About us / Contact

The Classical Music Network

Salon-de-Provence

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

La vie de château

Salon-de-Provence
Château de l’Emperi
08/02/2011 -  
Paul Hindemith: Sonate pour cor (alto) et piano (+) – Des Todes Tod, opus 23a (~)
Philippe Hersant: Apparitions (*)
David Popper: Rhapsodie hongroise, opus 68 (#)
Vincent Peirani: Untitled Suite (#)
François Salque/Vincent Peirani/Samuel Strouk: Medley sur des thèmes roumains d’après des improvisations de Stéphane Grappelli (#)
Django Reinhardt: Rythme futur (#)
Johannes Brahms: Sextuor à cordes n° 1, opus 18 (&)

Andrea Hill (mezzo)
Bruno Schneider (+) (cor), Daishin Kashimoto (* &), Tamaki Kawakubo (&) (violon), Amihai Grosz (~ &), Christophe Gaugué (~ &) (alto), Tim Park (~ &), Zvi Plesser (~ &), François Salque (* #) (violoncelle), Vincent Peirani (* #) (accordéon), Denis Pascal (+) (piano)




Après une «Saison russe» (2009) et une «Saison viennoise» (2010), Musique à l’Emperi a choisi, pour thématique de sa dix-neuvième édition, une «Saison Mittel Europa». Du 25 juillet au 7 août, au gré de dix concerts donnés dans l’excellente acoustique de la cour Renaissance du château, au pied d’une imposante tour médiévale crénelée, Bartók, Brahms, Chopin, Dvorák, Schönberg et Smetana se partagent donc l’essentiel de l’affiche, mais le festival reste toujours aussi soucieux de sortir des sentiers battus, en s’intéressant par exemple à Korngold, Martinů et Schulhoff. Dans ce panorama de l’Europe centrale, la place importante accordée à Hindemith intrigue toutefois, mais elle est éclairée par un éditorial du président, Jérôme Bloch, placé sous le signe de «L’Harmonie du monde», reprenant le nom de l’opéra du compositeur allemand. Quant à Philippe Hersant, joué à trois reprises, sa culture germanophile ne peut qu’entrer en résonance avec cet univers sous influence allemande.


Depuis 1993, la greffe a tellement bien pris autour des trois fondateurs et directeurs artistiques, le pianiste Eric Le Sage, le clarinettiste Paul Meyer et le flûtiste Emmanuel Pahud, que le programme, en ce mardi soir, peut se passer de leur concours – même si ce n’était pas initialement prévu. Car il est une tradition, à Salon, qui finit par en devenir attachante, ce sont les changements présentés au public en début de concert avec une feinte solennité. De fait, entre un accident ayant frappé Tim Park le jour même à la cheville – qui conduit au report au lendemain du Trio avec piano de Chopin (même si le violoncelliste, moyennant l’aide une béquille, tient quand même sa place en seconde partie) – et une raison non explicitée – qui entraîne l’annulation pure et simple du petit bijou qu’est la Sonate pour flûte et piano de Martinů – les bouleversements ne manquent pas.


Afin de ne pas déséquilibrer des soirées déjà fort longues – pas loin de trois heures, entracte compris – la décision est prise d’avancer d’un jour la Sonate pour cor et piano de Hindemith. Le programme du festival annonce une sonate de 1939 en trois mouvements, mais Bruno Schneider et Denis Pascal interprètent en réalité la Sonate pour cor alto et piano de 1943, en quatre très courts mouvements. Le dernier, intitulé «Le Cor de postillon», est précédé d’un «dialogue», poème successivement lu (en français) par le corniste, représentant des temps anciens, tels «le parfum de fleurs flétries depuis longtemps», et le pianiste, représentant d’une modernité dont «la précipitation, le bruit et la variété» dissimulent «l’immuable, le silence, le sens et la forme», ce que traduisent ensuite la gigue animée de l’un et la mélodie nostalgique de l’autre.


Violon, violoncelle et accordéon: la formation des Apparitions (2006) d’Hersant, présent pour l’occasion, ne manque ni d’originalité, ni de saveur, et fonctionne en outre parfaitement. Ce court triptyque prolonge Le Moine noir, moins par des citations que sous la forme «d’une communauté de climat, d’une apostille onirique à l’opéra qui met en scène les hallucinations d’un jeune philosophe (Andreï) et ses dialogues avec un moine surnaturel». D’excellente facture – comme souvent chez le compositeur, la qualité de l’inspiration compense ce que le langage peut avoir de modérément aventureux – les trois mouvements varient habilement les climats: expressivité et ironie, vélocité grinçante et énigmatique, chant des cordes et marche lancinante.


François Salque et Vincent Peirani reviennent sur scène pour proposer un aperçu – saisissant – de leur collaboration, dont témoigne notamment le disque «Est» paru chez Zig-Zag Territoires (voir ici): côte-à-côte, sans partition, l’entente est infaillible, dès la Rhapsodie hongroise (1894) – et non pas une Fantaisie sur un thème russe, comme indiqué dans le programme – du Tchèque David Popper (1843-1913). On se souvient que le violoncelliste fut notamment l’élève de János Starker, mais on ne sait trop ici s’il en retient l’esprit magyar ou bien la fermeté de l’archet et la tenue stylistique, toujours irréprochables et parfaitement en phase avec son partenaire. Et cela vaut dans tous les répertoires, que ce soit dans un bonus non inscrit au programme – une Untitled Suite «semi improvisée» écrite par l’accordéoniste lui-même, voyageant davantage en Amérique du Sud qu’en Europe centrale – ou dans un réjouissant «medley sur des thèmes roumains d’après des improvisations de Stéphane Grappelli», cosigné avec le guitariste Samuel Strouk, où Salque prend plaisir à imiter le grand violoniste de jazz et à recourir à une gestuelle très étudiée sans pour autant le céder en quoi que ce soit sur la technique et la tenue. Rien de plus normal, dans la cité de Nostradamus, que de conclure sur un Rythme futur de Django Reinhardt, «revisité» avec esprit, mais dont les gammes symétriques (par tons ou par demi-tons sont soigneusement) «futuristes» sont soigneusement préservées. En fin de compte, c’est bien d’une sorte de récital à l’intérieur même du concert qu’il s’agit, puisque le duo Salque-Peirani ne s’en va pas sans avoir offert en bis le célèbre Chant des oiseaux catalan que Casals avait fait sien.


Il n’est pas interdit de penser que le Hindemith des années 1920 était plus stimulant que celui de la maturité: même si certaines œuvres importantes des années 1940 et 1950 échappent à ce constat assez généralement admis, La Mort de la mort (1923) n’en démontre pas moins, après l’entracte, l’intensité lyrique dont était capable, bien avant Mathis le peintre, une personnalité pourtant alors principalement réputée pour son caractère iconoclaste. Et ce d’autant que ce petit cycle sur des poèmes d’Eduard Reinacher (1892-1968), évoquant le dépouillement et la force du dernier Chostakovitch, est crânement défendu par Andrea Hill, une mezzo à la diction parfaite, à l’aise dans l’aigu mais également dotée d’un vrai registre grave. Se produisant pieds nus, la Canadienne est vocalement très exposée par cette écriture lente et méditative, presque a cappella même, lorsque, dans la dernière des trois mélodies, elle dialogue avec l’alto non moins magnifique d’Amihai Grosz, premier solo au Philharmonique de Berlin, leader d’un quatuor associant deux altos et deux violoncelles, aussi inusité qu’admirablement approprié au sujet.


Complétée par Daishin Kashimoto et Tamaki Kawakubo, cette formation devient à la fois plus familière et réconfortante grâce à la chaleur que dispense le Premier Sextuor (1860) de Brahms, un Hambourgeois très Mitteleuropa, même si ce n’est pas la partition qui dénote le plus les influences hongroises que porte sa musique. Les musiciens prennent leur temps dans l’Allegro initial, il est vrai marqué «ma non troppo», mais qui, au demeurant privé de sa reprise, en devient un peu trop statique. En revanche, le fameux Andante, ma moderato à variations est énergiquement empoigné d’emblée par Amihai Grosz et Zvi Plesser. Après un Scherzo robuste et plein d’élan, le Finale revient, quoiqu’à un moindre degré, aux hésitations du premier mouvement.


Le site de Musique à l’Emperi
Le site de Philippe Hersant
Le site d’Andrea Hill
Le site de Bruno Schneider
Le site de Tamaki Kawakubo
Le site de François Salque



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com