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A «petits maîtres» petit orchestre?

Versailles
Opéra royal
11/15/2011 -  
François Devienne : Les Comédiens ambulants: Ouverture
François-Joseph Gossec : Symphonie concertante en mi bémol majeur pour deux violons, deux altos, cors et hautbois concertants
Wolfgang Amadeus Mozart : Idomeneo, K. 366 : récitatif et air «Zeffiretti lusinghieri»
Nicolas-Marie Dalayrac : Renaud d’Ast: Ouverture pour violon concertant
Henri-Montan Berton : Les Deux Sous-lieutenants ou le Concert interrompu: scène de Céphise «Va pure, ovunque vai»
Henri-Joseph Rigel : Concerto concertant pour violon et pianoforte en ré majeur, opus 20
André Ernest Modeste Grétry : La Caravane du Caire: air «Fra l’orror della tempesta»

Roberta Invernizzi (soprano)
Jonathan Guyonnet (premier violon et violon solo), I Virtuosi delle Muse, Stefano Molardi (pianoforte et direction)


R. Invernizzi (© Ribaltaluce Studio)


Sur le papier, ce pouvait être un très beau concert. Une fois encore, l’imagination du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) permettait de faire entendre des compositeurs qui, c’est un euphémisme pour la plupart d’entre eux, ne connaissent que rarement les honneurs d’une salle de spectacle. Qui plus est, lorsqu’une telle représentation se tient sous les dorures de l’Opéra royal du Château de Versailles, on peut s’attendre à ce que l’orchestre invité soit à la hauteur des attentes du public et du lieu... Las: on aura ce soir assisté à un concert déplorable quasiment de bout en bout.


La seule lumière de cette soirée aura bien été la voix de la soprano italienne Roberta Invernizzi que l’on connaît bien dans le répertoire baroque, parternaire privilégiée de Diego Fasolis et d’Alan Curtis avec lequel elle a donné en concert aussi bien Tolomeo ed Alessandro de Domenico Scarlatti que, au disque cette fois, Motezuma d’Antonio Vivaldi ou Il sansone de Benedetto Ferrari. Voix altière, expressive et bien posée, Roberta Invernizzi a donné un très bel air issu de La Caravane du Caire (1783), opéra malheureusement trop méconnu d’André Ernest Modeste Grétry (1741-1813). Dans une optique très mozartienne, elle a ainsi parfaitement déclamé l’air de l’esclave italienne, accompagnée au surplus par une belle orchestration, nouvelle preuve du génie de Grétry. De Mozart justement, elle avait auparavant donné l’air «Zeffiretti lusinghieri» que chante Ilia au début de l’acte III d’Idoménée (1781): là aussi, on a pu entendre une très belle voix, aux accents juvéniles et innocents comme le commande la scène de l’opéra puisqu’Ilia s’adresse alors aux éléments naturels («Je suis seule dans la nature»), voix néanmoins trop souvent couverte par l’orchestre.


Car c’est bien là que le bât blesse: la prestation de l’ensemble I Virtuosi delle Muse aura été en dessous de tout du début à, presque, la fin puisqu’il aura effectivement épargné l’air de Grétry. Un des premiers reproches qui peut être adressé à Stefano Molardi, chef sans charisme et sans imagination, réside dans le choix des partitions. Alors que la musique de cette époque et, au surplus, des compositeurs représentés ce soir s’avère pleine de trouvailles dans les timbres, les tempi, les instruments requis, comme l’a par exemple prouvé Jérémie Rhorer il y a près d’un an en dirigeant son merveilleux Cercle de l’Harmonie dans une belle symphonie d’Henri-Joseph Rigel (1741-1799), les pièces présentées ce soir n’ont pas véritablement frappé par leur recherche. La rare Ouverture pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et violon concertants tirée des Comédiens ambulants de François Devienne (1759-1803), pourtant surnommé à son époque le «Mozart français», n’est qu’une succession d’interventions d’instruments solistes, accompagnés par un orchestre à cordes. Que n’a-t-on choisi, par exemple, un de ses concertos pour flûte qui, dans des couleurs qui le rapprochent fortement de Mercadante, mériteraient eux aussi de briller davantage sur scène? Quant au Concerto pour violon et pianoforte de Rigel, il est également d’une incroyable platitude alors que ses symphonies sont d’une verve surprenante.


Mais, en tout premier lieu, le reproche que l’on doit adresser à cet ensemble est bien de ne pas être à la hauteur des morceaux interprétés. Dès l’Ouverture des Comédiens ambulants, on tremble en entendant la pauvreté du son de l’orchestre (22 cordes, vents par deux) et des solistes en difficulté, à commencer par le corniste, dont la «technique» consistait, tout au long du concert, à jouer piano dans les aigus, redoutant sans doute qu’une nuance un tant soit peu plus forte ne le conduisît à rater ouvertement le moindre trait à son actif. Le pire aura néanmoins été le violon solo Jonathan Guyonnet, dont le jeu n’aura cessé d’être calamiteux. Jouant constamment faux, comme d’ailleurs ses camarades solistes dans la médiocre Symphonie concertante pour deux violons et deux altos de François-Joseph Gossec (1734-1829), il aura gâché à lui seul une grande partie du concert, notamment dans le rarissime «Va pure, ovunque vai» tiré de l’opéra d’Henri-Montan Berton (1767-1844), Les Deux Sous-lieutenants ou le Concert interrompu (1792). Claquant du talon pour, peut-être, mieux masquer ses déconvenues techniques, Jonathan Guyonnet aura également rendu le Concerto pour violon et pianoforte de Rigel difficilement supportable, alors que Stefano Molardi tenait la partie de pianoforte plutôt honnêtement. En revanche, en tant que chef, la grandiloquence de sa gestique ne faisait que pallier son manque d’imagination, estimant, qui sait, que ces quelques morceaux ne méritaient pas trop d’investissement...


Or c’est là sûrement sa principale erreur: sous-estimer ce répertoire. Comme il le pense peut-être, ces œuvres sont simples et peuvent se permettre de ne recevoir qu’une interprétation moyenne. C’est naturellement faux: ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les meilleurs interprètes de ce répertoire sont aujourd’hui le Concerto Köln, Guy Van Waas, l’Orchestre baroque de Fribourg, Les Talens lyriques sans compter, notamment car ce ne sont pas les seuls, plusieurs ensembles italiens bien connus. Ce sont des partitions difficiles qui nécessitent soin technique et sens interprétatif, deux qualités totalement absentes ce soir. Signalons enfin que ce concert a été enregistré pour, paraît-il, faire l’objet d’une future publication discographique: gageons que, compte tenu de la prestation de ce soir, ce disque ne verra jamais le jour.


Le site de l’ensemble I Virtuosi delle Muse
Le site de Roberta Invernizzi



Sébastien Gauthier

 

 

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