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Dance floor symphonique

Normandie
Théâtre des Arts
11/10/2010 -  
Wax Tailor and The Mayfly Symphony Orchestra

Wax Tailor, Rémy Galichet (arrangements)
Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, Didier Benetti (direction)


W. Tailor (© Nicolas Guerin)


Allez, une fois n’est pas coutume, nous allons passer au « je » pour ce papier parce que Wax Tailor, ce n’est pas notre rayon, c’est celui d’autres, bien plus calés que nous en musique hip hop électro, trip hop etc. alors on ne cherchera pas à être cliniquement objective en disséquant l’interprétation de l’orchestre de l’Opéra de Rouen (rebaptisé pour l’éphémère, Mayfly Orchestra), sous la direction de Didier Benetti, on ne vous offrira pas non plus un déroulé de concert précis en énonçant tout ce qu’on a remarqué sur scène et en listant les titres des albums un par un. On vous dira seulement pourquoi on se trouvait là et ce qu’on y a vu, dans l’ensemble : de toute façon, les expériences sortant de l’ordinaire sont celles qui nous marquent le plus ; c’est pourquoi, malgré toute notre ignorance, on va se lancer.


C’est Cédric Klapisch lors d’une interview que j’avais menée sur le rôle de la musique dans ses films qui m’avait parlé, d’abord de Loïk Dury (grand sampler également) puis de Wax Tailor, peu connu à l’époque. Ensuite, c’est dans Paris, film merveilleusement distribué parce Klapisch est un directeur de casting (acteurs et musiciens) redoutable, qu’on avait entendu presque en boucle Seize the day… Une autre fois encore, c’est chez une amie très chère, la comédienne Julie Harnois (qui est d’ailleurs à l’affiche d’un très émouvant Marivaux, Le Jeu de l’Amour et du Hasard, mis en scène par Philippe Calvario, un peu partout en France jusqu’en février 2011) que nous avions passé un hiver et plus à écouter Our dance avec une furieuse envie d’en découvrir plus, mais entre temps, il y a eu Beethoven, Penderecki, Dusapin, Mozart, Probst, Franck et les autres…


Peu importe, j’y suis, une heure avant, grâce à mon directeur m’ayant rappelé qu’il fallait y être tôt. Alors on attend, au guichet presse-invitations : on y voit le responsable de la presse, Thomas Biberon, du 106 (salle organisatrice du concert et lieu des musiques actuelles bientôt ouvert au public), affairé, en liaison avec les responsables billetterie du Théâtre des Arts (salle d’accueil). Nous, on est passée, comme d’habitude par l’entrée latérale et là on assiste à la mise en place des ouvreurs : leur chef claironne « Allez allez, au boulot, on y va, on se met en place… J’en ai que cinq !… allez allez, à vos postes : c’est parti ! » Le public, lui, encore dehors, se masse devant l’Opéra : je n’avais encore jamais vu autant de monde aussi tôt…puis c’est l’ouverture des portes. En deux minutes, le hall est plein. Je monte au bar avec ma place, je passe devant un stand avec des t-shirts, des sweets, des affiches, des disques à vendre : je trouve le design choisi pour les initiales WT de Wax Tailor assez classe : je ne connaissais pas. Un ami qui se trouvait là, à qui je fais part de mon engouement pour ce graphisme blanc sur noir, me dit « Mais enfin, tu sors d’où ? ». Bon.


On attend encore, on rencontre toutes sortes de copains qu’on n’imaginait pas ici, et on pense à son article : « alors, on commencera par préciser que Wax Tailor, en fait, il s’appelle Jean-Christophe Le Saoût et qu’il vient de Vernon, comme ça, ça fait local, c’est bien… » puis on se ravise en se disant « c’est une star de l’électro hip/trip hop, si tu mentionnes ça, ça fait pompé de Wikipedia, c’est nul question originalité…change ! »


Je m’apprête à entrer dans la salle, sans avoir encore la moindre idée de ce qu’il va bien pouvoir s’y passer… cette salle qu’on connaît depuis la fin des années 80, dans laquelle on est venue entendre opérettes, musique de chambre, opéras, feu Alain Bashung etc. J’y ai même joué plusieurs fois en orchestre, sous la direction d’Olivier Holt… une multitude de souvenirs remonte : c’est ça quand on se décentre, on est paumée… on se raccroche à ses bons vieux souvenirs d’ado classique, avec son violon, Brahms, Wagner, Mendelssohn, Schumann etc.


Allez, j’ai dit que je me lançais ; faut y aller. Après vingt minutes de projection vidéo sur les futurs accueils d’artistes au 106 (tiens, il y a Yaël Naïm le 21 janvier !, tiens les BB Brunes, je connais un peu, la vidéo de Pony Pony Run Run me rappelle une chanson…), les gens se mettent à applaudir pour faire accélérer le mouvement… nous, on se donne une constance en écrivant sur un carnet que « les gens applaudissent pour faire commencer le concert plus rapidement »…


Là, ça y est, la quatrième et dernière date avec orchestre pour le projet 2010 Wax Tailor & the Mayfly Orchestra commence (après Lyon, Paris, Lille) : en ouverture Martin Luther King, Gandhi, le Che, message de paix et de liberté projeté en vidéo sur lit de cordes… Trois écrans : un à jardin, un à cour, un autre sous la table de mixage (platines + sampler) de Wax Tailor, lui, très classe : borsalino, cravate blanche, chemise noire, regard concentré sur ses machines. Une partie de l’orchestre porte le même chapeau… on est étonnée, pour une fois, les spots désignent le pupitre d’altos…


D’emblée, on remarque dans l’orchestre que la flûtiste n’est pas de l’Opéra de Rouen, c’est Ludivine Issembourg qui suit « JC » (comme on dit) depuis pas mal de temps maintenant et puis, on aperçoit un violoncelliste vraiment « à fond dedans » à la droite du premier pupitre : lui c’est Matthieu Detton. Dans les violons, une nouvelle tête aussi, Christelle Lessort : les trois ce sont l’embryon du projet orchestral (avec le chef d’orchestre Didier Benetti) mené à terme par Wax Tailor cette année, lui, producteur de ses disques, concepteur de projets, manager pugnace.


On observe vite que Wax Tailor prend toute la rythmique en charge (sauf pour les timbales quand ça vrombit sec : là il y a un percussionniste qui s’y colle avec lui) et on est aussi très rapidement fascinée par les textures sonores qu’il trouve, qu’il a forcément (re)travaillées, qu’il reconstruit différemment : parce que là, maintenant, on entend bien que l’orchestre joue des séries de samples mais que ces samples orchestrés ne sont plus dans le même timbre que des fichiers samplés sur ordinateur. C’est à Wax Tailor de s’adapter, de faire autre chose, tout en créant des sons que son public va reconnaître, sur lequel il va pouvoir bouger, réagir, s’émouvoir.


J’ai trouvé qu’il y avait de nombreux passages émouvants, sur deux tonalités :
La première concerne le rap de Mister Mattic, qui a une présence remarquable, puis qui sait dire « check yeah » comme vous n’y arriverez jamais même si vous ne faites que ça pendant quinze ans… En plus de cette qualité de prononciation, c’est une beat box diabolique, il ne danse pas, il bouge, il « va chercher » les musiciens, Wax et c’est un monstre du rythme, il vous case un maximum de syllabes en une seconde : on entend tout, on comprend tout, il prend en compte, le public, ses camarades lors des duos ou trios, l’orchestre, la vidéo…: on est fan.


La seconde concerne la nostalgie que porte en lui Wax Tailor pour les Grands Classiques du 7e art : on devine des extraits de Casablanca, on entend des dialogues américains qui font les riches années d’Howard Hawks, on voit des images de westerns spaghetti, des premiers dessins animés et les voix des années 50 de présentateurs hollywoodiens résonnent souvent, au fil du concert. De sample en sample, rejaillit ce goût d’archiviste de répliques de cinéma chez Wax Tailor. L’orchestre favorise cette ambiance nostalgique du retour à des images anciennes qui nous émeuvent tous mais on aime à voir aussi, sans transition, les créations de Nils Incandela, live designer et les clips vidéo de Wax Tailor.


Sinon, pardon, j’ai menti : l’orchestre n’est pas seulement un looper de samples, il développe des modules rythmiques, riches en dynamiques: il pulse, puis, on doit le dire, on n’a jamais autant entendu les basses en pizz (Gwendal Etrillard et son collègue) par un effet de sonorisation impeccable. Par moment, on n’entend presque que les violons, comme dans les instants supra romantiques des films produits par la MGM, tenues tendres et sucrées… On n’ose à peine mentionner qu’il y avait « La Chanson de Solveig », extraite de Peer Gynt de Grieg (samplée pour le titre Sometimes), parce qu’on passerait pour une journaliste de musique classique… zut.


Charlotte Savary est parfaite mais on la connaissait déjà sur l’unique titre qu’on avait entendu Our dance. On a souri parfois parce qu’une partie de l’orchestre, peu habituée à jouer sur les applaudissements et les encouragements d’un public content d’être là, loupe quelques départs, rassurez-vous : ça n’amuse que nous… Tout le monde n’a d’yeux que pour Wax Tailor et ses admirables comparses, d’ailleurs, quand deux des trois garçons anglais d’ASM (A state of Mind : j’adore ce nom), pour Say yes (avec Mattic qui se joint à l’équipe) viennent chanter, la corbeille de l’opéra de Rouen se transforme en dance floor, on se lève on se trémousse, on a du mal, mais on est contente car, à notre gauche, pas très loin, le directeur de l’opéra ne fait pas mieux que nous !


Evidemment arrive l’inévitable test vocal sur le Que sera reprise d’un thème de Galt MacDermot et lors, je ne vous dirai pas combien je n’ai même pas essayé : Minable ! Les Rouennais, eux, je les ai trouvés plutôt en forme…


Bon, dimanche, je retourne à mon répertoire, promis !


Un aperçu du projet Wax Tailor and the Mayfly Symphony Orchestra



Pauline Guilmot

 

 

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