About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

L’Opéra musée ?

Paris
Palais Garnier
11/26/2011 -  et 28 novembre, 1er, 3, 6, 8, 15, 17 décembre 2011
Gioacchino Rossini : La Cenerentola
Javier Camarena (Don Ramiro), Riccardo Novaro (Dandini), Carlos Chausson (Don Magnifico), Jeannette Fischer (Clorinda), Anna Wall (Tisbe), Karine Deshayes (Angelina), Alex Esposito (Alidoro)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Bruno Campanella (direction)
Jean-Pierre Ponnelle (mise en scène, réalisée par Grischa Asagaroff)


(© Bayerische Staatsoper München/Wilfried Hösl)


Après Les Noces de Strehler, La Cenerentola de Ponnelle : Nicolas Joel, dans son souci d’installer un théâtre de répertoire, voudrait-il faire de l’Opéra un musée ? Si Les Noces avaient été conçues pour Paris, fallait-il attendre tant d’années pour y donner cette Cenerentola quadragénaire, vingt-cinq ans après la disparition du metteur en scène ? Lui-même, aujourd’hui, ferait-il la même chose ? Effet pervers des hommages qui pourraient, finalement, tourner à la trahison. N’est-ce pas plutôt à l’Auditorium du Louvre de ressusciter ces productions, dont on ne nie d’ailleurs pas le caractère historique, voire légendaire ? Sans compter que, pour La Cenerentola, le DVD existe.


Non qu’on n’ait éprouvé du plaisir à cette production, fidèlement ressuscitée par Grischa Asagaroff, assistant – comme le fut Nicolas Joel... – de Ponnelle, qui semble sortie d’un livre de contes, comme si l’on retrouvait un volume dont s’enchantait notre enfance. Carton-pâte, toiles peintes, un côté pâtisserie. Juste ce qu’il faut de comique, de tendresse, d’émotion. C’est joli, c’est charmant. Il n’empêche : sans manquer de finesse, la direction d’acteurs, aujourd’hui, paraît assez convenue, parfois minimale. Cela ne rend pas nostalgique : on se dit plutôt que les temps ont changé.


Et puis une production reste liée à des interprètes : pour Angelina, Ponnelle avait Berganza et Von Stade, il avait également Abbado dans la fosse. Karine Deshayes, du coup, pâtit de l’inévitable comparaison. Une impeccable technique, un style adéquat, une justesse de composition ne peuvent pallier le manque de médium et de grave d'un mezzo clair, proche du soprano, dont l’adaptation à ce genre d’emploi rossinien finit par devenir problématique – alors que l’aigu a perdu de sa rondeur. Bruno Campanella n’est pas non plus Abbado, mais aussi surprenante soit-elle parfois, sa lecture aux tempos assez sages, plutôt bellinienne de la partition, plus portée sur l’élégiaque – dimension essentielle de l’héroïne, soit dit en passant – que sur le buffa, dévoilant peu à peu son souci scrupuleux de la nuance, ne manque pas d’atouts.


Guère de réserves pour la distribution masculine, qui entretient la flamme du chant rossinien. Ne reprochons pas à Javier Camarena de ne pas avoir le physique ou la voix de Juan Diego Flórez : il a beau détimbrer un peu trop ses nuances, il a de la ligne, sait phraser et vocaliser, comme nous l’ont montré son Almaviva et son Giacomo de La Dame du lac. Le buffa rossinien pèche souvent par les clés de fa : rien de tel ici, chacun préserve les droits du chant le plus châtié. Modestement Haly de L’Italienne à Alger en septembre 2010, Riccardo Novaro impose un Dandini très sûr, pas moins à l’aise dans la colorature que dans la déclamation syllabique, jamais outré en valet revêtu des habits de son maître. Même équilibre chez le Magnifico du vétéran Carlos Chausson, le meilleur de tous, si stylé, jamais caricatural en père cynique et haineux. Encore un peu de verdeur mais déjà beaucoup de classe chez l’Alidoro d’Alex Esposito, deus ex machina selon Ponnelle. Ainsi reprend vie la pièce de musée.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com