About us / Contact

The Classical Music Network

Annecy

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Firmaments futurs et midi caucasien

Annecy
Imperial Palace
08/29/2011 -  
Frédéric Chopin : Prélude en ut dièse mineur, opus 45 – 24 Préludes, opus 28

Hyo Joo Lee (piano)
Franz Liszt : Trois Etudes de concert, S 144 – Grande Etude de perfectionnement «Ab Irato», S 143 – Deux Etudes de concert, S 145 – Grandes Etudes de Paganini: «La Campanella» et «La Chasse», S 141 n° 3 et n° 5
Kotaro Fukuma (piano)
Franz Liszt : Sonate en si mineur, S 178 – Méphisto-Valse n° 1, S 514
Khatia Buniatishvili (piano)
Frédéric Chopin : Ballade n° 4 en fa mineur, opus 52 – Andante spianato et Grande Polonaise brillante en mi bémol majeur
Franz Liszt : Soirée de Vienne n° 6, S 427 n° 6 – Rhapsodie hongroise n° 6, S 244 n° 6

Ingolf Wunder (piano)




Quelques semaines après la Mecque d’Anthéron, c’est le festival d’Annecy qui accueille une «Nuit du piano», concert au format élargi. Dans un auditorium vitré face aux rives du lac progressivement enveloppées par les ténèbres, la soirée fait se succéder quatre récitals d’environ trois quarts d’heure, où brille chaque fois un instrumentiste jeune encore mais déjà reconnu, permettant d’apprécier autant de personnalités et de pronostics de gloires de demain.


Hyo Joo Lee ouvre le bal avec un programme exigeant, en hommage à Eliane Richepin, dont Pascal Escande, le président du festival, fut l’élève: les 24 Préludes opus 28, précédés de l’Opus 45 (en ut dièse mineur). Si l’on peut admirer la compréhension cyclique du recueil, dans lequel l’ordonnancement des tonalités suit le cercle des quintes, enchaînant les pièces et livrant ainsi un kaléidoscope en deux parties de la gamme chromatique tempérée, le trac paralyse le lyrisme de la Coréenne, chiche en rubato. L’altération progressive des couleurs et des atmosphères est rendue avec un sens subtil de l’économie dramaturgique, et la sensibilité de l’interprète libère ça et là des élans prometteurs, particulièrement dans la seconde moitié du spicilège, à l’exemple du Quinzième (en bémol, Sostenuto) à la retenue mélancolique idiomatique, ou des abymes presque organistiques du Vingtième (en ut mineur). Le contrechant à la main gauche du Vingt-et-unième (en si bémol) révèle un art de la nuance qui ne demande qu’à se libérer. La mâle sonorité du Yamaha, ferme et vigoureuse, n’assiste guère, reconnaissons-le, la souplesse contrainte de la jeune musicienne.


Kotaro Fukuma, Japonais de vingt-huit ans, arrive avec un flatteur florilège d’Etudes de concert de Liszt. La démonstration technique se mêle à l’inspiration poétique dans les Trois Etudes S 144. Le pianiste nippon dévoile une sincérité et une délicatesse certaines. Les tableaux se juxtaposent en une fresque pastel. La Grande Etude de perfectionnement «Ab irato» se caractérise par une carrure frôlant la rudesse. Intervertissant l’ordre établi par le livret du festival, Fukuma réserve les miroitements de lumière aux Deux Etudes S 145, avant de faire éclater la pyrotechnie de deux des Grandes Etudes de Paganini. Le public est conquis par sa sensibilité, négligeant des accords pas toujours enharmoniques.


L’assistance restaurée au buffet d’entracte de la brasserie de l’hôtel, Khatia Buniatishvili affronte la Sonate en si mineur de Liszt. Vêtue d’une ravissante robe pailletée et de ses vingt-quatre ans, la Géorgienne stupéfait par sa maîtrise et sa maturité. Tandis que ses deux prédécesseurs s’étaient parfois laissé dominer par l’instrument, elle en dompte littéralement les réserves sonores. L’énergie avec laquelle elle attaque la partition présage un instant une hybris excessive. Mais l’intelligence de la Caucasienne permet d’écarter rapidement ces craintes. La modernité de la géniale partition, redistribuant les exigences formelles de la sonate au fil de ce qui s’apparente à un poème symphonique pour piano, n’en ressort que davantage, portée par une fougue pleine de concentration, une finesse dans la distribution des accents et une compréhension de la structure organique de l’œuvre. La Première Méphisto-Valse, transcrite à partie de la fameuse version orchestrale originale, n’atteint pas les mêmes sommets, la virtuosité de cette page à la séduction immédiate n’allant pas chercher les mêmes profondeurs. Douée d’un incontestable goût pour le défi, la géorgienne offre en bis le Quatrième des Préludes de l’Opus 28, aux inflexions nuancées magnifiées par un tempo large, balayant le souvenir de la Coréenne.


Ingolf Wunder est le dernier à se produire devant le monstre de cordes. Le pianiste carinthien séduit dans la Quatrième Ballade de Chopin, à la simplicité tendrement mélancolique, mais se laisse piéger par son sens inné de la construction, désavantagé par la sonorité métallique de l’instrument. La répétition hypnotique de la mélodie confine parfois à la rhétorique. On retrouve avec l’Andante spianato et la Grande Polonaise brillante en mi bémol majeur la même sensibilité presque schubertienne dans le travail délicat de la texture. Wunder se sent naturellement chez lui dans la Sixième des Soirées de Vienne, valses-caprices écrites par Liszt sur des valses de Schubert, et fait contraster robustesse et lyrisme. La Sixième Rhapsodie hongroise de Liszt conclut à minuit le marathon par des rugissements salvateurs.


Le site d’annecy classic festival
Le site de Kotaro Fukuma
Le site de Khatia Buniatishvili
Le site d’Ingolf Wunder



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com