About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Temps morts

Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
09/19/2011 -  
Alberto Posadas : Pri em hru
Mauro Lanza : Le nubi non scoppiano per il peso
Hilda Paredes : Revelación

Omo Bello (soprano), Tychonas Michailidis (réalisation informatique musicale), Ana Luján Sánchez (chorégraphie, danseuses), Toni Aparisi (danseur)
Ensemble Court-circuit: Jérémie Fèvre (flûte), Pierre Dutrieu, Kevin Courriol (clarinette), Stéphane Bridoux (cor), Alain Rigollet (trombone), Eve Payeur (percussion), Jean-Marie Cottet (piano), Pierre Bleuse (violon), Claire Merlet, Béatrice Gendek (alto), Renaud Déjardin (violoncelle), Didier Meu (contrebasse), Jean Deroyer (direction)




Conçue une nouvelle fois par Olivier Mantei, la saison 2011-2012 des Bouffes du Nord demeure aussi dense et variée que les précédentes. A plusieurs reprises, la musique sera en tout ou partie l’objet du spectacle: O Mensch! de Pascal Dusapin, mêlant mélodies sur des poèmes de Nietzsche et pièces pour piano, une version réduite de Kátia Kabanová de Janácek, Max Black de Heiner Goebbels, Le Costume de Franck Krawczyk et Le Bourgeois gentilhomme enrichi de la participation de Christophe Coin et de ses musiciens. Et les lundis soirs restent dévolus à des concerts où l’éclectisme le dispute à la qualité, dans un large éventail chronologique dont témoignent la diversité des musiciens invités – Simone Dinnerstein, Pierre Hantaï, Gustav Leonhardt, Valeriy Sokolov, Andreas Staier, les Quatuors Diotima, Prazák et Zemlinsky, l’Orchestre français des jeunes baroque – et la place importante dévolue à la musique contemporaine.


Et c’est tout naturellement que la résidence de Court-circuit, inaugurée l’année passée avec succès par la création de l’opéra The Second Woman de Frédéric Verrières, se poursuit dans un tel cadre: avant d’y fêter ses vingt ans le 20 février, l’ensemble, avec Jean Deroyer, qui en est le directeur musical depuis trois ans, donne la création française, en présence de leurs auteurs, de deux pièces commandées par le projet Integra, programme européen de musiques électroniques fédérant, sous la houlette du conservatoire de Birmingham, six centres de recherches et cinq ensembles. Mais la première œuvre du concert, qui commence avec près de vingt minutes de retard, date en revanche de 1994: dans Pri em hru, Alberto Posadas (né en 1967) fait référence à l’Egypte ancienne. Ces trois mots mystérieux (signifiant «hors du jour») évoquent en effet le périple des défunts vers l’au-delà, tandis que la notice distribuée au public révèle que «le rapport entre la largeur et la hauteur de la pyramide de Kheops sert de modèle canonique à l’articulation formelle [...] dans l’organisation aussi bien microscopique que macroscopique». Point n’est besoin de le savoir pour se laisser séduire par ces seize minutes associant flûte, clarinette, trio à cordes – tous les cinq munis en outre chacun d’un triangle –, piano et percussion: débutant comme une étude pour les trilles et les attaques, le parcours bifurque sous l’emprise de la flûte, qui se détache progressivement et se voit même confier un long solo – excellent Jérémie Fèvre –, pour se diriger ensuite vers une section plus violente et paroxystique, puis s’acheminer de façon assez prévisible vers une conclusion plus calme, sinon apaisée.


Exécutée pour la première fois huit jours plus tôt au festival Ultima (Oslo) par les mêmes interprètes, Le nubi non scoppiano per il peso de Mauro Lanza (né en 1975) trouve son titre dans une phrase extraite du chapitre 37 du Livre de Job («Les nuages n’éclatent pas sous leur poids»), dont le chapitre suivant fournit par ailleurs le texte chanté, sous la forme de quatre questions. Dire que la partition requiert une formation instrumentale assez similaire à celle du compositeur espagnol, simplement augmentée d’une clarinette et d’un trombone, serait négliger la particularité, voire l’attrait, du travail de son confrère italien, qui fait en outre appel à une machine à pluie. On connaissait la machine à vent (éoliphone) qui fait frissonner Daphnis ou les Alpes straussiennes, le tambour d’océan ou bien le géophone inventé par Messiaen pour ses canyons américains, mais l’appareil construit par Simon Cacheux et coordonné par Thierry Coduys vaut vraiment le détour. Sur une rampe horizontale située à hauteur respectable et solidement arrimée à deux supports placés de chaque côté à l’avant-scène sont fixés des «goutteurs»; comme on peut s’y attendre, leur fonction est de laisser s’échapper des gouttes d’eau, mais celles-ci ne tombent ni n’importe quand, puisqu’elles sont déclenchées par un clavier midi, ni n’importe où, puisqu’elles viennent percuter divers objets alignés sur une longue table, juste en dessous de la rampe, et assortis de micros: six cloches de vache, des bols tibétains et deux plaques électriques, le contact de l’eau avec le métal brûlant provoquant un petit crépitement accompagné d’un pschitt de vapeur.


Et la musique dans tout ça? Car le dispositif de ce professeur (cumulo)Nimbus, qui requiert un changement de plateau d’un quart d’heure, ne saurait constituer une fin en soi, si intrigant et divertissant soit-il. L’écriture bruitiste, tirant parti des ondées électroniques et détournant systématiquement les modes de jeu traditionnels des instruments, rappelle Lachenmann ou Pesson, mais se fait moins radicale lorsque, à mi-parcours, la «pluie» s’interrompt, laissant entrer la voix de la soprano nigériane Omo Bello pour une courte incantation qui évolue volontiers dans l’aigu – sans doute celui des altocumulus.






Sans que la célérité des équipes techniques puisse en quoi que ce soit être mise en cause, suit une nouvelle pause d’une demi-heure, cette fois-ci sous la forme d’un entracte, pour installer le plateau en vue de la dernière pièce: entre retard et temps morts, on dépasse ainsi l’heure pour un peu plus d’une demi-heure de musique. Créée à Valence en mai dernier, Révélation (2011) de Hilda Paredes (née en 1957) – dont l’Amphithéâtre Bastille accueillera le 18 novembre prochain, dans le cadre du Festival d’automne, la première d’Altazor – est la première partition à bénéficier du nouveau logiciel d’Integra. Sans afficher de visées descriptives, la Mexicaine s’inspire de Remedios Varo (1908-1963), peintre surréaliste d’origine espagnole qui fut par ailleurs l’épouse du poète Benjamin Péret. L’un de ses tableaux s’intitule Révélation ou l’Horloger (1955), mais la chorégraphie narrative et humoristique de l’Espagnole Ana Luján Sánchez, qui l’interprète elle-même en compagnie de son compatriote Toni Aparisi, ne s’y réfère pas explicitement. En revanche, l’une juchée au besoin sur les épaules de l’autre, les deux danseurs – visage blafard, quittant l’habit à long pan et le pantalon noir pour se retrouver rapidement en ample chemise blanche et chaussettes noires – suivent d’assez près, tout au long de ces vingt-deux minutes confiées à un petit ensemble instrumental sonorisé (flûte, clarinette, cor, violon, alto, violoncelle, contrebasse, percussion et piano), les fluctuations d’une musique aux textures délicates et insaisissables, quand ils n’imitent pas ou n’entourent pas tout bonnement le chef et les musiciens, dont deux (clarinette et cor) sortent brièvement du rang pour se positionner chacun d’un côté de la scène. Dans ce spectacle poétique tout en étant parfois proche du burlesque, du cirque ou du mime, la prolifération de chapeaux noirs jetés par terre et les jeux avec un léger voile blanc ou avec des rubans élastiques attachés à un paravent blanc demeurent toutefois mystérieux.


Le site du Théâtre des Bouffes du Nord
Le site de Hilda Paredes
Le site de Simon Cacheux
Le site de Court-circuit
Le site du projet Integra
Le site de Jean Deroyer
Le site d’Omo Bello
Le site d’Ana Luján Sánchez



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com