orchestre-Atelier OstinatO
Sébastien Foucart
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