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En Finlande via Rotterdam

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/13/2011 -  et 15 avril 2011 (Rotterdam)
Béla Bartók : Táncsvit, sz. 77
Kaija Saariaho : Quatre instants
Jean Sibelius : Luonnotar, opus 70 – Symphonie n° 4, opus 63

Karita Mattila (soprano)
Rotterdams Philharmonisch Orkest, Jukka-Pekka Saraste (direction)


J.-P. Saraste (© Bo Mathisen)


«Résident» avenue Montaigne depuis cette saison, l’Orchestre philharmonique de Rotterdam s’y est déjà produit deux fois en septembre dernier avec son directeur musical, Yannick Nézet-Séguin, successeur en 2008 de Valery Gergiev, devenu quant à lui «chef honoraire» (voir ici et ici). Pour son troisième et dernier concert, il se présente avec Jukka-Pekka Saraste, directeur musical, depuis 2006 (et jusqu’en 2013), du Philharmonique d’Oslo et chef principal, depuis cette année, non pas, comme fâcheusement indiqué dans le programme de salle, du Symphonique de la Radio bavaroise (dont Mariss Jansons demeure bel et bien le patron) mais ce lui de la Radio de l’ouest de l’Allemagne (WDR, Cologne), où il a pris la suite de Semyon Bychkov. Aussi exigeant que passionnant, le programme, en cette première semaine de vacances scolaires, a plus que décemment rempli le Théâtre des Champs-Elysées.


Sous la baguette du chef finlandais, la Suite de danses (1923) de Bartók offre une entrée en matière rugueuse et anguleuse, sauvage et rythmée comme le Stravinski des Noces... ou, déjà, Le Mandarin merveilleux. Tout le contraire de l’orchestre capiteux et luxuriant, quoique d’effectif relativement modeste, dont Kaija Saariaho enveloppe la voix de Karita Mattila: pour sa précédente visite en ce lieu, voici tout juste deux ans, elle avait fait salle comble, pourtant également en période de vacances scolaires, grâce aux Quatre derniers lieder de Strauss. Elle n’a donc pas choisi cette fois-ci la facilité en reprenant Quatre instants (2003), premier témoignage d’une collaboration qui s’est prolongée avec Mirage (en duo avec le violoncelliste Anssi Karttunen) et Emilie, dont elle a donné la première en mars 2010 à Lyon. Amin Maalouf, librettiste de Saariaho aussi bien pour ses opéras L’Amour de loin, Adriana Mater et Emilie que pour son oratorio La Passion de Simone, «a donné une consistance poétique» au projet du compositeur, qui a conçu «comme un archétype de la femme amoureuse». Il faut croire le commentaire de Pierre Gervasoni sur parole, puisque si elle chante par cœur et avec cœur durant ces vingt-trois minutes, la soprano finlandaise est à peine intelligible et que le programme de salle ne fournit que le titre des poèmes. Celui des deux derniers («Parfum de l’instant», «Résonances») aurait tout aussi bien pu inspirer Dutilleux, qui achevait d’ailleurs au même moment son cycle Correspondances pour un autre monstre sacré, Renée Fleming.


Que d’immenses cantatrices qui pourraient se contenter de l’ordinaire mozartien, verdien, wagnérien ou straussien suscitent des commandes et mettent leur talent ainsi que leur notoriété au service de la musique de notre temps, voilà qui est réconfortant. Dès son entrée en scène, Mattila déploie son charisme coutumier: longue robe noire et léger manteau de voile vieux rose, elle claque la bise à premier violon, tout éberlué, et, assortie dec force gestes mélodramatiques, sa prestation évoque davantage La Voix humaine que L’Amour et la vie d’une femme, comme jouant quatre monologues d’un opéra imaginaire. Mais elle n’a pas que du tempérament et séduit toujours par ses qualités vocales – puissance intacte, timbre chaud et malléable – ou même par son habileté à gérer de petites faiblesses. Présente pour l’occasion, Saariaho vient féliciter ses deux compatriotes, qui avaient créé l’œuvre huit ans plus tôt. Après l’entracte, c’est en quelque sorte un bis, avec Luonnotar (1913) de Sibelius: dans ce morceau de bravoure, la façon que Mattila a de dramatiser le propos confirme que wagnérisme et mythologie nordique font décidément bon ménage, mais le Tranquillo assai final n’en exerce pas moins son pouvoir envoûtant. Nul doute que le public de Pleyel sera au rendez-vous pour son récital le 24 septembre prochain.


Les Finlandais ont décidément apposé leur marque sur l’essentiel de cette soirée, qui se conclut sur la Quatrième Symphonie (1911) de Sibelius: plus audacieuse que les deux premières, dépourvue de la dimension «nationale» des Troisième et Cinquième, la plus étrange des sept sinon la plus sombre (Première) ou la plus elliptique (Sixième), elle demeure sans doute la plus importante avec l’ultime Septième. Bien que dédiée au peintre réaliste Eero Järnefelt (1863-1937), elle tend vers l’abstraction et l’atonalité: une «noix dure à casser», comme le disait Bruno Walter à propos de la Sixième de Mahler, également en la mineur. Exactement un siècle plus tard, sa modernité étonne encore, même si elle dut attendre pour prétendre au statut acquis par les chefs-d’œuvre contemporains de Debussy, de Stravinski et de la seconde Ecole de Vienne. Mais Saraste tend à minorer cette dimension, faisant gronder les cordes graves et bassons alors que les applaudissements saluant son retour sont à peine éteints: une manière de saisir l’auditeur qui se retrouve aussi dans son parti pris consistant à enchaîner attaca les mouvements deux à deux. Servie par un orchestre qui se surpasse sans être pour autant parfait, cette approche d’une grande intensité bénéficie peut-être le plus au Largo, qui prend ici un tour inhabituellement élégiaque.


Le Philharmonique de Rotterdam reviendra la saison prochaine à deux reprises sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, les 22 janvier et 3 juin 2012, avec respectivement Anna Caterina Antonacci dans Ravel et Nicholas Angelich dans Brahms.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam
Le site de Kaija Saariaho



Simon Corley

 

 

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