About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Erreur de casting

Baden-Baden
Festspielhaus
11/19/2011 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Roméo et Juliette
Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano N° 5 «Egyptien», opus 103
Igor Stravinsky : Petrouchka

Jean-Yves Thibaudet (piano)
Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, Andris Nelsons (direction)

A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Au Festspielhaus de Baden-Baden, un soir de passage de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam : on ne manquerait pour rien au monde un événement pareil, tant le lieu et la phalange invitée paraissent faits l’un pour l’autre. Une acoustique subtile, un orchestre aux couleurs chaudes de vieux bois patiné et ciré, un public venu souvent de loin et raisonnablement attentif, en principe les ingrédients d’une grande soirée.


Et pourtant ! On fait ici la connaissance d’Andris Nelsons, jeune chef letton de 33 ans, que les nécessités d’une programmation lourde (le Concertgebouw joue souvent) ont propulsé assez régulièrement à la tête de cette formation luxueuse que Mariss Jansons ne peut de loin pas diriger tous les soirs. Les premiers accords du Roméo et Juliette de Tchaikovsky intriguent, déclenchés par les soubresauts d’une battue d’emblée brouillonne. Le Concertgebouw en tournée ne paraît pas à son meilleur, de petites fractures dans la cohésion d’ensemble apparaissant déjà audibles quelques pages plus loin, les intentions du chef semblant il est vrai difficiles à déchiffrer, du moins depuis la salle. On s’interroge surtout sur une apparente indifférence à l’utilisation de la main gauche, laissée même parfois au repos, agrippée à la rambarde du podium. Les différents effets de Roméo et Juliette, cheval de bataille orchestral que l’on ne présente plus, avancent vaille que vaille, de tutti soignés en effusions mélodiques, mais malgré la somptuosité de l’ensemble on en reste à l’impression tenace d’une lecture de routine confortable. Une constante en revanche moins banale : au bout de quelques minutes on prend l’habitude d’éviter de regarder le chef, peu harmonieux dans sa gestique mais aussi dans son maintien général. Ajoutons par ailleurs que certains physiques s’accommodent mal d’un appareil vestimentaire trop fluide (chemise et pantalon noir) et que l’on préférerait nettement qu’Andris Nelssons enfile un frac pour diriger, tenue qui serait probablement plus indulgente avec sa silhouette.


Avec le 5e Concerto pour piano de Camille Saint-Saëns Jean-Yves Thibaudet prend le pouvoir et impose sa technique digitale minutieusement calibrée, mise au service d’une oeuvre qu’il connaît particulièrement bien. L’accompagner ne devrait en principe poser aucun problème, si ce n’est qu’ici l’équilibre sonore devient souvent défavorable au clavier, avec de nombreux traits de virtuosité couverts par le volume de l’orchestre. Une exécution soignée, où l’on goûte surtout les passages solistes qui parviennent à émerger, détaillés par Thibaudet avec élégance (y compris ce curieux effet de carillon métallique au milieu du premier mouvement, sur lequel il faudra bien un jour que l’on se penche pour savoir comment on peut réussir à l’obtenir avec un piano). En bis le pianiste se lance dans Brahms (à Baden-Baden, villégiature où ce dernier a séjourné, c’est un bon choix de circonstance), avec un Intermezzo Op. 118 N° 2 très fouillé (joli changement d’éclairage lors de la courte reprise médiane) mais assez peu idiomatique d’atmosphère (le toucher reste continuellement précis et peu fondu, mais c’est là un parti pris que l’on peut respecter).


En seconde partie la version intégrale de Petrouchka de Stravinsky laisse à nouveau perplexe. Les tutti orchestraux sont magnifiques, les musiciens se portant garants d’un «ni trop ni trop peu» qui devrait satisfaire tout le monde, mais le chef agace de plus en plus à mesure qu’il triture les phrasés, ne pouvant apparemment pas laisser un solo instrumental tranquille sans lui imposer de multiples inflexions et accidents de parcours. Le résultat : un Petrouchka étincelant mais démantibulé, probablement indansable en l’état, et dont les déhanchements forains sont tellement exagérés qu’il finissent même par déstabiliser les qualités d’ensemble de l’orchestre, flottements que l’acoustique révèle sans pitié et qui paraissent inexplicables à ce niveau de technicité. Un signe intéressant toutefois : ce sont souvent des moments où la main gauche du chef, (encore elle !) vient s’agripper à la rambarde...


En bis orchestral : une exécution trépidante et luxueusement vulgaire (même un orchestre de la classe du Concertgebouw d’Amsterdam n’y peut rien), d’une Polka extraite de Moskwa Tcheryomouchki de Chostakovitch. Effet garanti, mais cela n’ajoute pas grand chose de décisif à ce concert.


Le Concertgebouw d’Amsterdam ? On en redemande bien volontiers. Mais dirigé par un chef digne de lui, ce serait mieux.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com