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Des voix mais pas d’écrin

Marseille
Opéra municipal
10/11/2011 -  et 14, 16, 19* octobre 2011
Charles Gounod : Roméo et Juliette

Teodor Llincai (Roméo), Patrizia Ciofi (Juliette), Nicolas Testé (Frère Laurent), Eduarda Melo (Stéphano), Jean-Philippe Lafont (Capulet), Pierre Doyen (Mercutio), Bruno Comparetti (Tybalt), Isabelle Vernet (Gertrude), Cyril Rovery (Le Duc), Frédéric Leroy (Pâris), Philippe-Nicolas Martin (Grégorio)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (direction), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Luciano Acocella (direction musicale)
Arnaud Bernard (mise en scène), Gianni Santucci (assistant à la mise en scène), Bruno Schwengl (décors et costumes), Patrick Méeüs (lumières), Pavel Jancik (chorégraphie des combats)


T. Llincai, N. Testé, P. Ciofi (© Christian Dresse)



Quand Gounod, en 1865, entame la composition de Roméo et Juliette, le théâtre de Shakespeare a déjà fait l’objet d’études critiques sérieuses, qui ont révélé l’importance du contexte social entourant les amants de Vérone, l’un des moteurs principaux de la pièce. Les conventions inhérentes au genre lyrique imposent certes des coupures et des adaptations, mais l’opéra s’efforce de respecter l’esprit de la tragédie, en insérant airs et duos dans une structure capable, même de manière superficielle, de traduire la complexité de l’univers du dramaturge anglais. De nos jours, une mise en scène de ce chef-d’œuvre se doit ainsi d’intégrer cette composante, et de mettre en lumière tout ce qui gravite autour des protagonistes. Arnaud Bernard et Bruno Schwengl ont préféré l’ignorer, livrant une illustration totalement dépourvue d’imagination, dans un décor on ne peut plus rudimentaire: des panneaux blancs aseptisés et un portique de marbre rose. Cette économie de moyens, avec une scénographie qui se veut stylisée et «modernisante», prive les scènes d’ensemble de tout éclat – hors les scènes de combats grotesquement chorégraphiés par Pavel Jancik – au point de déséquilibrer totalement l’ouvrage. Arnaud Bernard ne réitère donc pas la réussite et le succès qu’avait été, ici-même il y a cinq saisons, son magnifique Rigoletto: dommage!


La direction musicale de Luciano Acocella, de son côté, n’arrange rien: manquant de fougue dans les paroxysmes dramatiques, d’éclat dans les passages brillants, elle se montre bien avare de couleurs, avec des effets bien souvent prévisibles. Les scènes intimistes le trouvent néanmoins plus à son aise, notamment dans un tableau final baignant dans un émouvant climat de tragédie. Les chœurs, très importants ici, sont remarquablement préparés par Pierre Iodice et procurent un authentique plaisir.


C’est donc du plateau vocal que viendront les principales satisfactions de la soirée. Avec, en premier lieu, la Juliette frémissante de Patrizia Ciofi, pour qui c’était là une prise de rôle. La soprano italienne, tour à tour tendrement passionnée ou tragique, confère une grande crédibilité au personnage, avec un phrasé scrupuleusement contrôlé et une luminosité dans le timbre, qui ont fait particulièrement merveille dans l’air du IV, «Amour, ranime mon courage». Dans la célèbre valse du I, «Je veux vivre dans un rêve», elle se joue des écueils de cet air hérissé de vocalises périlleuses, justement couronné par une salve d’applaudissements.


D’emblée, on s’attache également au (tout) jeune Teodor Llincai (Roméo) en raison de la sincérité des accents, d’un physique tout à fait crédible, d’un français irréprochable, et d’un timbre dont on apprécie hautement le grain. Après une cavatine émise de façon insolente, le fameux «L’amour !...Ah! Lève-toi soleil», le ténor roumain aborde admirablement cette superbe page de déploration qu’est l’air «Console toi, pauvre âme». Il atteint ainsi le savant équilibre entre tendresse et ardeur, que Gounod a voulu insuffler au personnage. Petit bémol cependant, imputable à sa jeunesse, il se laisse souvent emporter par ses généreux moyens, abusant par trop de la nuance forte.


A ses côtés, on retiendra prioritairement le magnifique frère Laurent de la basse française Nicolas Testé, conjuguant une qualité de timbre à une élégance de la ligne de chant, proprement admirables. Eduarda Melo joue Stéphano avec beaucoup de charme et elle délivre sa romance «Que fais-tu, blanche tourterelle» avec tout le panache nécessaire. Le rôle de «méchant» qu’est Tybalt convient à la vocalité et au physique de Bruno Comparetti. Jean-Philippe Lafont confère beaucoup de noblesse au comte Capulet, malgré un vibrato parfois envahissant, et Pierre Doyen donne une fière allure à son Mercutio, en dépit d’un rondeau de la reine Mab insuffisamment contrôlé. Enfin, on ne peut que déplorer l’usure des moyens d’Isabelle Vernet (Gertrude).


Au final, un seul (et timide) rappel viendra couronner une soirée sauvée par les voix.



Emmanuel Andrieu

 

 

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