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Eternelle Lulu

Paris
Opéra Bastille
10/18/2011 -  et 21*, 24, 28 octobre, 2 & 5 novembre
Alban Berg : Lulu
Laura Aikin (Lulu), Jennifer Larmore (Gräfin Geschwitz), Andra Hill (Eine Theatergarderobiere, Ein Gymnasiast, Ein Groom), Johannes Koegel-Dorfs (Der Medizinalrat, Der Professor), Marlin Miller (Der Maler, Der Neger), Wolfgang Schöne (Dr Schön, Jack), Kurt Streit (Alwa), Scott Wilde (Der Tierbändiger, Der Athlet), Franz Grundheber (Schigolch), Robert Wörle (Der Prinz, Der Kammerdiener, Der Marquis), Victor von Halem (Der Theaterdirektor), Der Bankier), Julie Mathevet (Eine Fünfzehnjährige), Marie-Thérèse Keller (Ihre Mutter), Marianne Crebassa (Die Kunstgewerblerin), Damien Pass (Der Journalist), Ugo Rabec (Ein Diener)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Michael Schønwandt (direction)
Willy Decker (mise en scène)


F. Grundheber, L. Aikin (© Opéra national de Paris/Ian Patrick)


Elle tient le coup, la Lulu de Willy Decker, pourtant donnée pour la première fois en 1998. Sa lecture de ce mythe féminin entre tous n’a rien perdu de sa pertinence et de son acuité : c’est d’ailleurs, à la fin, toute une meute d’hommes qui, à travers elle, tue la femme. Décor unique : un cirque, une arène, avec leurs gradins où se pressent les spectateurs de la tragédie. Spectateurs voyeurs et acteurs : des échelles font passer d’un monde à l’autre. On voit partout des portraits de Lulu, parfois déstructurés ou reconstitués ; à la fin ne restent plus que les cadres dans l’espace désaffecté : tout est prêt pour le rituel de la mise à mort. Willy Decker reste d’un classicisme inspiré, moins froid que Peter Stein à Lyon, très loin de la vision baroque d’Olivier Py à Genève, comptant sur la force des symboles – échelle, canapé rouge en forme de lèvres sur la scène vide. L’humour n’est pas absent non plus, en particulier quand le lycéen se cache dans le piano de Lulu, scène traitée à la façon d’un vaudeville. Mais le metteur en scène allemand, s’il situe l’action dans les années 1930, s’il n’élude pas le fait divers, s’attache d’abord au mythe. Il se souviendra de cette Lulu pour sa Traviata salzbourgeoise, comme si l’une n’était qu’un avatar de l’autre – on retrouvera le décor circulaire et nu, le canapé rouge.


Les chanteurs sont remarquablement dirigés dans leur jeu, à commencer par Laura Aikin, déjà Lulu à Lyon. Elle passe moins bien la rampe ici, surtout dans le médium, force toujours un peu dans le suraigu, mais reste superbe, énigmatique, fatale malgré elle, perversement innocente, ange vénéneux, plus lointaine que Patricia Petibon. Une des meilleures Lulu du jour. Autour d’elle, une distribution parfaite d’homogénéité, même si Jennifer Larmore, inattendue ici, n’arrive pas à donner vraiment du relief à la Geschwitz. Kurt Streit, malgré un timbre ingrat, est un Alwa parfait, Scott Wilde a tout le cynisme de l’Athlète, Wolfgang Schöne incarne un Schön d’une pitoyable humanité et un Jack d’une cruauté inquiétante. Et Franz Grundheber, comme à Salzbourg, donne une étonnante présence à Schigolch, à la fois pauvre type et manipulateur sournois, pas à bout de voix malgré les années.


Michael Schønwandt ne contribue pas peu à l’homogénéité du spectacle. Direction d’une limpidité parfois chambriste, d’une souplesse volontiers sensuelle, d’une violence expressionniste quand il le faut, à mille lieues des sécheresses de certains spécialistes de l’Ecole de Vienne. Et si Berg gagnait, finalement, à être dirigé comme du Strauss ?


Pour nous, plus encore que Tannhäuser, le meilleur spectacle de cette rentrée à l’Opéra.



Didier van Moere

 

 

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