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Héros

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/17/2011 -  et 13 janvier 2011 (Birmingham)
Ludwig van Beethoven : Egmont, opus 84 : Ouverture
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violoncelle n° 1, opus 107
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40

Gautier Capuçon (violoncelle)
City of Birmingham Symphony Orchestra, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


En tournée européenne (Allemagne, Pays-Bas, Espagne) jusqu’au 23 janvier, l’Orchestre symphonique de la ville de Birmingham s’arrête à Paris, où il n’était pas venu depuis février 2007, en inauguration d’une édition du festival «Présences» consacrée à Thomas Adès. Il présente cette fois-ci une très classique séquence ouverture/concerto/symphonie dont le fil conducteur, mis en évidence par les notes de programme d’Omer Corlaix, est la figure du héros, réel ou littéraire, sa résistance à toutes les dictatures, ses redoutables ennemis.


Pour mener au combat les musiciens des West Midlands, voici Andris Nelsons (né en 1978), music director de la formation depuis la saison 2008-2009: après avoir été en poste à l’Opéra national letton à la Philharmonie de l’Allemagne du Nord-Ouest (Herford), il a accédé à cette nouvelle responsabilité alors qu’il était tout juste trentenaire (et sans avoir auparavant dirigé l’orchestre en public). Si sa précocité est remarquable – il a déjà été invité au au Met et à Bayreuth – son cas n’est cependant pas exceptionnel à Birmingham: il s’inscrit en effet dans une lignée de très jeunes directeurs musicaux inaugurée par Simon Rattle, devenu chief conductor en 1980, à l’âge de vingt-cinq ans, et poursuivie par Sakari Oramo, qui lui a succédé en 1998 à l’âge de trente-trois ans. Par la même occasion, avec Vasily Petrenko à Liverpool, Vladimir Jurowski au London Philharmonic et Valery Gergiev au London Symphony, c’est encore un chef originaire de l’ex-Union soviétique qui s’est ainsi imposé outre-Manche.


Dès l’Ouverture d’Egmont (1810), le chef letton démontre qu’il possède un solide métier: avec une gestuelle très personnelle et spectaculaire, à la fois large et expansive, sa direction très travaillée donne le sentiment de ne rien laisser échapper et de prêter attention à tous les détails, tout en manifestant un goût certain pour l’exacerbation des nuances dynamiques. Toutefois, si l’énergie ne fait pas défaut, la lenteur du tempo tend à entraver la progression du discours, sauf dans la coda, qui n’en paraît que plus rapide et conquérante.


Dans l’incontournable Premier Concerto (1959) de Chostakovitch, Gautier Capuçon (né en 1981) reste sobre, presque distant, plus pince-sans-rire qu’engagé: la rectitude de son jeu s’inscrit bien dans la lignée de l’école française, comme la sonorité de son Matteo Goffriler (1701) qui, si elle ne manque pas de puissance, ne se fait jamais grasse. Sans insister lourdement sur l’ironie grinçante des mouvements extrêmes ou sur le pathos des mouvements centraux, le soliste, accompagné avec beaucoup de finesse et de précision par le chef et ses musiciens, n’en installe pas moins un climat inquiétant, impression à laquelle contribue une allure un peu retenue, comme dans un de ces cauchemars où l’on tente vainement d’avancer plus vite. En attendant de retrouver, le 2 mai prochain, l’avenue Montaigne et Chostakovitch pour un récital avec Jean-Yves Thibaudet comprenant par ailleurs des pages de Beethoven, Schumann et Grieg; Gautier Capuçon offre un bis marquant davantage une rupture stylistique qu’interprétative: avec le concours du harpiste de l’orchestre, il aborde «Le Cygne», extrait du Carnaval des animaux (1886) de Saint-Saëns, dans une même atmosphère de dépouillement, avec un minimum de vibrato et une ligne de chant se déroulant quasiment d’un seul souffle.


Andris Nelsons semble entretenir des affinités avec Richard Strauss, qu’il a choisi pour ses débuts à l’Orchestre de Paris à l’automne dernier, et plus particulièrement avec le poème symphonique Une vie de héros (1898), qu’il avait donné en février 2009 pour sa première apparition avec le National et qu’il a enregistré depuis lors avec son propre orchestre (Orfeo). Il y confirme les grandes qualités techniques déjà perceptibles en première partie de concert: contrôlant méticuleusement l’ensemble des paramètres, il s’attache à l’équilibre entre les pupitres ainsi qu’à la lisibilité des voix; bien ordonné, «Le Champ de bataille du héros» évite ici cette saturation de décibels qui le défigure trop souvent. Fignolant longuement les transitions, préparant soigneusement les entrées et lançant des impulsions (début rapide tant dans «Le Héros» et que dans «Les Adversaires du héros») qui ont néanmoins ensuite tendance à retomber, il privilégie la narration et la démonstration instrumentale, ce que l’œuvre aussi bien que l’orchestre, avec ce sens collectif typique des formations britanniques rehaussé de quelques individualités remarquables, peuvent supporter aisément. La versatilité de «La Compagne du héros» est notamment bien mise en valeur, la baguette sachant se faire généreuse et suave dans la conclusion de cette troisième partie (thème de la «certitude de la victoire»). Et si le chef en rajoute parfois un peu en contrastes, en silences et en effets – quatre percussionnistes pour marquer aux cymbales l’apogée du retour du thème du héros après la bataille! – c’est qu’il a visiblement une envie irrépressible de faire partager son amour débordant de la partition.


Le contrat d’Andris Nelsons, initialement conclu pour trois ans, a été prolongé jusqu’en 2014: la lune de miel se poursuit donc entre le chef et ses musiciens, qui le contraignent à deux reprises à saluer avant de se lever pour recevoir à leur tour les applaudissements du public. Mais ils partiront sans interpréter le moindre bis.


Le site de l’Orchestre symphonique de la ville de Birmingham
Le site d’Andris Nelsons



Simon Corley

 

 

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