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Reconstitution presque édénique

Grenoble
La Côte Saint-André (Chapelle de la Fondation d’Auteuil)
08/21/2011 -  et 14 juillet (Montpellier), 26 août (Rouen) 2011
Théodore Dubois: Le Paradis perdu

Jennifer Borghi (mezzo-soprano), Chantal Santon (soprano), Mathias Vidal (ténor), Alain Buet (baryton)
Les Cris de Paris, Orchestre Les Siècles, Geoffroy Jourdain (direction)




Le rendez-vous annuel des berlioziens ne se limite pas au corpus du grand Hector. Si l’édition de cette année fait la part belle au bicentenaire Liszt, elle propose également des redécouvertes, à l’instar de ce Paradis perdu de Théodore Dubois. L’ouvrage a été recréé au festival de Radio France, à Montpellier, en juillet, puis voyagera en Normandie après la performance de ce soir, avant d’être gravé, toujours sous la férule de Geoffroy Jourdain, à la tête de son ensemble Les Cris de Paris, augmentés de membres de l’orchestre Les Siècles. Le projet bénéficie du soutien du Palazzetto Bru Zane, le désormais fameux Centre de musique romantique française.


Il s’agit en réalité d’une recréation. La partition complète de cet oratorio écrit à l’occasion d’un concours organisé par la ville de Paris, destiné à faire jouer des œuvres à même de faire oublier les atrocités de la Commune et raffermir la foi catholique, a été perdue. On a donc procédé à une reconstitution de l’orchestration, selon les principes qui prévalaient alors dans ce genre d’ouvrage, sans omettre le piano, aboutissant ainsi à un résultat que l’on peut estimer fidèle au prototype.


Le sujet reprend une des péripéties les plus emblématiques de la Genèse, le congédiement de l’homme hors de l’éden. L’oratorio comporte quatre tableaux. Les deux premiers ont une allure plutôt picturale. Satan et l’Esprit Saint s’opposent, le premier voulant se venger du second par le sabotage de sa création. Adam et Eve n’apparaissent qu’au troisième acte. Le Malin séduit la femme et le Seigneur fait s’abattre la fatalité sur les rebelles. Ces deux derniers tableaux sont empreints d’un dramatisme plus caractérisé, produisant un effet plus immédiat sur le spectateur d’aujourd’hui, lequel serait sans doute surpris d’apprendre que les contemporains de Dubois se sont montrés davantage sensibles aux scènes plus descriptives.


On ne saurait nier que le défaut de surtitres, que pallie autant que faire se peut le travail d’articulation des interprètes, influence quelque peu l’auditoire. Bien qu’il connaisse les grandes lignes de l’argument, la dialectique un peu catéchumène de la première partie, enveloppée dans un colorisme ponctué de chœurs sévères, lui semble un peu rébarbative. Si Alain Buet incarne un Satan vigoureux et insinuant, à la diction exemplaire, Jennifer Borghi expose son timbre idoine de mezzo, mais privilégie le caractère au détriment de la clarté, aplatissant l’intonation dans une nasalité un rien excessive. L’intervention du couple terrestre reçoit en Chantal Santon et Mathias Vidal une interprétation fort louable. Le timbre aérien d’Adam confère au personnage une ingénuité touchante, et l’oppose à la versatilité d’Eve, contenue dans une voix légère et bien accrochée.


La direction de Geoffroy Jourdain met en valeur l’austère économie de la facture orchestrale autant que la solidité du travail compositionnel – on entend l’organiste comme le professeur de Conservatoire. Les chœurs produisent un impact saisissant dans les sections fuguées qui lui sont confiées, et expriment avec la même efficacité la menace du châtiment et la piété religieuse. Si l’ouvrage de Dubois trahit une inspiration datée – Vatican II a considérablement renouvelé les conceptions théologiques, destituant l’implacabilité divine pour revenir au message christique – il n’en demeure pas moins un témoignage abouti de la musique française des premières années de la Troisième République, et l’on ne peut être que gratitude aux archéologues quant à cette exhumation.


Le site du festival de la Côte-Saint-André



Gilles Charlassier

 

 

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