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Si loin, si proche Antwerp
Vlaamse Opera
09/18/2010 - et 21, 24, 26*, 28 septembre (Antwerpen), 6, 8, 10, 13 octobre 2010 (Gent)
Kaija Saariaho : L’Amour de loin
Phillip Addis (Jaufré Rudel), Rachel Harnisch (Clémence), Katherine Rohrer (Le pèlerin)
Koor van de Vlaamse Opera, Yannis Pouspourikas (chef des chœurs), Symfonisch orkest van de Vlaamse Opera, Koen Kessels (direction)
Daniele Finzi Pasca (mise en scène, chorégraphie et lumières), Jean Rabasse (décors), Kevin Pollard (costumes), Antoine Marc, Ted Sikström, Sara Lundstedt, Lilli Mühleisen, Boiana Anguelova, Stephanie Geerts (acrobatie), Stan Reekmans, Isabelle Nouwen (théâtre d’ombres)
L’Amour de loin deviendrait-il un classique ? Documenté au disque (Harmonia mundi) et en DVD (Deutsche Grammophon), de surcroît dans des distributions différentes, le premier opéra de Kaija Saariaho (née en 1952) a été repris plus d’une fois suite à sa création au Festival de Salzbourg le 15 août 2000 (voir ici, ici et ici). La Finlandaise s’était associée à Amin Maalouf, collaboration réitérée pour Adriana Mater, Emilie et, dans un autre genre, La Passion de Simone. Au travers des récits d’un pèlerin, Jaufré Rudel aime une princesse de Tripoli, relation non concrétisée puisque le troubadour meurt dans les bras de Clémence après avoir traversé la Méditerranée : un propos actuel (amour virtuel, rapprochement manqué entre les cultures) et qui cadre avec la thématique – l’Orient de l’imaginaire collectif – que l’Opéra de Flandre a retenue cette saison.
Ce nouveau spectacle coproduit avec l’English National Opera et la Canadian Opera Company atténue, à l’image de la musique, les clivages entre Orient et Occident ainsi que les références médiévales, intemporalité et universalité obligent. Polyvalent (mise en scène, chorégraphie et lumière) et nourri par le cirque, Daniele Finzi Pasca opte pour l’onirisme, la synthèse et le dépouillement grâce à un dispositif limpide, splendidement éclairé, le plus souvent de couleurs chaudes, et agrémenté d’une vidéo évocatrice. Cela ne manque ni d’allure ni de pertinence de même que l’idée d’associer deux esprits à chacun des trois personnages, en l’occurrence un danseur et un acrobate qui animent sans l’encombrer un ouvrage en fin de compte plus proche de l’oratorio que de l’opéra. Autre touche d’originalité : le recours au théâtre d’ombres qui représente les voyages en mer avec poésie et une efficacité désarmante. En somme, une première expérience lyrique inspirée et singulièrement réussie.
L’intendant Aviel Cahn a également eu la main heureuse en confiant la direction de l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Flandre à Koen Kessels, assistant de Kent Nagano lors la création. Réclamé dans le répertoire contemporain, il obtient des musiciens hédonisme, détails, continuité et transparence. Inséré dans cette texture chatoyante, le chœur maison, tout aussi concerné, complète la fosse en procurant à la musique une teinte particulière. Le trio de chanteurs évolue avec naturel malgré les sollicitations de la partition, qui accorde toute sa place au chant, les exigences scéniques et une masse orchestrale par moments imposante. Rachel Harnisch, qui connaît le rôle de Clémence pour l’avoir défendu à Berne, en possède la noblesse, la classe et la carrure vocale ; elle trouve en Phillip Addis, Jaufré idéalement exalté et sensible, un partenaire idéal qui s’identifie au troubadour avec un authentique talent. Moins habile dans la diction française, Katherine Rohrer incarne avec une forte présence scénique un pèlerin aux troublants contours féminins. Egalement crédités dans cette première belge, Antoine Marc, Ted Sikström, Sara Lundstedt, Lilli Mühleisen, Boiana Anguelova et Stephanie Geerts réalisent des merveilles d’acrobatie tandis que le travail de Stan Reekmans et Isabelle Nouwen sur les ombres prouve, s’il en était besoin, que l’opéra constitue un terrain privilégié dans lequel s’expriment tous les arts.
Le site du Vlaamse Opera
Sébastien Foucart
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