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L’histoire en marche

Geneva
Victoria Hall
11/19/2010 -  et 15 (Bern), 16 (Zürich), 17 (Basel), 18 (Sankt Gallen) novembre 2010
Liu Yuan: Train Toccata
Serge Prokofiev: Concerto pour piano n° 3, opus 26,
Tan Dun: Mort et Feu, Dialogue avec Paul Klee
Igor Stravinsky: L’Oiseau de Feu (Suite)

Mélodie Zhao (piano)
Orchestre philharmonique de Shanghai, Muhai Tang (direction)




La vision que nous pourrions avoir de la musique classique en Chine pourrait se résumer à celle que donne un certain pianiste très virtuose adulé comme Michael Jackson. Ce serait passer à côté d’une réalité plus profonde puisqu’il existe une tradition musicale qui date de longtemps (ainsi que le raconte l’excellent ouvrage de Sheila Melvin et Jindong Cai, Rhapsody in Red) et dont une des caractéristiques est de ne pas vouloir faire de séparation tranchée entre musique traditionnelle et canons classiques.


C’est ce qui caractérise l’ébouriffante Train Toccata de Liu Yuan, une courte pièce pleine d’énergie et d’enthousiasme qui évoque le voyage d’un train dans la Chine à travers des paysages grandioses que la musique nous permet d’imaginer sans peine. Cette œuvre n’est pas sans évoquer la brillance des pièces d’un Copland ou plus près de nous d’un John Adams et les composantes chinoises trouvent tout naturellement leur place que ce soit dans l’orchestration ou les harmonies.



M. Zhao


Le même Troisième Concerto pour piano de Serge Prokofiev figurait la veille lors de la finale du Concours de piano de Genève. La différence ne pourrait être plus grande entre l’approche « concours » bien propre de la candidate russe et la liberté de jeu de la pianiste suisso-chinoise Mélodie Zhao. Il y a une « Argerich » en puissance dans cette jeune femme dont on comprend pourquoi elle a déjà fait parler d’elle à Genève. Sa vélocité est impressionnante et elle possède une palette de sons très large qui convient à une partition qui, au-delà de passages spectaculaires, contient une grande variété de nuances. Son énoncé du thème du second mouvement respecte avec soin les indications du compositeur qui demande de distinguer pianissimo et mezzo-piano. Sa lecture pleine de fantaisie retrouve la dimension épique de l’œuvre et également son humour. Il faut peut-être regretter que le finale soit un peu trop rapide mais n’est pas normal quand on a son âge de vouloir croquer avec gourmandise une telle œuvre ? Elle donne en bis une mélodie chinoise dont l’écriture rappelle les passages les plus ardus du Concerto du Fleuve Jaune.


C’est après avoir visité une exposition de tableaux de Paul Klee (dont il faut rappeler qu’il était Suisse) que Tan Dun a composé une suite de pièces qui évoquent plusieurs de ses célèbres toiles. Le propos du compositeur n’est pas d’illustrer les tableaux à l’instar d’un Moussorgski mais d’évoquer d’exprimer à travers la musique ses réactions devant les œuvres de Klee. L’orchestration est très forte faisant contraster les masses de l’orchestre avec des dialogues originaux d’instruments solos. Fidèle à ses habitudes, Tan Dun rajoute des effets d’instruments peu courants: embouchures des instruments à vents, expiration (bruyante) des musiciens, pierres frappées l’une contre l’autre, pizzicati des cordes pincés en-dessous du chevalet… Au milieu de cet ensemble figure l’évocation furtive des arpèges du prélude en do du Clavier bien tempéré tandis que l’on devine l’ombre d’animaux cousins de ceux que l’on peut entendre dans le Ma mère l’oye de Ravel.


Les musiciens abordent sans complexe la suite de L’Oiseau de feu dans la salle qui fut celle d’un de ses plus grands interprètes historiques. Les cordes n’ont peut-être pas le soyeux de certains de leurs confrères et sont parfois un peu couverts par les cuivres dans les tutti. Les bois, flute et hautbois, sont très solides et font preuve de beaucoup de musicalité. Mais ce qui frappe est finalement d’entendre à quel le caractère de chaque passage est si bien caractérisé : le jardin enchanteur, la menace de Kachtcheï, une berceuse douce à souhait et l’allégresse générale du finale. Sous l’impulsion et le dynamisme de son directeur musical Muhai Tang, on sent que cet orchestre est en train de se créer des habitudes communes et sa propre identité sonore. Il faudra probablement attendre quelques années pour conforter ce sentiment mais on peut-être déjà sur qu’un jour, l’image que nous avons des musiciens chinois ne se résumera pas à certains de ses instrumentistes mais passera par ses ensembles et ses compositeurs.


Comme à Zurich, il y a quelques jours, l’orchestre récompense une salle particulièrement attentive par deux bis, une mélodie chinoise pour cordes pleine de charme avant de reprendre la fin de la Train Toccata.



Antoine Leboyer

 

 

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