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Un Château claustrophobique

Angers
Le Quai
10/04/2011 -  et 6 (Angers), 14, 16 octobre 2011 (Nantes)
Béla Bartók : A csodálatos mandarin, opus 19,
sz. 73 (*) – A kékszakállú herceg vára, opus 11, sz. 48


Gidon Saks (Barbe-Bleue), Jeanne-Michèle Charbonnet (Judith)
Ballet de l’Opéra national du Rhin, Bertrand d’At (direction), Chœur d’Angers Nantes Opéra, Sandrine Abelo (direction), Orchestre national des Pays de la Loire, Daniel Kawka (direction musicale)
Patrice Caurier et Moshe Leiser (mise en scène), Lucinda Childs (chorégraphie), Rudy Sabounghi (*) (décors et costumes), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières)


(© Jef Rabillon)


Belle idée d’avoir fait précéder, dans une soirée Bartók, Le Château de Barbe-Bleue (1911) par Le Mandarin merveilleux (1926). Ce couplé avait été étrenné in loco en 2007 et, devant le formidable enthousiasme public et critique qu’il avait suscité à l‘époque, Jean-Paul Davois, directeur de l’ANO, a donc judicieusement choisi de reprendre ces deux titres pour l’ouverture de la saison 2011-2012 d’Angers Nantes Opéra.


Aussi éloigné soit-il dans le temps par rapport à l’opéra de jeunesse du compositeur hongrois, Le Mandarin merveilleux n’en incarne pas moins une sensibilisation aiguë à un univers sonore unique dans la musique du XXe siècle. L’histoire de cette pantomime narre les aventures d’une prostituée, obligée par trois brigands à séduire des passants pour mieux les dépouiller ensuite. Parmi eux, un mandarin, qui finira poignardé après l’acte amoureux, agonisant dans les bras de la jeune fille. Signée par l’Américaine Lucinda Childs, et dansée par des membres de la troupe du ballet de l’Opéra national du Rhin, la chorégraphie séduit par sa fluidité, son dépouillement et son abstraction mêlés. Contraste frappant avec le déferlement orchestral de la partition, magnifié par la baguette magistrale de Daniel Kawka et par un Orchestre national des Pays de la Loire admirable de précision.


Du Château de Barbe-Bleue, on retiendra d’abord l’éclatante conjonction de deux artistes totalement habités, déjà présents en 2007: Gidon Saks dans le rôle de Barbe-Bleue et Jeanne-Michèle Charbonnet dans celui de Judith. Tout en se montrant inquiétant et souvent brutal, le premier apporte néanmoins au personnage une humanité et une souffrance qui bouleversent. D’un chant plus nuancé qu’à son habitude, la basse israélienne subjugue par la beauté d’un timbre noir et par une puissance vocale impressionnante. La seconde brûle également les planches, toute palpitante d’anxieuse curiosité et animée d’une invincible détermination. Elle fait preuve plus encore d’une intensité vocale inouïe, se traduisant parfois en accents rauques et en graves saisissants.


Autre bonheur de la soirée, un orchestre en état de grâce et un chef qui se montre souverain dans l’interprétation constamment incisive de la complexe texture orchestrale bartokienne dont il sait rendre, avec la même sûreté d’approche, les chatoiements comme les rudesses et les aspérités.


Enfin, c’est avec délice que l’on retrouvait la splendide mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser, hommes de théâtre qui ont su tisser des liens étroits avec une maison pour laquelle ils auront signé pas moins de cinq productions ces dernières années (dont une Jenůfa et un Falstaff unanimement salués). L’action est transposée dans une chambre d’hôtel à l’atmosphère étouffante d’où sourd immédiatement un malaise, comme si l’on savait, une fois le verrou de la chambre tiré, que Judith n’en sortira pas vivante. De fait, Barbe-Bleue est présenté ici comme un serial killer qui pousse la perversion jusqu’à montrer les polaroïds de ses victimes précédentes à celle qui va compléter la liste. Nulle porte à ouvrir ici hormis celle de l’âme noire et tourmentée de Barbe-Bleue, nulle vérité à découvrir si ce n’est celle de son être profond. Après la scène de la cinquième porte où le fameux contre-ut poussé par la soprano évoque l’orgasme, conclusion d’un bref rapport sexuel, Judith sera étouffée par son tortionnaire avec les draps du lit sur lequel elle se retrouve, pieds et poings liés. Un spectacle dont on ne sort pas indemne...


Le site d’Angers Nantes Opéra



Emmanuel Andrieu

 

 

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