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Ouverture en fanfare

Paris
Salle Pleyel
09/02/2011 -  et 26 (Salzburg), 28 (Luzern), 31 (Luxembourg) août, 5 (Wien) septembre 2011
Bernard Rands : Danza Petrificada (création française)
Richard Strauss : Tod und Verklärung, opus 24
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 5, opus 47

Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti (direction)


R. Muti (© Todd Rosenberg)


Si le Théâtre des Champs-Elysées demeure – dès qu’aura été menée à bien, début novembre, une nouvelle tranche de travaux de rénovation – le port d’attache parisien des orchestres européens (Vienne, Saint-Pétersbourg, Mariinsky, Philharmonia, Birmingham, Rotterdam, ...), la salle Pleyel, quant à elle, accueille cette saison la plupart des grandes phalanges américaines de la côte Est, après Los Angeles et San Francisco voici quelques mois: précédant Pittsburgh et Philadelphie (respectivement dès les 7 et 9 septembre), puis Cleveland (25 et 26 octobre) et New York (6 et 7 février), c’est Chicago qui ouvre le feu (d’artifice) – des «Big Five», il ne manquera par conséquent que Boston, qui, invoquant les incidences de la crise économique, avait renoncé à se déplacer voici deux saisons et dont la dernière visite en France date de quatre ans.


Ouverture en fanfare, rue du Faubourg Saint-Honoré: pas seulement par allusion aux fameux cuivres de la Windy City, mais parce que l’affiche n’a rien à envier à ces prestigieux festivals (Salzbourg, Lucerne) que l’orchestre vient de marquer de sa présence, dans le cadre d’un périple européen qui, du 26 août au 6 septembre, débutant et se concluant en Autriche, en six villes et en dix concerts, passe également par la Suisse, le Luxembourg et l’Allemagne. C’est en outre la seule occasion cette année pour le public de la capitale de pouvoir retrouver Riccardo Muti, directeur musical à Chicago depuis tout juste un an. Alors que la régularité de ses rendez-vous avec l’Orchestre national de France semble s’amenuiser, il a quasiment fait salle comble, avant même que les vacances scolaires ne soient tout à fait terminées: sans faire appel à une star soliste à ses côtés, il peut compter sur sa seule popularité et sur la renommée de son orchestre.


En septembre 2009 sous la direction de Bernard Haitink, «chef principal» qui assurait alors, avec Pierre Boulez, l’intérim entre Daniel Barenboim et Muti, le Symphonique de Chicago s’était arrêté pour deux concerts (voir ici et ici). Cette fois-ci, il ne donne qu’un seul des deux programmes préparés pour cette tournée, hélas le moins original – Paris, contrairement à Salzbourg, Lucerne, Luxembourg, Dresde ou Vienne, ne pourra entendre la rare et pourtant splendide Symphonie en mi bémol de Hindemith.


La soirée commence en revanche par la première française de Danza Petrificada (2010) de Bernard Rands (né en 1934): élève de Dallapiccola et Berio, le compositeur américain d’origine britannique a connu Muti à Florence dès les années 1970, lorsque le chef italien y avait la responsabilité du Mai musical, puis l’a retrouvé lors de son mandat à l’Orchestre de Philadelphie, qui lui confia une résidence (1989-1996). A Chicago, il n’est pas en résidence comme le fut son épouse, Augusta Read Thomas, de 1997 à 2006, mais il n’en a pas moins reçu commande d’une pièce destinée à marquer à la fois le bicentenaire de l’indépendance du Mexique et le centenaire de sa révolution. Créée en mai dernier à Chicago, la pièce, d’une durée d’une peu plus de dix minutes, emprunte son titre à Octavio Paz. Si beaucoup de Nord-Américains, avant lui, se sont intéressés à l’Amérique latine, on n’attendait certes pas que cet ancien de Darmstadt, où il suivit l’enseignement de Boulez et Maderna, se situe dans la descendance de Copland et Bernstein: malgré l’intervention liminaire de percussions typées (güiro, congas, cabasses, ...), la couleur locale reste discrète et, si «danse» il y a, elle est entrecoupée d’épisodes lents ou incantatoires. L’acoustique a rarement paru aussi satisfaisante, comme si les musiciens connaissaient depuis toujours les lieux, mais la musique ne brille pas par son originalité, rythmique, harmonique ou orchestrale.


L’interprétation de Mort et Transfiguration (1888) renseigne davantage sur les qualités d’une des plus grandes phalanges du monde – cohésion, homogénéité instrumentale au plus haut niveau, mise en place impeccable – que sur le poème symphonique de Strauss. Tenant fermement les rênes, Muti bride l’élan, dans une première partie manquant un peu de tension, avant de passer un peu rapidement sur la seconde partie. Le concert n’est pas fini, mais il fait saluer un par un les chefs de pupitres, puis les différentes sections de l’orchestre: initiative inhabituelle, mais pleinement justifiée compte tenu d’une prestation aussi exceptionnelle.


Trois grandes Cinquièmes russes se succèdent en quelques jours salle Pleyel: avant Tchaïkovski le 7 avec l’Orchestre de Pittsburgh et Manfred Honeck, puis Prokofiev le 16 avec l’Orchestre philharmonique de Radio France et Mikko Franck, Muti a en effet choisi celle de Chostakovitch (1937), qui, comme Mort et Transfiguration mais sans doute de façon plus ambiguë, évolue du mineur vers le majeur. Hautaine, plus objective que cherchant à susciter l’émotion, presque précautionneuse, sa direction n’est évidemment pas celle d’un Mravinski ou d’un Gergiev: aseptisée, niant son ascendance mahlérienne, l’œuvre perd ici toute ironie grinçante – même le grotesque et la vulgarité délibérée s’évaporent du deuxième mouvement, qui en devient plein de charme et de distinction – et on ne trouvera pas davantage de mystère à la fin du premier mouvement ou dans la partie centrale du Finale. Toutefois, cette approche qui évite tout sentimentalisme dans le Largo, se défend parmi tant d’autres que peut inspirer (ou tolérer) un grand classique, même si l’Allegro final, respectant l’indication non troppo mais tous cuivres dehors, sonne décidément plus américain que russe, dépeignant un triomphe résolument affirmatif et dépourvu de nuages, plus dans l’esprit des Pins de Rome que dans les affres de l’époque stalinienne.


Mais la performance demeure évidemment de premier ordre, à l’image de cet échange, lors de la réexposition du second thème du Moderato initial, entre la flûte de Mathieu Dufour et le cor de Daniel Gingrich (se substituant à l’inamovible Dale Clevenger, soixante-et-onze ans): c’est donc à bon droit que Muti, salué par un jet de fleurs depuis le parterre, peut faire de nouveau se lever les musiciens, individuellement puis par groupes. Certains spectateurs se lèvent aussi, mais aucun bis ne leur sera offert.


Le site de l’Orchestre symphonique de Chicago
Le site de Bernard Rands



Simon Corley

 

 

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