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Second degré

Lille
Opéra
05/07/2011 -  et 10, 12, 15*, 18, 21, 24, 27 mai 2011
Giuseppe Verdi : Macbeth
Dimitris Tiliakos (Macbeth), Susan Maclean (Lady Macbeth), Dimitry Ivashchenko (Banco), David Lomeli (Macduff), Bruno Ribeiro (Malcolm), Miriam Murphy, Julie Pasturaud (Suivantes de Lady Macbeth), Patrick Schramm (Médecin, Serviteur, Héraut), Vincent Vantyghem (Un assassin), Jérôme Savelon, Irène Candelier, Isabelle Rozier (Apparitions), Diego Ruiz Marmolejo (Duncan), Luke Owen (Fléance), Claudine Gamand (Hécate)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef du chœur), Orchestre national de Lille, Roberto Rizzi Brignoli (direction)
Richard Jones (mise en scène), Geof Dolton (reprise de la mise en scène), Ultz (scénographie, costumes), Wolfgang Göbbel (lumières), Paul Hastie (reprise des lumières), Linda Dobell (chorégraphie), Anjali Mehra (reprise de la chorégraphie)


(© Frédéric Iovino)


Pour le dernier spectacle de sa saison, l’Opéra de Lille importe du Festival de Glyndebourne le Macbeth de Verdi imaginé par Richard Jones. Geof Dolton reprend la mise en scène, représentée en 2007, Paul Hastie les lumières conçues par Wolfgang Göbbel et Anjali Mehra la chorégraphie réglée par feu Linda Dobell. La production, qui conserve donc le ballet, recourt bien sûr à la version révisée de 1865 tout en conservant la conclusion de celle, originale, de 1847. Macbeth ne meurt pas sous les coups de Macduff mais sous ceux des guerriers écossais qui brandissent leur hache dans sa direction au moment où se ferme le rideau. Une image effroyable ? Pas vraiment puisque Richard Jones cultive le second degré en imposant une distance ironique, évidente dans les deux premiers actes, plus réduite dans le troisième et, surtout, le quatrième dont le propos s’accommode de toute façon moins de cette approche. Dans un esprit de bande dessinée, la scénographie d’Ultz (sic – il est connu sous ce seul nom qui lui aurait été suggéré par un rêve), qui signe également les costumes, représente un Moyen-Age imaginaire mais anachronique (couronne de Duncan trop imposante pour lui, Macbeth et Banco portant un sac à dos lors de leur rencontre avec les sorcières) qui convient fort bien à l’option retenue : trois caravanes en guise d’habitat pour les sorcières, de toute évidence des gens du voyage, une cour de château comportant une cabane en bois dans laquelle le roi sera assassiné, ou encore une cave, lieu du meurtre de Banco et de suicide par étouffement de Lady Macbeth.


Alors que l’ouvrage comporte singulièrement peu de substance comique, le public s’amuse grâce à l’humour british que parvient à distiller le metteur en scène, décalage que symbolise cet immense smiley qui apparaît à un moment sur le rideau de scène. A elle seule, l’entrée ridiculement solennelle du roi est représentative de ce traitement, de même que le ballet, malheureusement animé de façon peu inspirée, auquel participent des danseurs costumés en squelette, en momie et en loup. Avouons-le : imaginer en guise de spectre de Banco une boîte en carton se déplaçant toute seule ne peut surgir que d’un esprit fertile mais si les idées ne viennent pas à manquer, celles-ci auraient gagné à être plus équitablement réparties. Cependant, que reste-t-il de ce spectacle à part ces trouvailles plus ou moins heureuses ? A vrai dire, peu de choses pour conférer à cette tragédie sa juste dimension. En guise d’exemple, la lecture de Krzysztof Warlikowski, qui avait stupéfié le public de la Monnaie il y a un an, possédait autrement plus d’impact et d’épaisseur. Impossible, en tout cas, de ne pas relever l’emploi systématique du tartan, ce tissu avec lequel les kilts sont confectionnés : utilisé en guise de tapis roulant lors de l’arrivée de Duncan, il va jusqu’à recouvrir le dossier des chaises. Richard Jones a-t-il des comptes à régler avec l’Ecosse ?


Sans susciter un fol enthousiasme, la distribution affiche une bonne moyenne. Dimitris Tiliakos (Macbeth) et Susan Maclean (Lady Macbeth) n’éveillent ni compassion, ni effroi, ni haine, à moins que cette neutralité soit imputable à la direction d’acteur à laquelle ils doivent se plier. Le premier, bien que manquant sans doute un peu de relief, soigne honorablement sa ligne vocale, tandis que sa partenaire, qui possède sans conteste la voix et le timbre adéquats, évite de peu de trébucher sérieusement. La mezzo-soprano américaine se montre inspirée dans la scène de somnambulisme, ici plus vraisemblablement de folie douce, durant laquelle elle enfile des gants en plastique qu’elle retire lentement pour les jeter ensuite dans un lave-linge, dans un incessant va-et-vient. Sans surprise, Dimitry Ivashchenko apporte à Banco profondeur et noblesse alors que David Lomeli incarne Macduff avec plus de sensibilité que de dignité – peut-être n’est-il pas nécessaire d’accentuer à ce point « O figli, o figli miei ». Idée marquante que cette séance d’identification des corps de ses proches, recouverts d’un drap blanc. Le Chœur de l’Opéra de Lille, rigoureusement préparé par Yves Parmentier, réalise une prestation constante et d’une belle finition, deux qualités à porter également à l’actif de l’Orchestre national de Lille. Roberto Rizzi Brignoli, qui a de toute évidence beaucoup appris aux côtés de Riccardo Muti dont il fut l’assistant à la Scala de Milan, confère à cette partition décidément inventive la tension, la densité et la noirceur nécessaires. Caroline Sonrier, directrice de l’Opéra de Lille, peut lui confier sans scrupule un prochain Verdi.



Sébastien Foucart

 

 

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