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Deux sœurs

Bruxelles
La Monnaie
05/03/2011 -  et 4, 5, 6, 8*, 10, 11 mai (Bruxelles), 9, 10 juin (Luxembourg) 2011
Toshio Hosokawa : Matsukaze (création)
Barbara Hannigan (Matsukaze), Charlotte Hellekant (Murasame), Frode Olsen (Mönch), Kai-Uwe Fahnert (Fischer), Sasha Waltz & Guests (danse)
Vocalconsort Berlin, Orchestre de chambre de la Monnaie, Pablo Heras-Casado (direction)
Sasha Waltz (mise en scène, chorégraphie), Pia Maier-Schriever, Chiharu Shiota (décors), Christine Birkle (costumes), Martin Hauk (lumières)




Après la reprise de Hanjo en avril, la Monnaie crée ce mois-ci Matsukaze de Toshio Hosokawa (né en 1955). Ces opéras présentent bon nombre d’analogies : acte unique, le précédent en six scènes, celui-ci en cinq, durée identique (approximativement une heure et vingt minutes), nombre réduit de chanteurs solistes (respectivement trois et quatre), partition d’orchestre confiée à une formation de chambre, livret tiré d’ouvrages éponymes japonais (Mishima, Zeami). La mise en scène est dans les deux cas conçue par une chorégraphe. Si elles respectent toutes deux l’esprit du nô, perçu sous un angle contemporain, l’approche de Sasha Waltz dans Matsukaze diffère de celle d’Anne Teresa De Keersmaeker dans Hanjo en ce sens que la première s’exprime davantage au travers de la chorégraphie que la seconde, au point que le spectateur peut avoir l’impression d’assister davantage à un spectacle de danse contemporaine qu’à une représentation d’opéra. Les danseurs de la compagnie Sasha Waltz & Guests focalisent l’attention, parfois au détriment des chanteurs, mais leurs déplacements et leur gestuelle, qui reposent sur une recherche pénétrante, épousent si intimement la musique, et avec une telle fluidité, que cette alchimie, visuellement stupéfiante, procure un rare sentiment de beauté.


Le travail de la chorégraphe apporte un contrepoint évocateur et symbolique à l’argument, mais mesurer la finesse de l’interprétation requiert certes une sensibilité au langage de la danse moderne mais aussi une compréhension de la philosophie japonaise – à ce titre, la lecture dans le programme de l’entretien mené avec Sasha Waltz et le compositeur offre un éclairage utile, sinon nécessaire. Le livret, rédigé en allemand par Hannah Dübgen, s’inspire étroitement d’une pièce de théâtre de Zeami (1363-1443) et comporte, sans surprise, singulièrement peu d’action. Deux sœurs physiquement semblables mais à la personnalité complémentaire, Matsukaze (« Vent dans les pins ») et Murasame (« Pluie d’automne »), récoltent le sel de la mer. Elles meurent de tristesse en apprenant la mort de l’homme qu’elles aiment mais leur esprit subsiste. Sous cette forme, elles offrent l’hospitalité à un moine qui se montre sensible à leur histoire. Les préoccupations qui transparaissent du propos – amour, nostalgie, beauté éphémère de la vie, lien avec la nature – trouvent une traduction idéale dans le dispositif scénique imaginé par Chiharu Shiota et Pia Maier-Schriever : une sorte d’immense toile d’araignée dense et constituée de fils de laine noire puis, dans la seconde moitié du spectacle, une structure en bois qui représente manifestement le grenier à sel. Laissons le soin aux futurs spectateurs d’admirer la façon à la fois simple et ingénieuse avec laquelle l’équipe réunie pour cette production représente la pluie, le vent ou encore le pin sous lequel sont enterrées les sœurs.



(© Bernd Uhlig)


Au même titre que la calligraphie, la nature constitue une source d’inspiration pour Toshio Hosokawa qui en intègre les bruits dans sa musique, notamment ici l’écoulement de l’eau, une pratique déjà relevée dans Hanjo. Dirigé cette fois par Pablo Heras-Casado, qui effectue à cette occasion ses débuts dans ce théâtre, l’Orchestre de chambre de la Monnaie défend remarquablement une partition véritablement magnifique et dont la décantation, associée à une maîtrise incontestable des possibilités instrumentales, traduit une immense maturité. Les danseurs, sans cesse sollicités, méritent les plus vifs éloges tandis que la distribution vocale se distingue sur bien des points, surtout Barbara Hannigan et Charlotte Hellekant, formidables dans le rôle respectivement de Matsukaze et Murasame, puisqu’aux qualités de chant se joint une réelle aisance pour les mouvements chorégraphiques qu’elles effectuent, même étant suspendues, sans effort apparent. Huit chanteurs du Vocalconsort Berlin se chargent, tantôt sur scène, tantôt dans la fosse, de la partie chorale. Quant à Hanjo et Matsukaze, qui forment un véritable diptyque, il serait intéressant de les représenter lors d’une même soirée, leur durée le permettant aisément.


Le site de la compagnie Sasha Waltz & Guests



Sébastien Foucart

 

 

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