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Ouverture de saison : Chostakovitch, de l’ombre à l’incertitude

Nancy
Salle Poirel
11/24/2011 -  et 25 novembre 2011
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n°8 en ut mineur, opus 65

Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Patrick Davin (direction)




Une certaine tradition romantique associe la tonalité d’ut mineur à la marche de l’ombre vers la lumière. De cette eschatologie musicale, on retient souvent la Cinquième Symphonie de Beethoven ou la Deuxième de Mahler, surnommée à-propos, Résurrection. Cette dernière est d’ailleurs souvent sollicitée pour les inaugurations– pour ouvrir sa première saison Leonard Slatkin l’a donnée à Lyon, mais on se souviendra aussi de la réouverture de Pleyel sur les mêmes accords. Avec la Huitième de Chostakovitch, l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy fait preuve d’une habile originalité, et rend par là même justice à un corpus majeur passablement négligé par les formations françaises.


Il n’est pas douteux que le compositeur russe, fin connaisseur de la tradition, n’ait pas intentionnellement voulu tirer parti de ces présupposés, en les détournant subtilement. Une telle attitude se retrouvera dans sa Neuvième, éludant l’ampleur attendue pour ce numéro d’opus symphonique, que Schönberg a doté d’une aura mystique – mesurons au passage l’ironie qui rapproche les préjugés de la censure soviétique et les visions d’un musicien tenu comme l’un des avatars de la dégénérescence de l’art bourgeois et élitiste.


Et de fait, la construction de l’ouvrage s’avère typique de la manière de Chostakovitch – sans compter les thèmes apparentés aux opus voisins. Le premier mouvement, ample Adagio de près d’une demi-heure, emprunte au Moderato initial de la Cinquième Symphonie, tandis que l’écriture en suraigu pour les flûtes anticipe la Dixième Symphonie. L’incisivité de l’Allegretto s’y retrouvera d’ailleurs dans le mouvement analogue. C’est à un autre déchaînement de violence que l’on assiste dans l’Allegro non troppo, sorte de toccata fondée sur un ostinato à l’ivresse mécaniste. Le Largo a lui la forme d’une passacaille tandis que le finale, Allegretto, semble regarder vers un horizon indéfini – comme le fera plus tard celui de la Quinzième Symphonie – distillant un humanisme plus sceptique et amer que confiant.


Grand défenseur du répertoire du XXe siècle, Patrick Davin réussit à rendre sensible l’évolution dramatique de la partition. Si les violoncelles montrent une ligne généreuse mais une discipline parfois incertaine dans l’Adagio, les tutti magistraux des deux suivants, dont le chef ne bride pas la puissance, galbent la sonorité de l’ensemble. Les cuivres manifestent une idiomaticité un peu grasseyante çà et là, à l’efficacité expressive qui ne se dément cependant pas – particulièrement dans les derniers mouvements. On ressort comme transfiguré à l’issue de cette heure de musique, signe que Patrick Davin et l’orchestre lorrain nous ont fait faire un voyage, une traversée, après laquelle toute note supplémentaire aurait été superfétatoire.



Le site de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy



Gilles Charlassier

 

 

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