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Quand le langage du corps bafouille…

Strasbourg
Opéra national du Rhin
06/25/2011 -  
Franz Schubert : Lieder
Matthias Goerne (baryton), Alexander Schmalcz (piano)


M. Goerne (© Marco Borggreve)


A ce stade de sa carrière plus personne n’osera faire observer à Matthias Goerne, Liedersänger désormais consacré, que ses façons de se tenir en scène sont pour le moins particulières. Mais gageons que si un élève aussi emprunté suivait encore une masterclass ou un cours de perfectionnement en Musikhochschule on le renverrait prestement prendre des cours de maintien. Car même au cours d’un bref récital de Lieder sa manière de chanter devient vite pénible à regarder.


Attitude voûtée sur une feuille de papier aide-mémoire dissimulée par le couvercle en pente du piano, lecture furtive du texte de chaque strophe avant de l’attaquer, dépliements périodiques du corps en largeur pour balayer brièvement le public du regard et du bras avant de revenir immédiatement se cramponner des deux mains au piano, bizarres poussées verticales sur la colonne d’air, déplacements furtifs des mains qui battent les valeurs de notes quand elles deviennent plus courtes (on croit parfois à l’évocation d’une morne plaine ou des vaguelettes de la mer, mais non, même après vérification, à ce moment là le texte n’a aucun rapport avec ce genre de planéité !)… On en passe beaucoup au cours de cette heure de chant qui paraît s’adresser tantôt à l’accompagnateur, tantôt à une loge de proscénium vide à la droite du chanteur, tantôt à la rambarde du second balcon à sa gauche voire au plafond, mais en tout cas presque jamais à l’auditoire. Timidité ? Trac ? Concentration excessive sur un chant parfait ? Tout cela ensemble sans doute, mais qui mériterait quand même d’urgentes corrections, ce genre d’autisme apparent risquant de dissuader le public de tenter trop souvent l’expérience.


Il faut parvenir à s’abstraire de ce remue-ménage voire fermer les yeux pour retrouver le Matthias Goerne que l’on apprécie tant, celui d’enregistrements discographiques qui se sont révélés très tôt passionnants et qui culminent actuellement dans une très belle série d’enregistrements Schubert en cours de publication par Harmonia Mundi. C’est de ces récitals à caractère thématique que s’inspire le programme de la soirée, succession de Lieder de Schubert pour la plupart peu connus où domine un romantisme sombre à base de solitude, d’étoiles lointaines et de crépuscule. Récital au demeurant difficile et mal construit, manquant de facettes (une ou deux ballades plus narratives auraient pu efficacement soulager la tension), où les partitions que Goerne n’a pas vraiment l’habitude de chanter sont trop majoritaires. Il suffit en effet d’une furtive An Sylvia voire des trois bis plus habituels de fin de soirée (Frühlingslaube, Wandrers Nachtlied II et An die Musik), pour retrouver enfin un interprète plus libre et serein, beaucoup moins tendu.


Reste à souligner les qualités schubertiennes évidentes d’une telle voix, ses rechanges de couleur infiniment variées au sein d’une palette toujours sombre, son art de sculpter un texte en pleine pâte : tout cela persiste, en public comme au disque. Mais en l’état tout incite à profiter plutôt d’un tel talent en conserve, assis confortablement à écouter des disques dans un salon. Quelques mots enfin sur l’accompagnateur : discret, parfaitement attentif, sans rien qui dépasse... Sans doute pas le plus passionnant de ceux qui ont travaillé avec Matthias Goerne ces dernières années.



Laurent Barthel

 

 

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