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Mariella Devia, une reine du bel canto

Marseille
Opéra municipal
11/22/2011 -  et 24, 27*, 29 novembre 2011
Gaetano Donizetti : Roberto Devereux

Mariella Devia (Elisabetta), Béatrice Uria-Monzon (Sara), Stefano Secco (Roberto Devereux), Fabio Maria Capitanucci (Duc de Nottingham), Julien Dran (Lord Cecil), Jean-Marie Delpas (Sir Gualtiero Raleigh)
Chœurs de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Alain Guingal (direction)


M. Devia (© Opéra de Marseille)


Au panthéon des pages les plus inspirées de Gaetano Donizetti – et de l‘histoire du genre lyrique –, la scène finale de Roberto Devereux mérite incontestablement une place de choix. Après le grand air du rôle-titre «Bagnato il sen di lacrime» – un des plus beaux jamais écrits pour un ténor –, Elisabeth Tudor, reine d’Angleterre, réaffirme haut et fort sa prééminence dramaturgique, reléguant l’infortuné comte d’Essex, victime de la jalousie royale, au deuxième plan. Au cours de ce dernier quart d’heure, Donizetti s’élève jusqu’aux sommets en une extraordinaire fusion du théâtre et du chant.


Diva assoluta en Italie, Mariella Devia, près de quarante ans de carrière, a remporté un triomphe mémorable à l’issue des représentations données dans la cité phocéenne. De fait, on ne sait que louer et admirer le plus chez cette extraordinaire chanteuse : un timbre unique qui a su garder une fraîcheur inouïe, un legato souverain, un souffle qui paraît comme infini, une musicalité infaillible, des aigus d’une pureté angélique… L’actrice n’est pas en reste et la crédibilité qu’elle apporte au rôle de la «reine vierge» rend palpable les affres de cette souveraine toute puissante, mais bafouée dans son amour-propre. Et même si Marielle Devia n’est pas exactement le grand soprano drammatico d’agilita auquel la tessiture d’Elisabetta est destinée – la scène finale poussant la cantatrice italienne dans ses derniers retranchements –, on reste cependant émerveillé par la magistrale leçon de bel canto qu’elle délivre. Les vingt minutes de pur bonheur qu’elle nous offre à la fin de l’ouvrage valaient bien à elles seules le déplacement à Marseille. D’ailleurs, les inconditionnels de la diva – notamment de nombreux Italiens – l’avaient fait et ont adressé une spectaculaire ovation à leur idole.


Roberto Devereux ne repose toutefois pas sur un seul rôle, et trois autres personnages y occupent une place essentielle. Par trop étrangère au style si particulier du bel canto, Béatrice Uria-Monzon déçoit. Privilégiant systématiquement la dimension expressive de Sara au détriment de l’intelligibilité de la diction, la mezzo française continue de forcer ses beaux moyens naturels et de libérer le maximum de décibels... dommage! En Nottingham, l’époux bafoué, Fabio Maria Capitanucci démontre qu’il a bien écouté la leçon de Renato Bruson, référence absolue dans l’univers du baryton Donizetti. Le style est sans reproche, le timbre velouté et sonore à la fois, mais la voix a tendance à devenir étrangement sourde dès qu’elle monte dans l’extrême aigu. Le jeune Julien Dran (Cecil) confirme, quant à lui, un talent très prometteur. Stefano Secco, enfin, est l’autre triomphateur de la soirée, avec un Roberto en tous points exaltants. Portant une attention de tous les instants aux nuances et au contrôle de la ligne de chant, le ténor italien impose un comte d’Essex d’une conviction et d’une prestance rares, avec un timbre viril qui remplit aisément la vaste salle de l’opéra de Marseille. La scène de la prison, magnifique d‘abandon lyrique, met également en relief le formidable engagement dramatique dont est capable ce fabuleux chanteur-acteur.


Si les chœurs offrent une prestation tout à fait satisfaisante, la direction du chef Alain Guingal n’est pas sans reproche. Certes la partition de Roberto Devereux est la plus flamboyante de ses trois opéras historiques sur les Tudors, mais point n’était pour autant besoin d’imprimer des tempi aussi vifs à l’orchestre et de multiplier les éclats intempestifs, d’autant que tout cela a pour résultat de provoquer de nombreux décalages. Malgré cette faute de goût, il apporte néanmoins un indéniable soutien aux protagonistes, en chantant mot à mot leur partie respective!


En dépit des quelques bémols énoncés, une belle réussite à mettre au crédit de l’Opéra de Marseille – en espérant qu’il réinvite très prochainement la Devia, une des plus illustres représentantes actuelles de la grande tradition lyrique de l’ottocento.



Emmanuel Andrieu

 

 

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