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Un concert en trois temps et deux mouvements

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/20/2011 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: Le Lac des cygnes, opus 20: «La Sortie des invités», Valse de l’acte III et Valse de l’acte I – Eugène Onéguine, opus 24: Valse de l’acte II – La Belle au bois dormant, opus 66: Valse – Casse-Noisette, opus 71: «Valse des fleurs» – Symphonies n° 4 en fa mineur, opus 36 (premier mouvement), n° 5 en mi mineur, opus 64 (troisième mouvement), et n° 6 en si mineur, «Pathétique», opus 74 (deuxième mouvement)

Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


K. Masur (© Frans Jansen)


Nouvelle preuve que la musique ne connaît aucune frontière, le programme de ce soir offrait le visage d’un Neujahrskonzert (donc un concept originellement autrichien) interprété par un chef allemand et un orchestre français, rendant tous hommage à un compositeur russe. Il faut dire que Kurt Masur a toujours aimé la musique de Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) dont il a notamment interprété la Cinquième symphonie en novembre 2003, en juin 2005 lors du Festival de Saint-Denis et en avril 2008, la Pathétique en novembre 2005, la Symphonie «Manfred» en janvier 2009 et, même, Roméo et Juliette en avril dernier. Précisons par ailleurs que deux de ces concerts (ceux de 2005, au Théâtre des Champs-Elysées, et de 2008) s’étaient conclus par une valse donnée en bis: à chaque fois, il s’est agi de celle, célèbre, issue de la Sérénade pour cordes que l’on devait d’ailleurs retrouver au programme de cette soirée qui se divisait en deux ensembles: si la première partie se voulait essentiellement un hommage à la valse dans les ballets de Tchaïkovski, la seconde était un hommage à la valse dans ses symphonies.


C’est donc un Kurt Masur visiblement fatigué (rappelons qu’il est né en 1927) qui gagne la scène sous les applaudissements chaleureux tant de la part du public que des musiciens et qui lance immédiatement l’orchestre dans une première valse, extraite du troisième acte du Lac des cygnes (1877), précédée du passage de la «Sortie des invités». L’Orchestre national se montre sous un très bon jour (attaques nettes des trompettes, couleurs et phrasés langoureux de la part des bois, délicatesse des cordes) de telle sorte qu’on est immédiatement séduit, même si l’allure adoptée par Masur aurait pu être un tant soit peu plus rapide. Il en va de même pour la deuxième valse, toujours issue du même ballet mais cette fois-ci du premier acte, où l’on voit notamment le chef insister pour que les contrebasses (disposées en deux ensembles de quatre instruments de part et d’autre de l’orchestre) sonnent davantage: en dépit de ce léger retrait, l’ensemble des cordes du National fait néanmoins montre d’une cohésion et d’une ampleur indéniables. Bref intermède au milieu des ballets, la valse tirée du deuxième acte de l’opéra Eugène Onéguine (1879) où brillent les cuivres de l’orchestre, à commencer par les trois trombones emmenés par Joël Vaïsse: à défaut d’être pleinement convaincu par l’interprétation d’un strict point de vue mélodique, on saluera en revanche la parfaite mise en place d’une partition à la rythmique à l’évidence fort complexe. Cette première partie se concluait par deux «tubes» de la musique classique issus respectivement de La Belle au bois dormant et, bien évidemment, de Casse-Noisette dont chacun attendait avec impatience la «Valse des fleurs»: cette attente fut partiellement déçue en raison, là encore, d’un tempo trop retenu mais la beauté des couleurs (Patrick Messina, toujours aussi impérial clarinettiste solo) convainquit le public qui salua chaleureusement les musiciens avant l’entracte.


Kurt Masur aurait pu céder à la facilité en ne dirigeant que des valses issues des ballets de Tchaïkovski: Le Lac des cygnes en compte six à lui seul, Casse-Noisette cinq dont la superbe «Valse des flocons de neige» (dans le deuxième tableau du premier acte)! Pourtant, dans une démarche très didactique de sa part, le chef allemand a souhaité rappeler au public que la valse trouvait également sa place dans les symphonies du maître russe. Qui se souvient en effet que, derrière les accents triomphants des cors au début du premier mouvement de la Quatrième (1877), se profile une valse dont les trois temps sont marqués dès le départ par les timbales, le fameux rythme obsédant se doublant d’une forte noirceur et d’un évident dramatisme? Kurt Masur se sent ici davantage en terrain familier: cela se voit et, surtout, cela s’entend. Dirigeant peu, tenant fréquemment de sa main gauche la barre placée derrière lui sur le podium, il invite par sa main droite et surtout par quelques élans de son corps et, peut-on le supposer, par un regard plus ou moins directif, chaque musicien ou pupitre à entrer en scène: la confiance nouée au fil des ans tient ici de l’évidence et le résultat est splendide. On regrette d’ailleurs que ce ne soit pas l’intégralité de la symphonie qui soit donnée tant ce premier mouvement «in movimento di valse» s’avère convaincant, servi par un orchestre plus galvanisé que lors de la première partie. Ce tournant se confirme au fur et à mesure de l’avancée du programme, Masur conduisant avec beaucoup de lyrisme la valse qui tient lieu de troisième mouvement à la Cinquième symphonie (1888), abordant ensuite avec calme (hormis la section centrale, torturée et noire à l’instar du reste de l’œuvre) le deuxième mouvement de la Pathétique (1893) qui met magnifiquement en valeur les violoncelles du National.


Elle était attendue: elle fut donnée en bis pour le plus grand plaisir de tous... Kurt Masur et l’Orchestre national de France achevèrent en effet ce beau voyage par la célèbre Valse tirée de la Sérénade pour cordes, les violons du National prouvant encore une fois leur grande valeur. Tradition oblige, c’est donc au bras de Sarah Nemtanu que Kurt Masur s’en alla, non sans avoir fait son petit signe habituel à l’adresse d’un public heureux qui pourra retrouver le chef allemand à la tête de l’Orchestre national de France dans Fidelio, en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées, les 21 et 23 février prochains. Quant aux inconditionnels de Masur et de Tchaïkovski, ils pourront l’entendre diriger la Pathétique au début du mois de mai 2011 à la tête de l’Orchestre de Philadelphie et, au début du mois de juin, à la tête de l’Orchestre philharmonique d’Israël au cours d’une tournée à travers le pays.



Sébastien Gauthier

 

 

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