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Le Sacre du kitsch

Marseille
Opéra
12/02/2010 -  
Leonard Bernstein : Candide: Ouverture
Samuel Barber : Concerto pour violon, opus 14
Nicolas Mazmanin : Symphonie pour grand orchestre
George Gershwin : Porgy and Bess: Suite

Nemanja Radulovic (violon)
Orchestre philharmonique de Marseille, Guy Condette (direction)


G. Condette, N. Radulovic (© Christian Dresse)


Deux événements au moins constituent des points d’attraction de ce concert de l’Orchestre philharmonique de Marseille: la présence dune star montante du violon, Nemanja Radulovic, et la création d’une œuvre ambitieusement dénommée Symphonie pour grand orchestre du compositeur Nicolas Mazmanian (commande de la Ville de Marseille), le tout confié à un chef très expérimenté, Guy Condette, formé à Lille puis Paris, qui a surtout fait carrière à la tête de différents opéras français, notamment ceux de Lille, Nancy, Nantes et Limoges. Sa direction précise obtient de l’orchestre une remarquable mise en place rythmique et une réjouissante animation festive dans l’Ouverture de Candide de Leonard Bernstein, offerte avec tout ce qu’il faut de brio et d’humour.


Le rare Concerto de Barber, joué à l’occasion du centenaire de la naissance du compositeur, trouve en Nemanja Radulovic un interprète idéal. Avec sa belle sonorité chaleureuse et souple, il rend admirablement compte des subtiles inflexions de cette musique, dont la fraîcheur printanière se voile parfois d’une délicate mélancolie, abandonnée pour de soudaines envolées ailées. Il tient sa ligne de chant, et son public captif sous le charme. L’orchestre et Guy Condette fournissent également un remarquable travail, là où tant d’autres chefs et ensembles accomplissent de mauvaise grâce, brouillons et maugréant, leur rôle d’accompagnateur, les instrumentistes marseillais nous ravissent à nouveau par leur musicalité, leur précision dans les subtils entrelacs polyphoniques, leur engagement émotionnel, et leur enthousiasme dans l’intensité. Dans le final, d’ailleurs repris en bis, brillantissime Presto in moto perpetuo, la virtuosité échevelée de Radulovic, d’une aisance confondante, rencontre la virtuosité aussi patente des cuivres, des percussions, et même de tous les pupitres de cet orchestre qui ne cesse de nous surprendre et de nous enchanter à chacune de ses prestations.


Le jeune compositeur Nicolas Mazmanian, natif de Marseille, est déjà l’auteur d’une œuvre orchestrale conséquente, avec Les Toits de Prague (2004), Diasporama (2007), et auparavant William Conrad gravé en 2003 par l’Orchestre national tchèque (Musicast). Son ample Symphonie pour grand orchestre, d’une durée de 30 minutes, provoque une véritable surprise par son parti-pris radical: avec ses nombreux emprunts au jazz et au blues, on se situe pleinement dans l’esthétique de la musique de film, quelque part entre Starwars et Le Seigneur des Anneaux! Le Vivace initial, avec sa mesure chaloupée à cinq temps, évoque irrésistiblement des chevauchées dans les plaines du Colorado, ou au milieu des étoiles («Tribute to Max Steiner, John Barry and John Williams», aurait-on envie de l’appeler), avant de céder la place à de mélancoliques mélopées héritées de Rachmaninov. Musique totalement décomplexée, purement hédoniste et sensuelle, qui au-delà du néotonal et du néoromantisme, ose le néo-Hollywood. A déconseiller formellement aux auditeurs habituels de l’IRCAM et de l’Intercontemporain, qui risquent convulsions et étranglements d’indignation pouvant mettre leur vie en péril! Le troisième mouvement, un Allegro, restitue des climats d’innocence enfantine et de lumières oniriques avec des couleurs sirupeuses pur sucre dignes de Walt Disney. S’enchaîne un final, une fantaisie virtuose aux amusantes gammes pentatoniques chinoises. Bref, presque un siècle après l’inauguration tapageuse du modernisme agressif du XXe siècle par le Sacre du printemps de Stravinsky, un cycle semble s’achever avec cette musique d’une lumineuse simplicité, apothéose de l’easy listening, qu’on serait tenté de baptiser Le Sacre du kitsch! Si l’on n’est pas un inconditionnel d’un avant-gardisme jusqu’au-boutiste, on peut se laisser aller à un plaisir de chaque instant à l’écoute de la musique de Nicolas Mazmanian. La vraie provocation réside dans le titre: Symphonie. On s’attend à trouver une certaine filiation avec la hauteur spirituelle et les exigences stylistiques innovantes de Beethoven, Brahms, Bruckner, Mahler ou Sibelius. Mazmanian aurait modestement nommé son œuvre Suite symphonique, qu’on se permettrait de la savourer avec moins de culpabilité honteuse!


Dailleurs, la Suite de Porgy and Bess de Gerschwin, comme tout ce programme très judicieusement conçu, constitue un écrin idéal pour la Symphonie de Mazmanian, tant cette dernière se situe dans la continuité esthétique de ce génial crossover, qui risque seulement de la concurrencer un peu rudement par la subtilité de son écriture! L’orchestre et Guy Condette s’en donnent à cœur joie dans le festif et le capiteux, si ce n’est qu’à la fin, les auditeurs risquent un peu l’overdose de sucreries jazzy et sensuelles.



Philippe van den Bosch

 

 

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