About us / Contact

The Classical Music Network

Geneva

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Après l'orage

Geneva
Grand Théâtre
05/04/2011 -  et 7, 10, 13, 16*, 19 mai 2011
Giuseppe Verdi: Les Vêpres siciliennes
Malin Byström (Hélène), Fernando Portari (Henri), Tassis Christoyannis (Guy de Montfort), Balint Szabo (Jean Procida), Sami Luttinen/Jérémie Brocard* (Le Sire de Béthune), Christoph Fel (Le Comte de Vaudémont), Clémence Tilquin (Ninetta), Fabrice Farina (Danieli), Hubert Francis (Thibault), Guillaume Antoine (Robert), Vladimir Iliev (Mainfroid), Ballet: Isabelle Bonillo (Barbara Nota), Adam Ster (Henri Nota, son fils), Richard Gittins (Frédéric d'Autriche), Katharina Wunderlich (Hélène d'Autriche, sa sœur), Samon Presland (Le jeune Montfort)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (chef de chant), Orchestre de la Suisse Romande, Yves Abel (direction musicale)
Christof Loy (mise en scène), Yvonne Gebauer (dramaturgie), Johannes Leiacker (décors), Ursula Renzenbrink (costumes), Thomas Wilhelm (chorégraphie), Bernd Purkrabek (lumières), Evita Galanou et Thomas Wollengerger (vidéos)


(© GTG/Monika Rittershaus)


La version française des Vêpres siciliennes – rarement montée – devait constituer l'un des temps forts de la saison du Grand Théâtre de Genève, voire un événement de la saison lyrique européenne. Las, le spectacle a reçu un accueil houleux le soir de la première, déclenchant un tollé d'une ampleur rarement atteinte dans la cité de Calvin, réputée plutôt pour son caractère paisible. Pour une fois réunis, public et critique se sont déchaînés contre la mise en scène et, dans une moindre mesure, contre la distribution vocale. Pourtant, une fois l'orage passé, cette production venant tout droit d'Amsterdam s'est révélée, dans ses dernières représentations, plus intéressante et subtile que ce qui en avait été rapporté jusqu'ici, comme si les artistes s'étaient libérés d'une pression qu'on imagine avoir dû être énorme.


Christof Loy est le metteur en scène fétiche de Tobias Richter, comme Olivier Py avait été celui de son prédécesseur, Jean-Marie Blanchard. On peut aimer ou non son esthétique souvent grise et austère, avec comme éléments de décors récurrents des enfilades de chaises dans des hangars vides et froids, comme ce fut le cas ici et comme ce fut déjà le cas auparavant pour une Donna del Lago encore plus controversée (lire ici). On peut aimer ou non sa façon parfois brutale de s'approprier les ouvrages qu'il met en scène, n'hésitant pas, pour Les Vêpres, à déplacer l'Ouverture ou à prendre des libertés avec le livret (Procida est tué à la fin du IVe acte). A l'heure cependant où tant de metteurs en scène se contentent de n'assurer que le service minimum, c'est-à-dire de régler les entrées et les sorties des chanteurs et des choristes, force est de reconnaître que Christof Loy ne manque pas d'idées, certaines lourdes ou ridicules, d'autres intéressantes, si ce n'est captivantes. La notion maîtresse qui sous-tend ces Vêpres siciliennes est qu'un occupant en vaut un autre en termes d'oppression et de cruauté. Hélène est ici autrichienne, appartenant de ce fait à une autre puissance occupante. Au lever de rideau, les Français regardent des vidéos de Paris sous l'Occupation, dans ce qui apparaît comme une habile inversion des rôles. Et durant le ballet, Montfort revêt la cape à la fleur de lys des rois de France, tandis qu'Hélène s'amuse en se grimant en Hitler, autant de façons de rappeler que personne ni aucune époque n'a le monopole de la violence et de la terreur.


La distribution est largement dominée par le Montfort racé de Tassis Christoyannis, dont la prestance scénique ne le cède en rien à l'élégance de la ligne vocale et à la maîtrise des nuances. Malin Byström vient à bout avec les honneurs de la tessiture meurtrière d'Hélène: les aigus sont vaillants, certes le médium et le grave moins flamboyants, mais les vocalises sont affrontées avec aplomb. Le désir de vengeance semble être le seul moteur de son personnage, quitte à composer un être unidimensionnel, qui semble faire peu de cas d'Henri. Et pour cause: dans ses attitudes et ses mouvements, Fernando Portari est une caricature de ténor, fâché de surcroît avec le français. Dommage, car ses indéniables qualités vocales (notamment des aigus bien assurés) passent au second plan. Sans démériter, Balint Szabo campe un Procida un peu terne, tant scéniquement que vocalement. Dans la fosse, Yves Abel peine à rendre les élans et la fougue qui caractérisent la partition. Le véritable triomphateur de la soirée a été le chœur, splendide d'engagement et de raffinement vocal. On l'aura compris, cette production ne contribuera pas à installer durablement Les Vêpres siciliennes au répertoire des théâtres lyriques, mais elle aura au moins eu le mérite de proposer un regard fort et pas du tout inintéressant sur cette œuvre si rarement à l'affiche.



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com