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Golaud superstar

Paris
Opéra Comique
04/04/1998 -  et 6, 8, 10 et 12* avril 1998
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
William Dazelay (Pelléas), François Le Roux (Golaud), Sir Donald McIntyre (Arkel), Anne-Marguerite Werster (Mélisande), Geneviève Balleys (Geneviève), François Harismendy (leMédecin), Un soliste de la Maîtrise des Hauts de Seine(Yniold)
Choeurs de l'Opéra Comique, Orchestre National de France, Georges Prêtre (direction)
Pierre Médecin (mise en scène), André Rheinhardt (décors et costumes)

La nouvelle production de Pelléas et Mélisande tourne entièrement autour du personnage de Golaud, le héros secret de cet opéra. Golaud ne quitte ainsi quasiment pas la scène de tout l'opéra. Assis dans un fauteuil de son salon de gentleman farmer, il rumine des événements qui semblent avoir déjà eu lieu. On aurait donc affaire à un grand flash-back, Golaud allant tenir sa place dans son propre souvenir aux moments opportuns. Ou est-ce un rêve ? Peu importe que l'histoire ait eu lieu ou non. Après tout, Pelléas et Mélisande n'est-il pas une histoire allégorique ou mythique ? Pierre Médecin a eu l'excellente idée de diviser la scène en deux et de préserver la caractéristique principale de l'histoire, vue du point de vue de Golaud : lorsqu'il n'est pas directement impliqué dans l'action, Golaud lui tourne le dos, si bien que toute l'histoire d'amour de Pelléas et de Mélisande se passe derrière son dos. Il ne peut pas la voir (il ne cesse de se plaindre pendant tout l'opéra d'être comme un aveugle), sauf lorsqu'il épie (comme la scène de la Chevelure) ; il reste qu'il peut l'entendre, et donc se douter de quelque chose. A moins qu'il l'invente ou l'imagine : jusqu'au bout, il n'a pas l'impression de savoir la vérité avec certitude.

Dans une telle perspective, Pelléas et Mélisande ont beaucoup de mal à exister, et à nous convaincre qu'ils vivent réellement de leur côté. Leurs rôles sont triviaux. Pelléas, dans son costume blanc croisé trois-pièces, est assez fade, et n'a pas la fraîcheur de Golaud. Il nous touche néanmoins lorsqu'il se sent pris en faute par Golaud, à la sortie du souterrain, et que, apparemment coupable, son visage se décompose. Mélisande semble quant à elle volage ; elle semble vite avoir fait son choix, et l'assumer en toute lucidité. Il est clair que Pelléas et Mélisande jouent à Roméo et Juliette, ou à Tristan et Isolde, à la passion irrésistible et peut-être torride : ironie du spectacle, lorsque Pelléas, dans la quatrième scène du quatrième acte, la scène d'amour, dit : " Il faut que je la voie une dernière fois, jusqu'au fond de son coeur ", il prononce, sans le vouloir, " jusqu'au fond de son corps ". Tout cela nous incite une fois de plus à penser que tout se passe dans la tête de Golaud. En bon mâle jaloux, il ne voit ni les choses ni les gens avec beaucoup de finesse. L'idée de faire jouer le Berger qui conduit les moutons à l'abattoir à Golaud est tout à fait remarquable, et rend cette lecture extrêmement cohérente. Et, il faut bien le dire, séduisante. Mais malgré son intelligence, son intérêt, elle reste quelque peu réductrice dans une oeuvre si équivoque, et ne laisse guère de chance qu'au rôle de Golaud.

C'est peut-être pour cette raison (ou est-ce l'inverse ?) que François Leroux (Golaud) est le seul à convaincre sur la scène, tant comme acteur que comme chanteur. Son timbre semble parfois un peu léger pour le rôle de Golaud, mais il le joue et le chante avec tellement d'intelligence, et une telle humanité ! Tous les autres rôles sont décevants, mal définis, insignifiants. Marguerite Werster chante de manière très charnelle, presque sensuelle, avec légèrement trop de vibrato, et aurait pu convaincre si elle était arrivée à donner un caractère au rôle de Mélisande. William Dazelay ne convainc ni scéniquement ni vocalement, et sa diction est beaucoup trop approximative, lorsqu'elle n'est pas incompréhensible. Parmi les seconds rôles, personne ne tire réellement son épingle du jeu, l'Arkel de Sir Donald McIntyre n'ayant aucune présence, aucun intérêt, et restant, comme Yniold, le plus souvent couvert par l'orchestre.

Car Georges Prêtre et l'Orchestre National de France furent, eux aussi, loin d'être éblouissants. Déjà, comme on vient de le dire, parce qu'ils couvraient beaucoup trop souvent les voix des chanteurs, François Le Roux mis à part (mais, contrairement aux autres, il restait le plus souvent sur le devant de la scène, ce qui limitait les problèmes d'émission). Georges Prêtre aurait-il voulu noyer une mauvaise diction dans l'orchestre ? Ensuite, l'orchestre était assez sec, et loin d'être envoûtant par ses couleurs. Sa sonorité était beaucoup trop directe, extérieure, trop transparente, comme s'il ne s'agissait que de jouer les notes écrites sur la partition au bon moment. Bref, il manquait d'âme. Au niveau orchestral, on n'avait donc qu'un "service minimum", qui faisait l'affaire, mais pas plus.

On ne retiendra donc de cette production que sa passionnante mise en scène et la prise de rôle de François Le Roux (dans Golaud, après dix ans de triomphe dans celui Pelléas). Ce n'est déjà pas si mal.



Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

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