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Sous le tonnerre et les éclairs

Paris
Jardin des serres d’Auteuil (Pavillon des azalées)
09/03/2011 -  
Ludwig van Beethoven : Bagatelles, opus 119 et opus 126
Serge Prokofiev : Visions fugitives, opus 22 n° 1 à n° 9 – Sarcasmes, opus 17
James Clapperton : Haar

Steven Osborne (piano)


S. Osborne (© Eric Richmond)


Comme de coutume, le festival «Les Solistes aux Serres d’Auteuil» marque le début et la fin de l’été: interrompu le 26 juin, il reprend du 26 août au 11 septembre, avant que la nouvelle saison ne batte son plein dans les salles de la capitale. Indépendamment d’une programmation toujours aussi soignée, il faut impérativement profiter de la seconde partie de cette douzième édition, car en raison des projets d’extension du stade Roland-Garros, elle risque bien d’être la dernière sous cette forme pourtant désormais aussi familière qu’appréciée (voir ici).


Vainqueur en 1991 du concours Clara Haskil, à l’issue d’une finale où concourait notamment Emmanuel Strosser, Steven Osborne (né en 1971) demeure assez peu connu en France, malgré son répertoire vaste et éclectique, de Mozart à Kapustin en passant par Ravel et Messiaen, dont témoigne une discographie déjà assez riche (principalement chez Hyperion), non sans un certain goût pour les raretés. S’il s’est déjà produit à plusieurs reprises à Paris, comme en 2006 et en 2008 avec l’Ensemble orchestral de Paris et en novembre 2008 au Théâtre de la Ville avec le violoncelliste Alban Gerhardt, c’est ici une occasion de l’entendre en récital.


L’intérêt de ce concert est accru par un programme original qui, compte tenu du retrait de la Seconde Sonate de Rachmaninov initialement prévue, privilégie l’aphorisme – trente-deux pièces en environ une heure, la plus longue ne dépassant quatre minutes – et adopte une forme en arche: deux cycles de Beethoven encadrent deux séries de morceaux de Prokofiev, au sein desquels s’insère une page de James Clapperton (né en 1968). Quadragénaire, pianiste et Ecossais, Osborne partage plusieurs points communs avec le compositeur: ce dernier, en tant qu’interprète, joue Cage, Ligeti, Sciarrino, Lachenmann et Radulescu, mais Haar (1988) – il est vrai une œuvre de jeunesse, où la «brume qui "roule" à l’intérieur des terres» («haar», en écossais) est constamment exprimée par de doux trilles – se situe quelque part entre Debussy et Michael Nyman, et dure bien moins longtemps que les dix minutes annoncées.


Dans les Bagatelles de Beethoven – les onze de l’Opus 119 (1823) puis les six de l’ultime Opus 126 (1824) – Osborne s’attache à percer l’énigme d’une fausse simplicité et de vraies surprises à la Haydn, pour leur donner un éclairage qui évoque souvent le dernier Schubert, celui des Moments musicaux, Impromptus et autres Klavierstücke aux titres tout aussi modestes. Mais son jeu est suffisamment virtuose et athlétique pour ne pas omettre d’en faire ressortir le caractère parfois brillant – septième de l’Opus 119 – et pour se colleter aux redoutables difficultés de Prokofiev. La frustration de ne bénéficier que des neuf premières des vingt Visions fugitives (1917), peut-être justifiée par le souci de ménager l’enchaînement sans interruption, ainsi qu’il prend la peine de l’annoncer au préalable en français, avec la pièce de Clapperton, est compensée par la possibilité de découvrir un recueil peu fréquenté, les cinq Sarcasmes (1914).


Son Prokofiev est solide, pas surexcité et fait valoir, au-delà des provocations et de la virulence du jeune Russe, ce que sa musique doit encore à Scriabine. Sa prestation est d’autant plus méritoire qu’elle se déroule dans des conditions de plus en plus difficiles, car l’orage qui menaçait a fini par éclater au début de l’Opus 119. Eclairs et tonnerre, vent et déluge au dehors – et même, par endroits, au-dedans, la couverture de la serre n’étant pas tout à fait hermétique –, encouragements des spectateurs, chaises déplacées pour loger les quelques auditeurs arrosés, sans compter la directrice artistique, Anne-Marie Réby, parlementant avec un fumeur invétéré sorti griller une cigarette pour qu’il veuille bien se tenir à l’extérieur devant la porte fermée (et non pas sur le seuil, à l’abri de la pluie) – le concert prend une tournure franchement inhabituelle. Avant de se lancer dans l’Opus 126, Osborne préfère donc interroger la salle: «Entendez-vous?». Malgré une rumeur approbative, il préfère... improviser en attendant que le tumulte des éléments se calme quelque peu et que l’environnement redevienne plus favorable.


Après toutes ces émotions, le premier bis est logique: la dernière des sept Bagatelles de l’Opus 33 (1802) de Beethoven. Ensuite, Osborne hésite à haute voix – «I don’t know what to play now» – et répond finalement aux sollicitations de la vox populi qui réclame Rachmaninov, offrant une vision sans sensiblerie du Quatrième des dix Préludes de l’Opus 23 (1903), qui permet de conclure dans le calme ce récital qui demeurera assurément dans les annales des «Solistes aux Serres d’Auteuil».


Le site des Solistes aux Serres d’Auteuil
Le site de Steven Osborne



Simon Corley

 

 

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