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Reprise réussie de Britten à Lyon

Lyon
Opéra National de Lyon
04/19/1998 -  et 21, 23, 25, 28 et 30 avril 1998
Benjamin Britten : A Midsummer Night’s Dream, opus 64
Gérard Lesne (Obéron), Natalie Dessay (Titania), Emil Wolk (Puck), Maris-Belle Sandis (Hermia), Maryline Fallot (Helena), Etienne Lescroart (Lysandre), Laurent Alvaro (Demetrius), Laurent Naouri (Bottom), Jean-Marie Frémaut (Quince), Jean Delescluse (Flute), Gérard Théruel (Starveling), Marc Duguay (Snout), Frédéric Caton (Snug), Jérôme Varnier (Thésée), Pomone Epoméo (Hyppolita)
Maîtrise et Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Steuart Bedford (direction)
Robert Carsen (mise en scène), Michaël Levine (décors et costumes), Katryn White (chorégraphie), Davy Cunningham (éclairages)


Cette magie shakespearienne qu’est le Songe fut créée le 11 juin 1960 à l’Aldeburgh Festival, sous la direction du compositeur lui-même. La production d’Aix-en-Provence est reprise, à Lyon, pour la troisième fois, avec un bonheur égal aux précédentes années. Si certaines nouvelles voix de cette distribution peuvent paraître moins éclatantes, l’énergie la plus importante - l’énergie théâtrale déployée par les groupes de personnages - est toujours présente et capte le spectateur, ou le rêveur plutôt. Car l’opéra se représente lui-même comme rêve - ce pourrait être une nouvelle définition du genre. Si le principal sujet est banal (l’éternelle dispute entre les êtres) tout se résout par des moyens surnaturels, et les êtres sont moins humains qu’on ne le pense : il s’agit d’Obéron, roi des fées, de l’incroyable Puck, esprit malicieux ou maléfique, d’elfes, et tous débordent l’opéra pour un monde onirique et nocturne qui trouve son lieu géographique et rhétorique dans le forêt, monde parallèle où se découpe avec plus de nuances les passions qui agitent sylphes, artisans comédiens ou Athéniens. Monde parallèle qui participe à la pluralité des mondes au sens de Kripke : il y a une liaison possible entre eux. La multiplicité est présente chez Bottom qui désire jouer tous les personnages - il jouera aussi celui de l’âne. Elle est également présente quand au rôle des personnages, à leurs envoûtements, leurs métamorphoses, leurs rêves, leurs travestissements, leurs illusions. On trouve dans ces intrigues croisées, l’image perverse de la séduction : l’amant ou l’amante sont ivres d’amour par l’intermédiaire d’une plante magique. De même, par une étrange symétrie avec Diane et Actéon, Obéron se venge de Titania en lui faisant aimer un être bestial.


Si Britten a écrit pour de grandes voix, dont Kathleen Ferrier, Dietrich Fischer-Diskau, Peter Pears ou Janet Baker, on retrouve dans cet opéra deux autres inspirations : la voix de coutertenor (il inspiré par Alfred Deller) et celle des enfants (The Little Sweep, A Ceremony of Carols, Spring Symphony, des rôles dans Turn of the Screw et War Requiem), très adaptées pour évoquer les résonances communes du sommeil, du songe et de la poésie. Natalie Dessay est bien sûr enthousiasmante et remporte l’adhésion immédiate, de même que l’incroyable Puck d’Emil Wolk. Si le charme de la langue anglaise est perdu avec cette version française, on gagne une spontanéité dans la participation à la comédie. En effet, la musique de Britten guide ici l’auditeur et le convie au cœur du théâtre par l’intermédiaire de sept ritournelles servant de repères (aussi bien mélodiques qu’instrumentaux, avec un clavecin, deux harpes, un célesta, un xylophone et un glockenspiel), la passacaille participant à créer l’illusion du sommeil en musique. Steuart Bedford déroule en connaisseur, et avec une grande sûreté, la toile orchestrale tout au long des différents moments de cette incroyable partition qui se meut de fable ésopique (Bottom en âne) en dialogue lucianesque (musique de cirque, de music-hall), et en éloge paradoxal (la pièce Pyrame et Thisbé représentée devant Thésée, ses passages parodiant le grand opéra du XIXème siècle). On pourrait voir ici un écho au masque de Purcell Fairy Queen (1692), sur le même sujet, et mêlant également tous les genres.


En s’inspirant d’un courant venant de Purcell ou Shakespeare, Britten fait le lien avec l’acte créateur le plus contemporain ; et c’est avec un plaisir certain que l’on peut assister à un spectacle d’une grande fraîcheur poétique.



Frédéric Gabriel

 

 

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