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Tonitruances mahlériennes

Paris
Théâtre du Châtelet
09/23/2010 -  et 24 septembre 2010 (Bonn)
Gustav Mahler : Kindertotenlieder – Symphonie n° 5
Matthias Goerne (baryton)
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


M. Goerne (© Marco Borggreve/Harmonia mundi)


Pour la reprise de son cycle Gustav Mahler débuté en octobre dernier, l’Orchestre national de France propose – à nouveau avec Matthias Goerne (lire ici) – un programme identique à celui donné il y a six ans par la formation parisienne et le baryton allemand (lire ici). Avec un autre chef (son directeur musical Daniele Gatti) et dans une autre salle (le Théâtre du Châtelet), le National a comblé son public lors de ce concert conclu par d’enthousiastes applaudissements… à la différence du curieux mélange de bravos et de huées ayant accueilli l’intervention liminaire d’un membre de l’orchestre (afin de faire part du soutien des musiciens aux grévistes et manifestants mobilisés contre le projet de loi de réforme des retraites).


Comme deux semaines plus tôt à Pleyel (lire ici), c’est un Mahler surtitré en français auquel les spectateurs du Châtelet ont droit, offrant par-là au public l’occasion d’une plus grande intimité avec les textes de Friedrich Rückert dans les Kindertotenlieder (1904). Heureuse initiative, qui valorise le minutieux travail de caractérisation verbale auquel se livre Matthias Goerne. Le style du baryton allemand peut en dérouter plus d’un – à commencer par ceux qui préfèrent entendre une voix de femme chanter le traumatisme de la Mütterlein – celui de la nostalgie («Oft denk’ ich, sie sind nur ausgegangen») et de la culpabilité («In diesem Wetter, in diesem Braus, nie hätt’ ich gesendet die Kinder hinaus!»). On confessera, pour notre part, une émotion réelle face à ces lieder déclamés par Matthias Goerne avec une violence inouïe dans la blessure (ces fortissimos intimidants et noirs, ce médium capiteux et saisissant), dans la douleur (l’injustice de la perte, la révolte face à la mort) et dans l’engagement sur scène (achevant son concert la chemise en eau). Il y a quelque chose d’universel dans le portrait que dresse le natif de Weimar – celui d’un homme ordinaire pleurant la mort de ses enfants, se livrant sans pudeur à la déchirure et l’angoisse. Répondant à cette concentration extrême et sans concession, Daniele Gatti se met au service de son chanteur – balançant des coups de massue dans les cordes, lançant de subites accélérations, brutalisant les variations de nuances –, bien soutenu par un Orchestre national de France en grande forme. On y saluera davantage l’admirable cohésion des cordes – conséquence de la nouvelle disposition des pupitres, remarquée lors du concert de rentrée (lire ici)? – plutôt qu’un fond d’orchestre manquant de subtilité ou de précision (les cuivres notamment).


C’est à peu près le même constat instrumental qui s’impose dans la Cinquième symphonie (1902). Une fois chauffés, les cuivres se font toutefois moins froids et indifférents, alors qu’emmenées par Sarah Nemtanu, les cordes maintiennent toutes le niveau d’excellence constaté avant l’entracte, délivrant un son incandescent et d’une densité assez grisante. Il faut dire que Daniele Gatti s’investit intensément dans cette œuvre avec laquelle il entretient d’évidentes affinités, dont il a enregistré à la fin des années 1990 une version remarquée avec le Royal Philharmonic (Conifer Records) et qu’il dirige à intervalles réguliers (y compris à la tête du prestigieux Concertgebouw, dans le cadre du remarquable cycle Mahler de la formation amstellodamoise). Grognant, mugissant, offrant même à sa baguette un «saut de l’ange» au beau milieu du Scherzo (… heureusement sans conséquence pour les altistes, victimes involontaires de ce vol plané mémorable), le chef italien impose des «tempos-TGV», dans le mouvement central notamment – sacrifiant la beauté instrumentale à la frénésie du rythme. Il présente à Paris un Mahler éloquent mais peu émouvant (plus convaincant dans la rigueur du Stürmisch bewegt que dans une bruyante «Marche funèbre»), fait de tonitruance et d’extraversion – quitte à exagérer le pathos dans l’Adagietto ou à renoncer à la perfection de la mise en place dans le Rondo. Allegro.


Le site de Matthias Goerne



Gilles d’Heyres

 

 

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