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Un Foscari plutôt que deux

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/19/2011 -  et 21 mai 2011
Giuseppe Verdi : I due Foscari
Anthony Michaels-Moore (Le Doge Francesco Foscari), Ramón Vargas (Jacopo Foscari), Manon Feubel (Lucrezia Contarini), Marco Spotti (Jacopo Loredano), Ramtin Ghazavi (Barbarigo, un serviteur du Conseil), Paola Munari (Pisana), Robert Jezierski (le Serviteur du Doge)
Chœur de Radio France, Orchestre national de France, Daniele Callegari (direction)


D. Callegari


On a beau innocenter le fils : son départ pour l’exil le tue. Contraint à l’abdication par l’acharnement de ses adversaires, le père l’a inutilement sacrifié à la loi de Venise. Le Doge déchu en meurt, laissant sa belle-fille à son chagrin solitaire. Le drame de Byron avait tout pour plaire à Verdi, une dizaine d’années avant Simon Boccanegra. Peu donné, cet opéra en trois actes créé en 1844 suit encore le chemin de Donizetti, avec un sens du théâtre, une caractérisation des personnages, des finales annonçant les chefs-d’œuvre futurs. Sans compter au nombre des plus grands Verdi, il tient assez le coup pour légitimer une version de concert. Daniele Callegari, il est vrai, le prend à bras-le-corps, restituant toute la flamboyance du Verdi du Risorgimento, essayant d’entraîner l’Orchestre national – et le chœur, pas moins vaillant - sur des chemins qu’ils ne fréquentent guère. Fougueuse et colorée, la direction privilégie les teintes sombres pour cette tragédie du pouvoir et de la paternité, quitte à sacrifier parfois à un romantisme passionné la finesse des phrasés. Le chef tire-t-il trop cette partition de jeunesse vers le grand opéra, vers les grandes fresques que Verdi composera plus tard ? C’est ainsi, en tout cas, qu’il en fait du théâtre, et qu’il tient en haleine, pendant deux heures, un public enchanté.


Il y pourtant à redire. Anthony Michaels-Moore, qui a de beaux accents d’autorité brisée, en particulier au moment de la déchéance du doge, succombe à son défaut de toujours : une émission engorgée le poussant à passer progressivement en force et raidissant ses phrasés. On est loin du vrai baryton Verdi, à la fois souple et conquérant. La souplesse, l’aisance, la lumière du timbre, l’élégance de la ligne, c’est chez le Jacopo de Ramón Vargas qu’on les trouve, même si le bas médium et le grave peuvent paraître parfois un rien timides dans un rôle finalement peu aigu. A l’orée du premier acte, le « Dal miu remoto esiglio » donne d’emblée le ton de l’ouvrage, avant une cabalette brillamment maîtrisée. Les cabalettes, en revanche, ne constituent pas le fort d’une Manon Feubel très inégale en Lucrezia malgré de beaux aigus piano – compensant ceux qu’elle chante trop bas. Le timbre a perdu de sa rondeur, les registres de leur homogénéité et l’on sent la soprano québécoise davantage destinée à des Verdi ultérieurs, comme Aida, qui n’exigent plus cette agilité héritée du bel canto : lorsque le rôle devient plus dramatique, son tempérament sauve heureusement la mise, alors que l’air d’entrée frisait la catastrophe. Si ces Deux Foscari reposent essentiellement sur le trio familial, on n’en a pas moins remarqué le Loredano de Marco Spotti, d’une noirceur glaçante : sous ce haineux percent déjà Procida ou le Grand Inquisiteur.



Didier van Moere

 

 

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