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Sur un petit nuage

Paris
Salle Pleyel
10/01/2011 -  et 2 octobre 2011
Juan Crisóstomo de Arriaga y Balzola : Los esclavos felices: Ouverture
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 17, K. 453
Charles Gounod : Messe solennelle de sainte Cécile

Menahem Pressler (piano), Marita Solberg (soprano), Maximilian Schmitt (ténor), Michele Pertusi (basse)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre de Paris, Jesús López Cobos (direction)


J. López Cobos (© Javier del Real)


Exceptionnellement, l’Orchestre de Paris renonce à ses traditionnels mercredis et jeudis de Pleyel pour le samedi (soir) et le dimanche (après-midi). Bien que la tribune du chœur ne soit pas ouverte au public, il reste des places vides dans la salle: conséquence de ce chamboulement des habitudes ou bien prudence face à un programme dont deux des trois œuvres n’ont jamais été données à l’Orchestre de Paris et face à une affiche où le chef aussi bien que le soliste font leurs débuts, sinon dans la capitale, du moins avec cette formation? Prudence injustifiée, en tout cas, car il fallait une fois de plus faire confiance au flair de son directeur artistique, Didier de Cottignies, dans le choix tant des artistes que du répertoire.


Ancien directeur musical du Teatro Real de Madrid et désormais principal chef invité de l’Orchestre symphonique de Galice, Jesús López Cobos débute avec une parfaite exactitude stylistique dans un petit échantillon de musique de son pays, l’Ouverture – seule page parvenue jusqu’à nous – de l’opéra Les Esclaves heureux (1819) d’Arriaga. Elle n’échappe pas, comme dans toute l’Europe à cette époque, à l’influence de Rossini, mais avant de pétiller à l’italienne cette brève page, écrite à l’âge de treize ans, est introduite par une douce pastorale. Excellente initiative, car le compositeur, originaire de Bilbao et mort à Paris de la tuberculose dix jours avant son vingtième anniversaire, mériterait d’être honoré autant que la modestie de son catalogue le permet: en attendant de pouvoir entendre sa Symphonie, il ne faudra donc pas rater les Modigliani dans son Troisième Quatuor le 14 janvier prochain à la Cité de la musique.


Après le «Mozart espagnol», né cinquante ans jour pour jour après le divin Johannes Chrysostomes Wolfgangus Theophilus – son père organiste ne l’avait pas baptisé par hasard Juan Crisóstomo –, voici le «vrai» Mozart. Et après un enfant prodige, voici un pianiste qui fêtera ses quatre-vingt-huit ans en décembre prochain. Car si le Beaux-Arts Trio a mis fin à ses activités en 2008, Menahem Pressler, qui en fut le cofondateur en 1955 puis la figure emblématique, seul rescapé de l’ensemble d’origine, n’en poursuit pas moins sa carrière. Un signe qui ne trompe pas: les musiciens sont venus – Marc Coppey, Fanny Clamagirand. De fait, avant deux journées de classes de maître au Conservatoire national supérieur de musique et deux concerts dans sa ville natale de Magdebourg, où il jouera également le Dix-septième Concerto (1784), il enchante la salle Pleyel. Non pas seulement parce que sa technique demeure presque impeccable, mais parce que, jetant à peine un œil de temps à autre sur la partition posée sur le cadre, il continue, avec son toucher feutré, entre le velours et la soie, à faire de la musique de chambre: une approche particulièrement bienvenue pour mettre en valeur une écriture où les bois – qu’on a d’ailleurs connus plus précis à l’Orchestre de Paris – ont la part belle. Ciccolini, Badura-Skoda, Demus: faut-il attendre d’être octogénaire pour retourner à cette innocence sans mièvrerie, tout en sachant aussi bien exprimer les fêlures de l’existence (Andante central)? En bis, l’inévitable Nocturne en ut dièse mineur (1830) de Chopin témoigne des mêmes qualités: évidence, naturel, simplicité, délicatesse et clarté.


Au moment où l’Opéra national de Paris présente tant bien que mal une nouvelle production de Faust, il est bon de rappeler que Gounod n’est pas qu’un auteur lyrique. A l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi s’y emploiera lui-même en fin de saison en dirigeant les 27 et 28 juin prochain la délicieuse Première Symphonie, intéressante alternative à la Symphonie en ut de Bizet, exactement contemporaine. .Mais outre la musique de chambre et les mélodies, il ne faut évidemment pas oublier sa musique religieuse. Parmi ses seize messes, la Messe solennelle de sainte Cécile (1855) demeure la plus célèbre: créée à Saint-Eustache le jour de la fête de la patronne des musiciennes, elle est encore régulièrement accueillie de nos jours dans de vastes édifices religieux – en la basilique de Saint-Denis avec l’Ensemble orchestral de Paris en juin 2004 ou bien à la Trinité avec l’Orchestre Colonne en février 2010. Mais elle a aussi pleinement sa place au concert, dans des conditions d’écoute au demeurant bien plus favorables.


1855, c’est aussi l’année où Berlioz parvint enfin à faire exécuter son Te Deum, également à Saint-Eustache: l’effectif requis par Gounod n’est pas aussi colossal, bien sûr, mais les quatre bassons, les deux cornets et les six harpes – annoncées dans le programme de salle, à défaut de se trouver sur scène, où elles ne sont que deux – évoquent immanquablement l’orchestre de la Fantastique. Au demeurant, s’il fallait absolument évoquer un rapprochement avec Berlioz, ce serait davantage avec L’Enfance du Christ, achevée l’année précédente: souvenir de la découverte des maîtres de la Renaissance que le Grand Prix de Rome 1839 fit durant son séjour à la villa Médicis, des tournures archaïsantes apparaissent dès le «Kyrie». Ensuite, c’est un exercice d’équilibre très réussi sur un sentier étroit, entre pompiérisme et sulpicianisme – à l’exception peut-être du bref «Domine salvum», adjonction proposée par le compositeur lui-même et le plus souvent adoptée, offrant une conclusion triomphale et marquant en même temps le retour au sol majeur initial.


Si, en première partie, Pressler avait déjà mis les spectateurs en apesanteur, López Cobos dirigeant par cœur, leur permet de rester sur un petit nuage: séraphique mais pas niaise, son interprétation laisse entier le mystère de cette musique d’une étrange transparence, d’un dépouillement à la fois lumineux et hypnotisant, hors du monde et hors du temps. Placé côté jardin, derrière les violons, le trio soliste ne se voit pas confier de longues interventions; mais elles sont cruciales, comme celles de la soprano dans le «Gloria» et le «Benedictus» ainsi que du ténor dans le «Sanctus». De ce point de vue, la distribution est bien calibrée, avec une Marita Solberg radieuse et un Maximilian Schmitt bien chantant – la partie de Michele Pertusi, un peu engorgé, est heureusement moins exposée.


Après le départ du tandem formé par Didier Bouture et Geoffroy Jourdain à la fin de l’antépénultième saison, le Chœur de l’Orchestre de Paris a passé l’année suivante à leur chercher un successeur, certains des quatre concerts auxquels il fut associé en 2010-2011 fournissant sans doute l’occasion de tester des candidats. Mais la décision s’est finalement portée sur une personnalité qui ne l’avait jamais dirigé jusqu’alors, Lionel Sow, chef des divers ensembles d’adultes et d’enfants de la Maîtrise Notre-Dame de Paris depuis 2006. Pour sa première prestation, il ne semble pas avoir soulevé l’enthousiasme des choristes, qui ont toutefois confirmé les excellentes dispositions déjà saluées à plusieurs reprises ces derniers mois.


Le site de Jesús López Cobos
Le site de Menahem Pressler



Simon Corley

 

 

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