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Csilla Boross, une puccinienne d’exception

Montpellier
Opéra
06/05/2011 -  et 8, 10* juin 2011
Giacomo Puccini : Manon Lescaut

Csilla Boross (Manon Lescaut), Enrique Ferrer (Des Grieux), Marc Barrard (Lescaut),
Manrico Signorini (Géronte di Ravoir), Emanuele d’Aguano (Edmondo), Evgueniy Alexiev (L’aubergiste), Franck Bard (Un maître à danser)
Chœur de l’Opéra national de Montpellier Languedoc-Roussillon, Noëlle Geny (direction des chœurs), Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon, Robert Tuohy (direction musicale)
Jean-Paul Scarpitta (conception et mise en scène), Urs Schönebaum (lumières), Jean-Yves Courrègelongue (assistant à la mise en scène), Fabien Teigné (assistant aux décors), Véronique Boisel (assistante aux costumes)


C. Boross (© Marc Ginot/Opéra national de Montpellier)


Après Traviata l’an passé, c’est à nouveau à Jean-Paul Scarpitta – de fraîche date à la tête de l’Opéra et de l’Orchestre national de Montpellier – que revient l’honneur de clore la saison lyrique montpelliéraine en mettant en scène le premier chef d’œuvre de Puccini, Manon Lescaut. Disons-le sans ambages, cette nouvelle production est un vrai succès et a rencontré un accueil enthousiaste – pour ne pas dire délirant – de la part du public.


Le principal artisan de cette réussite en est le chef, un jeune américain nommé Robert Tuohy, un nom à retenir résolument! Son approche de Puccini trouve le parfait équilibre entre une pulsion plutôt rapide, et quelques divins alanguissements qui permettent d’étendre un tapis rutilant sous les mélodies confiées aux voix des solistes. L’exécution du célèbre «Intermezzo», à l’effervescence rythmique et aux textures transparentes, restera indéniablement comme le «clou» de la soirée (avec bien entendu, le sublime air final). Il est enfin à mettre au crédit de ce formidable chef, assistant principal de Lawrence Foster (actuel directeur musical de la phalange languedocienne), d’être particulièrement prévenant envers chacun des chanteurs, qui donnent alors un maximum d’intensité à un chant riche d’éclats voluptueux.


Cette louange s’applique en premier lieu à Csilla Boross qui, dans le rôle de Manon, fait figure de révélation. Après son formidable succès dans le rôle d’Abigaille (Nabucco) à l’Opéra de Rome il y a trois mois – dans une production également signée Scarpitta et dirigée par Riccardo Muti – le metteur en scène a eu la bonne idée de faire à nouveau appel aux incroyables talents vocaux de la soprano hongroise, en remplacement d’Irina Oknina, initialement annoncée. Evitant tout accent pleurnichard, elle délivre de bout en bout un chant d’un superbe raffinement, en dépit de sa voix large et opulente, et d’une admirable sensualité, notamment dans l’air «In quelle trine morbide». Le trouble du duo «Tu, tu amore, tu» et enfin le désespoir déchirant du célébrissime «Sola, perduta, abandonnata» sont tout aussi magnifiquement interprétés, et valent à l’artiste un triomphe personnel au moment des saluts.


Son partenaire masculin, le ténor espagnol Enrique Ferrer (Des Grieux), ne se situe malheureusement pas sur les mêmes hauteurs. Pour commencer, la voix met quelque temps à s’échauffer et à se débarrasser d’un léger vibrato en début de représentation, mais c’est surtout le fâcheux déséquilibre lors des duos des deux amants qui chagrine, l’ampleur de leurs moyens respectifs étant par trop inégale. Certains aigus sont également «limite». Hormis ces bémols, on se doit de reconnaître qu’il possède ce qu’on peut attendre par ailleurs d’un héros puccinien: timbre chaud, lyrisme, musicalité, tout cela allié à un physique des plus avantageux!


Dans le chant fruste de Lescaut, Marc Barrard fait impression, la voix ayant gagné en volume tout en conservant sa belle couleur. Beau succès également pour le Géronte, libidineux à souhait, de Manrico Signorini. Excellent acteur, il exhibe par ailleurs une magnifique voix de basse, sombre et mordante. Les comprimari, Franck Bard en tête, s’acquittent tous fort honorablement de leur partie respective.


Sur le plan scénique, on retrouve l’élégance et la sobriété qui sont la griffe coutumière de Jean-Paul Scarpitta: le premier et le dernier actes nous présentent un plateau nu, plongé dans l’obscurité, où les saisissants éclairages «caravagesques» d’Urs Schönebaum se focalisent, de manière dramatique, sur les deux protagonistes, eux-mêmes tout de noir vêtus. De fait, l’opéra est à peine commencé que l’issue funeste de l’histoire des amants, mais surtout celle de Manon – alter ego de la «dévoyée» verdienne – est déjà annoncée, victime à venir d’une société corrompue dans laquelle l’argent, le cynisme et une morale hypocrite règnent en maîtres.


L’acte II, qui se déroule dans l’hôtel particulier de Géronte, éblouit, quant à lui, par la splendeur des costumes raffinés, des hautes perruques alambiquées et du riche mobilier XVIIIe, qui renvoient de façon explicite aux univers picturaux d’un Watteau ou d’un Fragonard. Enfin, le III offre une des images les plus fortes, émotionnellement parlant, de la mise en scène avec ces douze prostituées – sœurs d’infortune de Manon – qui sortent tour à tour, lentement et dignement, des dessous du plateau, comme si elles montaient à l’échafaud, pour exécuter une ronde triste et douloureuse, tandis que les bourgeois massés autour d’elles, sûrs de leur haute moralité, raillent les infortunées.


En guise de conclusion, signalons que Jean-Paul Scarpitta refermera également la saison 2011-2012 en mettant en scène Le nozze di Figaro, tandis que son Nabucco romain (avec, espérons-le, Mme Csilla Boross en Abigaille) devrait vraisemblablement être repris lors de la saison 2012-2013.



Emmanuel Andrieu

 

 

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