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Versailles à l’heure révolutionnaire

Versailles
Château (Opéra royal)
09/25/2010 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 31 en ré majeur, K. 300a [297] « Paris »
Nicolas-Jean Lefroid de Méreaux : Samson
Henri-Joseph Rigel : Symphonie n° 4 en ut mineur, opus 12 – La Sortie d’Egypte

Magali Léger (soprano), Camille Merckx (mezzo), Mathias Vidal (ténor), Alain Buet (baryton)
Les Eléments, Joël Suhubiette (directeur artistique), Le Cercle de l’Harmonie, Julien Chauvin (premier violon), Jérémie Rhorer (direction)


J. Rhorer (© Alix Laveau)


Alors que le titre donné au concert de la veille (voir ici), «Les Italiens à Paris, aux sources de l’opéra français» convenait parfaitement au programme entendu, on reste un peu plus circonspect à l’égard du thème de cette soirée, consacrée pour sa part au «Concert spirituel à l’heure des révolutions». En effet, les différentes œuvres présentées datent des années 1770 et, même si l’on peut considérer à juste titre que Mozart a véritablement révolutionné la musique occidentale, on ne peut tout de même pas en dire autant de MM. Lefroid de Méreaux et Rigel! Certes, on pourra noter que Joseph Legros, ami des trois compositeurs, directeur du Concert spirituel, lieu de création de plusieurs de leurs œuvres, mourut en décembre 1793, au plus fort de la Terreur mais là s’arrêtent les coïncidences...


La première œuvre donnée était également la plus connue puisqu’il s’agissait de la Symphonie n° 31 dite «Paris», composée par Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Œuvre virevoltante créée au Concert spirituel en juin 1778, elle fut très chaleureusement accueillie lors de sa création: ce fut également la réaction du public de l’Opéra royal qui salua ainsi le dynamisme de l’interprétation donnée par le Cercle de l’Harmonie, dirigé avec prestance par Jérémie Rhorer.


En revanche, qui se souvient aujourd’hui de Nicolas-Jean Lefroid de Méreaux (1745-1797)? Les spécialistes se rappelleront peut-être qu’il fut un compositeur de pièces religieuses et d’opéras (Œdipe à Thèbes, Esther, ...), qu’il fut également professeur à l’Institut national de musique (ancêtre du Conservatoire) et, accessoirement, père d’une longue lignée de musiciens dont le plus célèbre fut certainement son petit-fils Amédée Méreaux (1802-1874), compositeur établi à Rouen, ville où il «conquit rapidement la sympathie universelle» pour reprendre les termes de Marmontel. Les mélomanes assidus du Centre de musique baroque de Versailles se souviendront peut-être également de l’interprétation de sa Messe en musique, dirigée par Olivier Schneebeli en décembre 2008. Ce soir, Jérémie Rhorer choisit de faire découvrir au public l’un de ses oratorios, Samson, composé en 1774 sur un livret de Voltaire. Faisant intervenir trois voix solistes (soulignons la belle prestation du jeune ténor Mathias Vidal et regrettons par la même occasion la faible projection de la voix pourtant charmeuse de Magali Léger, trop souvent couverte par l’orchestre), un chœur et un orchestre étoffé, cet oratorio (d’une durée d’une demi-heure à peine) fut pour beaucoup une véritable exhumation. Même si certains passages furent remarquables (le très beau chant dramatique d’Alain Buet, excellent Samson, dans son air «Quel spectacle d’horreur...», le passage des trois Coryphées «Chantons, chantons l’arbitre des combats...» ou le chœur conclusif, son atmosphère brillante étant renforcée par les trompettes et les timbales), force est de constater que l’œuvre en tant que telle demeure modeste. Classique dans son agencement, elle est jouée presque d’un seul tenant et ne brille pas particulièrement par sa mélodie qui, pour reprendre une critique de l’époque relative à son opéra Fabius (1793) est «d’une teinte trop uniforme (...) pas assez déclamatoire» (cité par Adélaïde de Place, La vie musicale en France au temps de la Révolution, Fayard).


Henri-Joseph Rigel (1741-1799) est-il plus connu que Lefroid de Méreaux? Rien n’est moins sûr. Allemand d’origine, il arrive très jeune à Paris et compose ses premières œuvres dès 1767. En mai 1774 paraissent ses Six symphonies à grand orchestre, dont une sera créée au Concert spirituel la même année. La Symphonie n° 4 (en ut mineur), composée de trois mouvements, frappe par sa fougue, par la houle des cordes, l’empressement des deux hautbois, autant de caractéristiques qui rappellent l’atmosphère des symphonies de Joseph Martin Kraus (1756-1792). Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si c’est le Concerto Köln qui, après avoir fait connaître Kraus au grand public, est de nouveau l’ensemble qui vient récemment d’enregistrer les symphonies de Rigel (chez Berlin Classics)! L’enthousiasme et la vivacité de Jérémie Rhorer font de nouveau merveille, entraînant avec lui ses musiciens dans un vaste mouvement où s’illustrent notamment les trépidations des cordes.


La dernière œuvre de la soirée, également due à la plume de Rigel, est un oratorio, La Sortie d’Egypte (1774). Reçu avec un immense succès, il sera donné pas moins de vingt-sept fois entre 1775 et 1786, suscitant même l’admiration de Christoph Willibald Gluck qui, ainsi que le rapporte la Biographie nouvelle des contemporains (1825, tome XVIII), aurait dit que «M. Rigel est l’homme qui convient pour le grand théâtre; car, quand on a fait un oratorio comme la sortie d’Egypte, on est en état de faire de grands ouvrages». Le fait est que l’œuvre est très agréable et fait preuve d’une certaine inventivité. A la scène 6, l’opposition entre le chœur des Israélites (confié aux voix féminines accompagnées par les bois, notamment les hautbois) et le chœur des Egyptiens (confié aux voix masculines, renforcées par les cors, les trompettes et les timbales) est du plus bel effet. Les quatre solistes (les trois de la première partie ayant été rejoints par la mezzo Camille Merckx, dont le nom ne figure malheureusement pas dans le programme...) jouent de manière très convaincante leur partition, Magali Léger se distinguant notamment dans son bref rôle de femme égyptienne à la scène 3, conclue avec délicatesse par le chœur, les clarinettes et les bassons.


La réussite de l’ensemble, porté par un Jérémie Rhorer en verve, doit conduire, du moins peut-on l’espérer, à poursuivre la redécouverte de ces partitions oubliées qui, à défaut de révolutionner la musique, contribuent sans nul doute à son enrichissement.


Le site du Cercle de l’Harmonie
Le site de l’ensemble Les Eléments
Le site de Magali Léger
Le site de Mathias Vidal



Sébastien Gauthier

 

 

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