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Globalement insuffisant

Paris
Zénith
11/11/2010 -  et 7 (Nancy), 8 (Strasbourg), 10 (Lille), 12 (Lyon), 13 (Saint-Etienne), 15* (Paris), 16 (Rouen) novembre 2010, 16 (Nice), 17 (Marseille), 18 (Montpellier), 20 (Pau), 21 (Toulouse), 22 (Bordeaux), 23 (Limoges), 25 (Paris), 27 (Nantes) mars, 1er (Grenoble), 2 (Lyon), 3 (Clermont-Ferrand), 5 (Dijon), 6 (Strasbourg), 8, 9 (Paris), 10 (Lille) décembre 2011
Rodion Chédrine: Carmen-Suite
Carl Orff: Carmina burana

Evgeniy Svetlica, Anastasiya Issoupova, Anna Sapounkova, Igor Khramov Mykola Sanzharevskyy, Yuliya Kitchigina, Serge Katshoura, Victoriya Tkatch, Myroslav Melnyk, Yuliya Okhrimenko, Serge Merzlakov, Vitaliy Ryzhyy (solistes du ballet), Yulia Lyssenko (soprano), Ilya Silchukov (baryton), Vasyl Ponayda (ténor), Eve Ruggieri (présentation)
Ballet, chœur et orchestre du Théâtre national académique d’opéra et de ballet de Lviv, Serge Naenko (chorégraphie), Vasyl Koval (chef de chœur), Grigori Penteleïtchouk (direction musicale)




Vitez prônait «l’élitisme pour tous» et des gens de théâtre tels Vilar ont su, sans se renier, faire partager leur art à un très large public. Pourquoi y aurait-il donc une fatalité à ce que la musique classique, lorsqu’elle est destinée au plus grand nombre, rime avec médiocrité? Ce spectacle qui fait le tour des Zénith de France fournit hélas une fois de plus la même réponse: dans le circuit «traditionnel», les spectateurs auraient bénéficié d’un lieu plus agréable, d’un tout autre confort, tant physique que sonore, ainsi que d’une prestation artistique de bien meilleure qualité, et ce à un tarif sans doute inférieur. Cela étant, non seulement la plupart n’y seraient sans doute jamais allés, tant il semble difficile de faire tomber le cloisonnement entre les différentes formes de pratiques culturelles, mais l’ovation finale suffit aussi à démontrer qu’ils n’ont visiblement pas regretté d’avoir déboursé entre 35 et 88 euros pour cette soirée. Et la caution d’une animatrice vedette de la télévision et d’une station de radio privée revendiquant sa thématique «classique» (qui diffuse des messages et de la musique pendant que les spectateurs s’installent) contribue à un remplissage fort honorable en ce lundi soir.


Associant deux productions créées au Festival des nuits musicales de la Sainte-Victoire respectivement en juin 2009 et en juin 2010, «Eve Ruggieri raconte Carmina burana» a déjà tourné au printemps dernier et sera repris en mars puis en décembre 2011 dans différentes villes. Les deux parties sont liées par le thème de la destinée: la première est consacrée au ballet Carmen-Suite (1967) de Chédrine, sur des arrangements de l’opéra éponyme de Bizet, complétés au besoin d’extraits de L’Arlésienne et de La jolie fille de Perth; la seconde aux Carmina burana (1937) proprement dits. A l’entracte, les stands vendent les disques et vidéos du spectacle, mais aussi les ouvrages d’Eve Ruggieri. Seule en scène, elle introduit chacune des œuvres, égale à elle-même dans des interventions d’environ un quart d’heure alternant mélodrame, coqs-à-l’âne (Louise Michel, Joséphine Baker) et quelques retentissantes approximations: «1903, c’est Debussy et le Prélude à l’après-midi d’un faune» tandis que la deuxième partie de la trilogie ouverte par les Carmina burana s’intitule selon elle «Catulli buruna» (au lieu de Catulli carmina)... Or, s’il serait déplacé de faire de la musicologie dans ce cadre, il n’est pas interdit pour autant de fournir des informations exactes.


Dans les rangs, une certaine déception se fait jour lorsqu’il apparaît que la Carmen en question n’est pas l’opéra de Bizet, mais le ballet de Chédrine. S’est-elle complètement évanouie à l’issue de la représentation? En tout cas, mieux vaut avoir oublié la Carmen de Roland Petit: sous des lumières bleues et roses, une petite vingtaine de danseurs, dont six solistes, forment une succession de tableaux naïfs chorégraphiés par Serge Naenko. On n’a certes pas oublié les éventails et autres capes, mais la scénographie est pour le moins spartiate (deux ou trois tabourets et un fond de décor). Surtout, pour un lieu qui est en mesure d’accueillir des shows autrement plus spectaculaires et qui n’est pas idéal pour le ballet, le format paraît étriqué, les protagonistes lointains et minuscules. Installé de plain-pied devant la scène surélevée, l’orchestre, limité aux cordes et percussions, est sonorisé – moindre mal, bien évidemment, compte tenu du volume de la salle et du caractère très restreint de l’effectif mobilisé – mais la musique de Chédrine, déjà parfois passablement détraquée, prend ici une tournure encore plus bizarre, comme si elle était jouée sur un grand synthétiseur. Dans ces conditions, la diffusion d’une bande aurait sans doute mieux fait l’affaire que ces détails grossis à la loupe, que ce son gras et artificiel.


L’idée consistant à porter sur la scène les Carmina burana n’est pas mauvaise, puisqu’il est généralement oublié qu’ils ont été conçus (et créés) comme une «cantate scénique». Les choristes – il n’y a pas de chœur d’enfants – sont placés sur deux séries de gradins placés de chaque côté du plateau, entourant les évolutions des danseurs en costumes clairs et couronnes de fleurs qui s’ébattent joyeusement et agitent des voiles. Le Chœur du Théâtre national académique de Lviv (baptisé pour l’occasion «Opéra national d’Ukraine») n’offre que des voix épaisses et flageolantes. N’évitant pas les problèmes de justesse et les décalages, l’orchestre est placé sous la baguette du chef français Grigori Penteleïtchouk, directeur artistique du Festival de la Sainte-Victoire depuis sa fondation en 2005, qui tend à alanguir le propos – l’exécution dure plus d’une heure. Quand les musiciens s’accordent, hors micros, on retrouve un son à la fois plus riche et plus naturel, tout à fait audible, même d’assez loin. Aurait-il fallu renoncer aux décibels et tenter le pari du concert «acoustique»? Car à quoi bon vanter l’orchestration de Carl Orff comme le fait non sans pertinence Eve Ruggieri si c’est pour que la sonorisation défigure à maintes reprises les intentions du compositeur, noyant les tutti dans une désolante confusion, conférant aux instruments (particulièrement les violons) des couleurs d’une rare laideur et émoussant une musique qui gagne à des textures plus sèches?


Les solistes, qui se succèdent sur le côté droit de l’orchestre, apportent en revanche une touche d’excellence bienvenue dans cet ensemble globalement consternant: timbre tranchant, la soprano Yulia Lyssenko est d’une impeccable justesse, de même que le remarquable baryton Ilya Silchukov, tandis que le ténor Vasyl Ponayda dépeint son malheureux cygne avec toute la dérision requise. Voilà au moins un motif de satisfaction dans un Zénith qui, pour le reste, n’aura pu apprécier ces Carmina burana que dans leurs très grandes lignes.


Le site du spectacle
Le site du Théâtre national académique d’opéra et de ballet de Lviv



Simon Corley

 

 

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