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Ivan Rojdestvenski

Bucharest
Grande Salle du Palais
09/10/2011 -  
Georges Enesco : Vox maris op. 31
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n°1 en ré bémol majeur op. 10 – Ivan le Terrible (arrangement d’Abram Stasevitch), op. 116

Marius Vlad Budoiu (ténor), Viktoria Postnikova (piano), Igor Chernevich (récitant), Larissa Diadkova (mezzo-soprano), Alexei Tanovitski (basse)
Corul si Orchestra Filarmonicii “George Enescu”, Guennadi Rojdestvenski (direction)




Vingt ans : le bel âge pour le festival Enesco. Si la programmation reste éclectique, allant du baroque au contemporain, associant les grandes formations internationales et les orchestres locaux, l’épine dorsale de ces trois semaines de septembre reste l’œuvre du compositeur roumain, toujours aussi méconnu hors de son pays. Les chefs les plus illustres, jusqu’à Valery Gergiev, sont invités à choisir une partition du maître. A quelques exceptions près, comme Daniel Barenboim – on est tellement content de l’avoir qu’on ne lui impose rien… Mais un Riccardo Muti, faute de s’être plié à la règle, n’a pas été convié au festival précédent. On pouvait craindre, avec la crise, des restrictions budgétaires : il n’en est rien. Tous les partis, au Parlement, votent le budget – 8 millions d’euros, complétés par 800 000 euros environ offerts par les sponsors – d’un festival qui est une affaire nationale : il y va de l’image, du prestige, de l’identité culturelle aussi, du pays, pas seulement de la capitale – sept villes y participent. Directeur depuis 1990 d’Artexim, la société organisatrice de l’événement, Mihai Constantinescu, un ancien du Ministère de la culture, peut donc se réjouir : épaulé par huit permanents, secondé par quatre-vingt dix étudiants bénévoles aussi efficaces qu’enthousiastes, il a hissé le festival au niveau des meilleurs – la vente des billets, par rapport à l’édition 2009, a même doublé. Le public, lui, a de quoi faire : 75 concerts à Bucarest, où les week-ends proposent quatre concerts par jour, 21 en province ! Concerts où l’on voit d’ailleurs beaucoup de jeunes, grâce à une politique tarifaire attractive – les étudiants de musicologie, comme leurs professeurs, bénéficiant d’une gratuité totale. La jeunesse, c’est aussi le concours Enesco, limité jusque là au piano, au violon et à la composition, ouvert cette année au violoncelle, dont les lauréats se produisent souvent lors du festival suivant.



G. Rojdestvenski (© Alexandra Jitariuc)


Familier d’Enesco dont il gravé les trois Symphonies, la Suite villageoise et les Rhapsodies roumaines chez Chandos, Guennadi Rojdestvenski a choisi Vox maris pour son concert à la tête d’une Philharmonie de Bucarest pas très homogène. Dans cette tragédie de la mer, commencée en 1929 et achevée seulement en 1953, deux ans avant la mort du compositeur, un marin disparaît dans les flots alors qu’il tente de porter secours à des bateaux en détresse. Poème symphonique très élaboré où, une fois de plus, le compositeur roumain, dans une langue qui n’appartient qu’à lui, affirme à la fois sa modernité et son originalité. Toujours aussi sobre et aussi précis dans la battue, Rojdestvenski, selon son habitude depuis quelques années, adopte des tempos retenus tout en maintenant une grande tension, ce qui anime de l’intérieur une musique que l’on pourrait parfois trouver assez statique. La partition s’apparente ici à un grand lamento nimbé de mystère, assez sombre, avec des âpretés dignes de Chostakovitch, éloignant Enesco de ses affinités françaises. Une lecture atypique mais passionnante, qui aurait gagné à la présence d’un ténor moins nasal et d’un chœur plus impeccable – alors que les voix sont belles.


On est moins convaincu par le Premier Concerto de Prokofiev, où le chef est pourtant chez lui. L’insolence conquérante – du moins pour l’époque – disparaît au profit d’une lecture trop sage, surtout au début, trop postromantique, occultant le jaillissement perpétuel de l’inspiration. Viktoria Postnikova, de surcroît, paraît étrangement courte de doigts et d’idées. Elle est vraiment elle-même dans le bis, la Chanson d’automne du mois d’octobre des Saisons de Tchaïkovski, nuancée et émouvante.


Pour Ivan le Terrible, en revanche, Rojdestvenski donne toute sa mesure, incarnant lui–même le tsar comme avec l’Orchestre de Paris en mai 2010 – on retrouve d’ailleurs les mêmes solistes. On est stupéfié de voir comme, à 85 ans, il tient son orchestre et pense la musique, ne laissant rien au hasard – alors que la battue répugne décidément à tout effet de manche, belle leçon pour certains de ses cadets. L’œuvre a-t-elle été davantage travaillée ? L’orchestre, en tout cas, atteint un bien meilleur niveau, galvanisé par une direction visionnaire. Le chef crée une sorte d’épopée sonore, porte l’histoire à la dimension du mythe, tendant l’arche jusqu’au bout, très loin de l’approche beaucoup plus occidentale, beaucoup plus plastique d’un Muti, par exemple, incarnant la grande tradition de la direction d’orchestre russe. Et la grande fresque d’Eisenstein, sans même le secours de l’image, ressuscite dans sa puissance parfois sauvage. Larissa Diadkova semble un peu terne, mais Alexei Tanovitski impressionne dans la Chanson de Basmanov. Le chœur, qui a fort à faire ici, a gagné en homogénéité et contribue à faire de cet Ivan le Terrible un grand moment de musique… et de cinéma.


Le site du festival Enesco
Le site de l’Orchestre philharmonique «Georges Enesco»



Didier van Moere

 

 

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