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Dix pianistes pour deux pianos

Paris
Théâtre du Châtelet (Foyer)
06/05/2011 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte, K. 622: Ouverture (transcription Ferruccio Busoni) (1) – Sonate pour piano n° 15, K. 545 (arrangement Edvard Grieg) (2)
Igor Stravinski : Sonate pour deux pianos (3)
Camille Saint-Saëns : Scherzo, opus 87 (4)
Franz Liszt : Totentanz (5)
Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune (6)
Maurice Ravel : La Valse (7)

Xavier Aymonod (6), Michael Cheung (2), Florian Chevallier (6), Matthias Fischer (4, 7), Thierry Goldwaser (1, 5), Wilfried Lingenberg (3, 4), Julien Lombardo (5), Cyril Porra (1, 2), Allicent Ratzlaff (3), Thomas Yu (7) (piano)


T. Goldwaser Emanuele Bastoni)


Si les maîtres, à l’image de Paul Badura-Skoda le premier soir, apportent un éclat supplémentaire au festival Les Amateurs! au Châtelet en concluant chacune de ses cinq journées, il n’aurait quand même pas fallu laisser se terminer cette manifestation sans aller entendre ce qui en fait la spécificité, à savoir quelques-uns des pianistes lauréats de ces concours réservés aux non-professionnels de la musique. Ils ont autour de la trentaine, ils sont directeur de projets, consultant en management, économiste, psychiatre, professeur de latin, importateur d’automobiles, dentiste ou ingénieur, et ils partagent cette passion du clavier que certains s’efforcent même de transmettre par leur activité d’enseignement: pas moins de dix pianistes pour ce troisième concert de la dernière journée! De tels rassemblements se dévergondent parfois en orgies digitales un peu vaines où l’on joue une symphonie de Mahler avec le plus de pianistes sur le plus de pianos possible: rien de tel ici, mais un copieux et passionnant programme de duos, exclusivement à deux pianos (et non à quatre mains). Le public, venu aussi nombreux que pour le récital de l’Autrichien, ne s’y pas trompé: l’exécution est d’une qualité constante et souffre de fort peu de scories ou accrocs, malgré la chaleur accablante régnant au foyer du théâtre, où le Yamaha CFSIIIS et le Bösendorfer ne paraissent acoustiquement pas trop à l’étroit.


Thierry Goldwaser (né en 1975) et Cyril Porra (né en 1972), plutôt qu’une des deux sonates pour deux pianos de Mozart, ont choisi la puissante transcription réalisée par Busoni (1923) de l’Ouverture de La Flûte enchantée (1791), qui précède une curiosité: la plus connue des adaptations par Grieg (1877) de cinq œuvres pour piano seul de Mozart, celle de la Quinzième Sonate (1788), dite «facile». Au premier piano, Cyril Porra joue l’original mozartien, tandis qu’au second piano, c’est au Canadien Michael Cheung que reviennent les contre-sujets, enrichissements harmoniques et autres surprises rythmiques – les syncopes du Finale! – conçus par le Norvégien, qui, non sans humour voire perversité, nous transporte ainsi un siècle plus tard.


Seule femme parmi les dix musiciens, la Franco-Américaine Allicent Ratzlaff (née en 1975) s’associe à l’Allemand Wilfried Lingenberg (né en 1969) pour la rare Sonate (1944) de Stravinski, dont on entend plus souvent le Concerto. Moins ambitieuse et développée, mais non moins redoutable, notamment dans certaines des variations centrales, la partition fut créée par Richard Johnson et Nadia Boulanger, qui devait ensuite l’interpréter à plusieurs reprises avec le compositeur. Evoquant tour à tour Satie, Poulenc ou Prokofiev, elle cultive davantage la froideur et la distance que l’ironie, dernier avatar d’un style, celui d’Apollon musagète et de Perséphone, auquel il s’apprêtait à renoncer.


Passant au premier piano, Wilfried Lingenberg, avec l’aide de la traduction simultanée du directeur artistique du festival, Julien Kurtz, présente avec humour (en anglais) une pièce inattendue de Saint-Saëns, qu’il donne avec son compatriote Matthias Fischer (né en 1973): bizarre et composite Scherzo (1889), au langage assez avancé pour son époque (gammes par tons de l’introduction, chromatisme exacerbé de la coda), faisant aussi penser à Liszt. Virevoltante, virtuose et drôle, cette sorte de petite Méphisto-Valse formée de multiples épisodes de caractère très versatile, laissant même place à une fugace espagnolade – peut-être parce qu’elle fut écrite à Cadix – remporte un beau succès.


C’est une Danse macabre qui suit, non pas celle de Saint-Saëns mais celle de Liszt (qui devait d’ailleurs publier un arrangement de celle de son ami français): à quelques heures d’intervalle, on aura ainsi pu en découvrir deux rares versions à Paris – celle pour piano seul la veille à l’Institut hongrois grâce à Maciej Pikulski, et, maintenant, celle, également signée de Liszt lui-même, où le second piano, sous les doigts Julien Lombardo (né en 1980), se voit confier la réduction de l’orchestre, le premier piano reprenant donc l’intégralité de la partie soliste de la version concertante. La température monte encore de quelques degrés, car les spectateurs sont bluffés à juste titre par Thierry Goldwaser: pour ce qui est strictement comparable entre ces deux versions (en particulier la quatrième variation, le fugato et les cadences), il n’a en effet rien à envier, tant s’en faut, au Polonais.


Ce n’est pas faire injure à Florian Chevallier (né en 1980) et à Xavier Aymonod (né en 1977), dont la prestation n’est pas en cause, que d’estimer que le Prélude à l’après-midi d’un faune (1894), même transcrit par Debussy lui-même, a, plus que d’autres pages, à perdre d’être privé de la magie de ses timbres instrumentaux. C’est également à Ravel lui-même qu’on doit la version pour deux pianos de La Valse (1920), puisque ce fut l’état à partir duquel il procéda à l’orchestration de son «poème chorégraphique»: conjuguant souplesse et énergie, le Canadien Thomas Yu et Matthias Fischer prolongent jusqu’au bout l’excellente impression suscitée par ce concert.


Le festival étant «itinérant» et bisannuel, la prochaine édition aura lieu dès l’automne prochain à Budapest, mais il sera ensuite de retour à Paris du 6 au 10 juin 2012.


Le site de Florian Chevallier
Le site d’Allicent Ratzlaff
Le site de Thomas Yu



Simon Corley

 

 

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