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Labeaume

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Entre plages et calades

Labeaume
Théâtre de verdure
08/04/2011 -  
Edvard Grieg: Jeg elsker Dig, opus 5 n° 3 – Med en vandlilje, opus 25 n° 4 – En svane, opus 25 n° 2 – Killingsdans, opus 67 n° 6 – I rosentiden, opus 48 n° 5 – En drøm, opus 48 n° 6
Franz Schubert: Impromptus D. 899 n° 1 et n° 4 – Auf dem Wasser zu singen, D. 774 – Du liebst mich nicht, D. 756 – Du bist die Ruh, D. 776 – Gretchen am Spinnrade, D. 118
Claude Debussy: Beau soir – Chansons de Bilitis
Jean Sibelius: Marssnö, opus 36 n° 5 – Men min fågel märks dock icke, opus 36 n° 2 – Flickan kom ifrån sin älsklings möte, opus 37 n° 5 – Se’n har jag ej frågat mera, opus 17 n° 1 – Svarta rosor, opus 36 n° 1

Karen Vourc’h (soprano), Vanessa Wagner (piano)




Labeaume, «village de caractère» demeuré à l’abri de la déprédation commerçante, qui n’a pas envahi ses calades, étroites ruelles pavées de galets suivant des pentes sur lesquelles les véhicules font mieux de ne pas s’aventurer, mais aussi site naturel privilégié, dans les gorges de la Beaume, où les vacanciers aiment à se baigner, a une longue histoire culturelle. Dès le milieu des années 1950 le maire, Charles Isaac-Tourre, en fonctions de 1953 à 2008, a conçu une ambition culturelle pour cette commune de 500 habitants, celle qui, en France, compte le plus de dolmens sur son territoire: ce fut le théâtre (La Mégère apprivoisée), puis la variété (Les Compagnons de la chanson, Marcel Amont, Annie Cordy, ...), qui parvinrent à réunir des milliers de personnes.


Deuxième époque, deuxième personnalité: Philippe Piroud, Rhônalpin qui a eu le coup de cœur pour Labeaume dès les années 1970, même si ce n’est qu’en 1996, toujours avec le soutien du maire, que l’idée d’y refaire de la musique a pris corps, grâce à l’insistance d’Alexandre Lagoya, lui aussi conquis, pour se produire dans la petite église Saint-Pierre-aux-Liens. «Labeaume en musiques» naquit l’année suivante, et Barbara Hendricks, Laurent Korcia, François-René Duchâble, le Fine Arts Quartet ne tardèrent pas à en écrire les riches heures. Rénovée entre-temps, l’église, où sont en outre réalisés les enregistrements (pour Zig-Zag Territoires) de l’ensemble baroque Correspondances, en résidence à Labeaume, continue d’accueillir certains concerts, mais l’un des attraits du festival réside sans conteste dans ses lieux de plein air – la plage de la Turlure, pouvant rassembler 1000 à 2000 personnes face à une scène flottant sur la rivière, ou bien le théâtre de verdure, non loin de là – quand le spectateur n’est pas invité à une «promenade souterraine et musicale» dans les profondeurs de l’aven d’Orgnac, où il rencontre, au détour d’une stalagmite, les sons du trio de percussions Bubar, de l’ensemble de violoncelles Nomos, de Catherine Brisset (au cristal Baschet) et de la soprano Shigeko Hata. Et, durant le reste de l’année, les importantes infrastructures touristiques restant à disposition dans les environs permettent de prolonger le dynamisme estival en organisant notamment des résidences d’artistes.


Photos et documents à l’appui, c’est la belle aventure que narre Labeaume en musiques. Regards sur un festival en territoire rural de Marie-Claude Bernard et André Julliard (Les Editions du Chassel), publié à l’occasion des dix ans du festival. Mais les organisateurs et bénévoles sont déjà tournés vers l’avenir, avec, pour 2012, une grande ambition, qui est aussi celle de toute l’Ardèche méridionale: dans le cadre de la candidature de la grotte Chauvet à l’inscription au «patrimoine mondial de l’UNESCO», la seizième édition s’ouvrira sur «Primo», un spectacle dont, pour la première fois, le festival sera producteur, et qui prendra la forme d’une «ciné-concert» associant musique, dans le registre de l’improvisation et du jazz, et images, projetées sur écran géant, de ces représentations d’animaux datant du paléolithique (31000 ans avant notre ère), découvertes en 1994.


A Labeaume, «Musiques» se décline au pluriel, ce que confirme, du 21 juillet au 24 août, la programmation 2011: aux côtés du «classique» (les sœurs Bizjak, l’Ensemble orchestral contemporain de Daniel Kawka, l’Ensemble Carpe Diem, Chanticleer, ...), les traditions du monde ont également leur place (Amérique latine, Proche-Orient, ...), les deux se mêlant parfois (le tango avec Henri Demarquette et le quintette El Despuès), sans oublier les comédies musicales revues par l’Ensemble Contraste. En fin de journée, les amateurs de plaisirs balnéaires laissent la place aux mélomanes: les parkings se vident donc pour se remplir aussitôt de nouveau. Et c’est au théâtre de verdure, plusieurs centaines de chaises disposées au pied d’une imposante muraille rocheuse, que se déroule un récital intitulé «Ode à la lune»: rien de plus normal, car si l’astre nocturne n’a pas daigné se montrer dans un ciel un peu couvert, le chemin est éclairé par de grands globes lumineux dénommés ici... «lunes de concert».


Karen Vourc’h et Vanessa Wagner concluront bien sûr la soirée sur l’air, extrait de Rusalka (1901) de Dvorák, qui donne son titre à leur programme. Un programme pas nécessairement aisé, au demeurant, autour de la nuit, bien sûr, mais aussi des saisons et des amours déçues: les rangs n’en sont pas moins bien garnis – le seraient-ils davantage dans une salle parisienne? – et la compréhension, à défaut de reproduction des textes (sauf celui de Dvorák) dans les notes de programme, en est facilitée par les explications fournies au fur et à mesure par la soprano française. D’origine norvégienne, elle est l’une des rares à défendre dans notre pays le répertoire scandinave, comme elle l’a récemment fait avec Susan Manoff dans son album «Till Solveig» (Aparté): six mélodies de Grieg – et en bis le premier couplet de la «Chanson de Solveig» tirée de Peer Gynt (1876) – parmi les plus célèbres («Je t’aime», «Un cygne», «Un rêve»), hormis peut-être l’exquise «Danse des chevreaux» avec ses onomatopées sautillantes, et cinq de Sibelius, ici aussi parmi les plus justement renommées («La jeune fille de retour de son rendez-vous», «Roses noires»).


Les bruits de la nature et, au loin, de la civilisation n’épargnent pas les deux musiciennes, mais l’acoustique, certes pas idéale pour toujours préserver le caractère intimiste du récital chant et piano, se révèle toutefois globalement satisfaisante, aidée il est vrai par un panneau enveloppant le son pour le refléter vers l’auditoire, qui profite ainsi dans de bonnes conditions de la voix solide, inspirée, à l’aise sur l’ensemble de la tessiture de Karen Vourc’h. Et si elle s’est prestement débarrassée de ses escarpins, ce n’est pas pour tenter d’imiter Karita Mattila, même si elle vient de donner au festival Messiaen les Quatre Instants que Saariaho a dédiés à la cantatrice finlandaise, mais simplement parce qu’elle s’est blessée la veille en se baignant dans la rivière...


D’eau, justement, il est question dans Auf dem Wasser zu singen (1823), premier d’une série de quatre lieder de Schubert qui, précédée du Premier (en mi bémol) et dernier (en la bémol) des quatre Impromptus de l’Opus 90 (1827), où Vanessa Wagner a le bon goût de ne pas se livrer à une course de vitesse, s’achève sur le fameux Marguerite au rouet (1814). Phrasé soigné – Du bist die Ruh (1823) – et sens dramatique – Du liebst mich nicht (1823), Karen Vourc’h passe avec aisance d’une langue à l’autre – cinq au total! – mais son Debussy est sans doute encore plus saisissant: Beau soir (1891) et, surtout, les trois Chansons de Bilitis (1898), dont le texte magnifié par une diction somptueuse, un style impeccable et une sensualité ravageuse.


Le site de Labeaume en musiques
Le site de Karen Vourc’h
Le site de Vanessa Wagner



Simon Corley

 

 

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