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D’un centenaire à un bicentenaire Paris Conservatoire national supérieur de musique et de danse 11/10/2011 - Franz Liszt : Sonate en si mineur (orchestration János Komivès et version originale) Guillaume Vincent (piano), Kakeru Chiku (flûte), Mathilde Calderini (flûte, piccolo), Claire Bagot (hautbois), Philibert Perrine (cor anglais), Alice Caubit (clarinette), Akina Yoshino (clarinette basse), Victor Dutot, Yoonji Nam (basson), Alexis Crouzil, Clément Charpentier-Leroy (cor), François Petitprez, Pierre Favennec (trompette), Thomas Claverie, Sébastien Gonthier (trombone), Jean-Baptiste Renaux (tuba)
Clément Mao-Takacs (direction)
G. Vincent (© Jean-Baptiste Millot)
Le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) clôt dans un Espace Maurice-Fleuret archicomble les quatre jours et huit programmes à entrée libre de son «Hommage à Liszt» par une séance autour de la Sonate en si mineur (1853). Il y a, bien sûr, la version originale, après une présentation par Yves Henry, comme trois jours plus tôt, à la différence que pour l’essentiel, il lit cette fois-ci un texte, situant l’œuvre dans le parcours du compositeur et, exemples à l’appui, montrant comment elle combine ici, notamment au travers des enchaînements harmoniques, innovation formelle et respect des règles classiques.
Créée par Bülow sur un Bechstein, ses sortilèges contrapuntiques ressortent avec une parfaite lisibilité sur un Erard 1920, sous les doigts Guillaume Vincent. Si ses intentions paraissent parfois un peu trop appuyées, le pianiste, qui vient de fêter ses vingt ans, déjoue tous les pièges techniques et privilégie la dramatisation, l’instant, la fantaisie – dédiée à Schumann, la Sonate constitue aussi une réponse à sa Fantaisie en ut majeur, dont Liszt avait été le dédicataire dix-sept ans plus tôt. En bis, il n’oublie pas son cher Rachmaninov, avec le Cinquième des treize Préludes de l’Opus 32 (1910), moins bien adapté à l’Erard, avant de revenir à Liszt, avec son bis favori, la Sixième Rhapsodie hongroise (1853).
Mais le concert avait commencé par une véritable curiosité, sous l’œil de Jean-Yves Clément, commissaire de l’«Année Liszt en France»: après Leo Weiner et Humphrey Searle, János Komivès (1932-2005), chef, compositeur et professeur au CNSM, en 1986, à l’occasion du centenaire de la mort de Liszt, a relevé le défi consistant à orchestrer la Sonate en si mineur. C’est à l’un de ses disciples, son successeur à la direction du Sérénade Orchestra, Clément Mao-Takacs (né en 1980), à la crinière lisztienne, qu’il revient d’interpréter cet arrangement à la tête d’un ensemble formé d’étudiants. Dans son bref propos liminaire, après avoir remercié sa veuve d’avoir mis à leur disposition la partition manuscrite, le jeune chef ne peut que souligner la difficulté de l’exercice, face à un chef-d’œuvre aussi intimidant et à une écriture de nature pianistique par excellence. Mais si Liszt a lui-même adapté tant de musique, y compris la sienne, au piano, pourquoi ne pas tenter le contraire?
«Entreprise insensée, dérisoire», téméraire, comme le reconnaissait Komivès lui-même, s’en remettant au jugement du public? La taille de l’effectif – quinze musiciens – rappelle la Première Symphonie de chambre de Schönberg, mais l’instrumentarium, dépourvu de cordes, est significativement différent: bois par deux (seconde flûte prenant aussi le piccolo, parties séparées de cor anglais et de clarinette basse), cors, trompettes et trombones également par deux, et tuba. Un peu trop riche en cuivres au détriment des bois, la formation instrumentale déroute, peut-être sans doute parce qu’elle tend vers Hindemith ou ces arrangements de Bach par Stokowski et Respighi, quand elle ne fait pas penser à une harmonie municipale se produisant dans quelque kiosque à musique. Certaines sections de la partition se prêtent toutefois mieux au jeu et, de ce fait, sonnent fort bien. Mais ce qui rapproche peut-être le plus ce travail de la version originale, c’est la même exigence virtuose, les traits pianistiques exigeant une grande agilité de la part des vents, préparés par Jérôme Julien-Laferrière et Marc Lys.
Simon Corley
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