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La Clémence sans Titus

Paris
Palais Garnier
09/10/2011 -  et 12, 15*, 20, 23, 26, 30 septembre, 5, 8 octobre
Wolfgang Amadeus Mozart: La clemenza di Tito, K. 621
Klaus Florian Voigt (Tito), Hibla Gerzmava (Vitellia), Amel Brahim-Djelloul (Servilia), Stéphanie d’Oustrac (Sesto), Allyson McHardy (Annio), Balint Szabo (Publio)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Adám Fischer (direction)
Willy Decker (mise en scène)


A. Brahim-Djelloul, H. Gerzmava
(© Opéra national de Paris/Mirco Magliocca)



Quelle mouche a donc piqué Klaus Florian Voigt, qui vient de confirmer, à Bayreuth, qu’il était un des meilleurs Lohengrin du moment ? Quelle mouche a donc piqué l’Opéra de Paris, qui n’aurait jamais dû l’engager pour le Titus mozartien ? A entendre ces récitatifs ânonnés, on se demande si le ténor a quelque idée de l’italien. Les phrasés, de plus, sont improbables, la vocalisation précaire, à peine le « Se all’impero » échappe-t-il au naufrage. Une Clémence sans Titus. Le reste de la distribution, heureusement, sauve la soirée. A commencer par le Sextus de Stéphanie d’Oustrac, magnifique de tenue, d’engagement, de style – tant pis pour des graves parfois un peu courts et un timbre qu’on aimerait plus riche. Du style, du tempérament, Hibla Gerzmava n’en manque pas non plus, même si la voix a des acidités très slaves, surtout du côté de l’aigu, même si, là aussi, le grave devrait être plus nourri pour assumer les grands écarts de Vitellia, notamment ceux de « Non più di fiori » – au moins l’hystérie du personnage se trouve-t-elle sublimée par le chant. Un peu noyée parmi les ensembles au premier acte, Allyson McHardy campe ensuite un bel Annius, noble de ligne et de timbre, offrant un très réussi « Torna di Tito al lato ». Dans la modeste Servilia, Amel Brahim-Djelloul ravit par le fruité d’une voix menue mais charnue et le charme tout mozartien du phrasé – on penserait presque à la jeune Popp. Et Balint Szabo donne un vrai relief, vocal et scénique, à Publius, si peu gâté par Mozart, ici faiseur de roi aux cruautés machiavéliques.


Chacun ses références : Gerard Mortier avait repris la production qu’il avait confiée aux Herrmann pour la Monnaie en 1982, Nicolas Joel préfère celle de Willy Decker, commandée par Hugues Gall en 1997. Elle rappelle parfois la première par son parti pris de dépouillement, voire d’abstraction, son mélange d’Antiquité et de Lumières. Lecture caractéristique du metteur en scène allemand : il ne s’agit que de révéler, au-delà de la convention, les enjeux et les non-dits sans jamais aller contre la musique ou le texte. Vitellia mère amante, entretient Sextus dans une relation de soumission teintée de sado-masochisme. Titus immature, traumatisé par le départ forcé de Bérénice, refuse le pouvoir, devenant souverain au terme d’un douloureux parcours initiatique – d’une matrice de pierre émerge peu à peu une tête, puis un buste d’empereur. Un monde vacillant, avec cette paroi d’amphithéâtre de guingois : chacun devra se trouver pour qu’émerge un ordre nouveau où tous, individus ou communauté, trouveront leur place. Du beau travail, lisible et cohérent, qui gagnerait parfois à une direction d’acteurs moins lâche – Vitellia trahit ses limites de comédienne.


Lisible et cohérente également, la direction d’Adám Fischer, ni baroqueuse ni empesée. Il n’empêche : cet excellent haydnien ne parvient pas à animer le dernier seria mozartien, déjà dramatiquement problématique, anémié de surcroît par la sécheresse du continuo. Pour faire vivre cette Clémence, on avait beaucoup mieux en France.



Didier van Moere

 

 

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